Vers une nouvelle ère diplomatique au Moyen-Orient

Des responsables saoudiens et iraniens assistant à la cérémonie officielle de réouverture de l'ambassade de Téhéran à Riyad (Fichier/AFP).
Des responsables saoudiens et iraniens assistant à la cérémonie officielle de réouverture de l'ambassade de Téhéran à Riyad (Fichier/AFP).
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Publié le Lundi 26 juin 2023

Vers une nouvelle ère diplomatique au Moyen-Orient

Vers une nouvelle ère diplomatique au Moyen-Orient
  • La militarisation, les polémiques politiques et le soutien aux groupes supplétifs non seulement ne résolvent pas les tensions mais déstabilisent également davantage la région
  • Pour que les initiatives diplomatiques durent et se prolongent dans le temps, elles doivent aider non seulement ceux qui, au niveau de l'État, ont négocié et conclu les accords, mais aussi les gens ordinaires

Les derniers développements au Moyen-Orient révèlent une nouvelle tendance: la région s'est transformée en un lieu plus stable et plus prospère en raison du fait que la diplomatie a pris le devant de la scène. Ce changement important devrait être soutenu par les grandes puissances mondiales et par l’ensemble de la communauté internationale.

Entre 2000 et 2020, le Moyen-Orient a connu plusieurs conflits majeurs, une instabilité accrue et une insécurité généralisée. L'invasion américaine de l'Irak a déclenché dans ce pays des années de guerre interne entre des groupes terroristes et des milices sectaires. Cela a provoqué des tensions entre les autres États et les acteurs non étatiques de la région. La guerre civile en Syrie a également opposé de nombreux groupes les uns aux autres.

Ces événements ont fait basculer le fragile équilibre des forces entre les pays du Moyen-Orient. À une époque aussi conflictuelle, les options militaires semblaient être la seule voie pour remporter les batailles. Mais comme le montrent les preuves des deux dernières décennies, la militarisation, les polémiques politiques et le soutien aux groupes supplétifs non seulement ne résolvent pas les tensions mais déstabilisent également davantage la région et la rendent plus instable pour tout le monde.

Cependant, cette tendance a commencé à changer après que les pays du Golfe ont joué un rôle de premier plan dans une tentative de stabiliser la région et d'apporter la paix et la sécurité à travers la diplomatie et le dialogue. Cette mission diplomatique a été clairement proposée et soutenue par le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, qui a donné la priorité à la paix au Moyen-Orient, au renforcement de la sécurité régionale et à la création d'un environnement pacifique dans lequel chacun pourrait se développer.

«Les pays du Golfe ont joué un rôle de premier plan dans la tentative de stabiliser la région et d'apporter la paix et la sécurité»- Dr Majid Rafizadeh

Il est important de souligner le fait que les initiatives diplomatiques et les stratégies de désescalade ont tendance à réussir lorsqu'elles sont accompagnées de fortes motivations, qui sont proposées aux parties concernées. Ces motivations peuvent être politiques et/ou économiques.

L'un des derniers exemples en date a été la décision des pays du Golfe – en particulier l'Arabie saoudite – de donner une chance à la diplomatie en ce qui concerne les relations avec le gouvernement iranien. Bien que la Chine ait négocié le récent accord entre l'Arabie saoudite et l'Iran, le rôle important joué par le Royaume ne doit pas être ignoré.

Jon Alterman, directeur du programme pour le Moyen-Orient au Centre d'études stratégiques et internationales, a souligné ce fait en affirmant: «En accordant autant d'attention à la Chine, les Américains risquent de passer à côté de la partie la plus importante de cet accord: le rôle régional évolutif de l’Arabie saoudite. Une semaine de diplomatie bien intégrée a non seulement montré que l'Arabie saoudite était un acteur diplomatique habile, mais également un acteur créatif. L'image répandue de l'Arabie saoudite aux États-Unis est celle d'un consommateur, largement passif, de sécurité fournie par les États-Unis. Avec cet accord, l'Arabie saoudite a dépassé la passivité de plusieurs décennies et a démontré qu'elle était une force diplomatique avec laquelle il fallait compter.»

Une autre action diplomatique envers la Syrie a été engagée le mois dernier. La Ligue arabe a réadmis Damas, mettant fin à sa suspension de plus d'une décennie. Selon le ministère saoudien des Affaires étrangères, les objectifs de cette décision ont été définis par les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe, qui «se sont consultés et ont échangé des point de vue sur les efforts déployés pour parvenir à une solution politique à la crise syrienne qui mette fin à ses répercussions, préserve l'unité de la Syrie, sa sécurité, sa stabilité et son identité arabe et la replace dans son environnement arabe, en ayant pour objectif le bien de son peuple frère.»

La communauté internationale a déjà été témoin de certaines des conséquences positives de ces dernières initiatives diplomatiques. Selon le Wall Street Journal, le gouvernement iranien a accepté de cesser d'armer les Houthis. La sécurité dans la région a également été renforcée, sachant que les tensions entre Téhéran et les autres États du Golfe semblent s'être apaisées. À la suite du rapprochement saoudo-iranien, le gouvernement iranien améliore ses relations avec des États comme Bahreïn.

«Les initiatives diplomatiques et les stratégies de désescalade ont tendance à réussir lorsqu'elles sont accompagnées de fortes motivations»- Dr Majid Rafizadeh

L'accent mis par les pays du Golfe sur la diplomatie et l'atténuation des conflits, ainsi que sur la désescalade, a même été observé au-delà de la région. À titre d’exemple, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont joué l'année dernière un rôle d'intermédiaire majeur en facilitant un échange de prisonniers entre les États-Unis et la Russie. Dans un communiqué conjoint, le ministère saoudien des Affaires étrangères et son homologue émirati ont annoncé le succès des efforts qui ont conduit à la libération et à l'échange de deux prisonniers, dont la star américaine du basket-ball Brittney Griner.

Un manque de dialogue et de relations diplomatiques entre les pays peut avoir des conséquences inattendues, comme le fait d’exacerber la méfiance et de provoquer des malentendus, des tensions, des conflits ou même des guerres. Certaines tentatives diplomatiques peuvent fonctionner pendant un certain temps, puis échouer. Pour que les initiatives diplomatiques durent et se prolongent dans le temps, elles doivent aider non seulement ceux qui, au niveau de l'État, ont négocié et conclu les accords, mais aussi – et plus important encore – les gens ordinaires. Lorsque les citoyens ordinaires sont témoins des avantages de la diplomatie, de la désescalade et de l'atténuation des conflits, les rapprochements sont plus susceptibles d'être durables et réussis.

C'est pourquoi il est essentiel que les pays les plus riches du Moyen-Orient investissent dans d'autres pays de la région. Les avantages économiques d'avoir de bonnes relations et des relations diplomatiques avec d'autres pays, en particulier les voisins, sont innombrables. À titre d’exemple, les pays stables peuvent attirer davantage d'investissements et de visiteurs, contribuant de manière importante à leur développement économique et assurant des revenus aux gens ordinaires, ainsi qu'aux petites, moyennes et grandes entreprises.

En un mot, la diplomatie est la clé de la désescalade, puisqu’elle renforce la stabilité et la sécurité au Moyen-Orient et rend la région plus sûre et plus prospère pour toutes les nations. Les motivations économiques et politiques sont les piliers essentiels d'initiatives diplomatiques réussies, efficaces et durables.

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.

Twitter: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com