Le réalisateur émirati Mohammed Saeed Harib parle de son nouveau film sur un aspirant lutteur saoudien

Mohammed Saeed Harib sur le plateau de King of the Ring. (Photo fournie)
Mohammed Saeed Harib sur le plateau de King of the Ring. (Photo fournie)
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Publié le Vendredi 09 juin 2023

Le réalisateur émirati Mohammed Saeed Harib parle de son nouveau film sur un aspirant lutteur saoudien

  • King of the Ring raconte le combat d’un Saoudien qui aspire à devenir lutteur professionnel, malgré les limites que lui impose la société
  • Le long-métrage est une première coproduction à grande échelle entre la chaîne saoudienne MBC, la société Image Nation d’Abu Dhabi et Vox Cinemas

DUBAÏ: Si Dubaï a un visage, il a probablement été dessiné par Mohammed Saeed Harib.

L’animateur, artiste et réalisateur émirati à l’origine du nouveau film King of the Ring, actuellement projeté dans les cinémas du Moyen-Orient, est devenu une icône dans son pays natal et a grandement contribué à la façon dont la ville se présente au monde. Les personnages de sa série animée Freej accueillent les touristes à bord de FlyDubai, son robot a guidé les visiteurs lors de l’Expo 2020 et, aujourd’hui, les personnages Modesh et Dana, récemment redessinés, servent de mascottes à la ville.

Il n’est donc pas étonnant que Harib se concentre aujourd’hui davantage sur le message qui se cache derrière ses créations. Évidemment, il n’a pas perdu son sens de l’humour, mais si son objectif, il y a vingt ans, était de divertir et de se moquer affectueusement de sa propre culture, il est désormais beaucoup plus conscient d’être un ambassadeur culturel. Alors que la voix artistique de la région commence à se faire entendre, ce qui est dit compte tout autant que la manière dont cela est dit.

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Une scène de King of the Ring. (Photo fournie)

«J’ai constaté qu’il était très important d’utiliser mes compétences pour veiller à ce que les enfants grandissent avec de bons produits», explique Harib à Arab News. «Ma série animée Siraj n’attire peut-être pas autant l’attention des médias, mais elle est diffusée depuis des années dans les écoles. C’est drôle, parce que je préférerais être connu pour ce genre de travail, honnêtement.»

À première vue, King of the Ring (Malik Al-Halaba en arabe) peut sembler étrange pour un artiste avec de telles intentions. C’est l’histoire d’un Saoudien qui aspire à devenir lutteur professionnel, ce qui est loin d’être le domaine de prédilection de Harib. Mais, au-delà des apparences, il s’agit de bien plus que cela.

«Lorsqu’on m’a contacté, on m’a averti qu’il ne s’agissait pas d’un film comique, mais d’une histoire sincère. J’ai répondu: “Parfait, c’est exactement ce que je veux faire”. Je voulais une comédie d’action avec un peu d’âme», explique Harib.

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Yassin Ghazzawi incarnant Mousaab dans King of the Ring. (Photo fournie)

Plus facile à dire qu’à faire, bien sûr, surtout dans les circonstances auxquelles Harib a été confronté. Le film a été tourné à Abu Dhabi au milieu de l’année 2020, au plus fort de la pandémie de Covid-19. Cette «période sans précédent» a conduit à une production à laquelle personne n’aurait pu se préparer.

«Abu Dhabi était de loin la ville la plus restrictive pendant la pandémie, et nous avons donc dû nous adapter en conséquence. C’était un peu surréaliste de s’enregistrer dans un hôtel et de les entendre me demander: “Alors, vous allez rester ici pendant quatre-vingt dix jours ?” Lorsque j’ai enfin pris conscience de la situation, l’Arabie saoudite a interrompu tous les vols et nous avons perdu notre acteur principal», raconte Harib.

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Le réalisateur Mohammed Saeed Harib dirige les acteurs de King of the Ring pendant le tournage. (Photo fournie)

Le réalisateur ne disposait pas vraiment d’éléments de référence. Son dernier film en prises de vues réelles, Rashid & Rajab (2019), a été réalisé sur une période de six ans dans des lieux intimes près de chez lui, avec des acteurs et une équipe qu’il connaissait depuis des années, et des producteurs qui figurent parmi ses amis les plus proches. 

Quant à King of the Ring, c’est un film de grande envergure, avec des acteurs internationaux, la première coproduction à grande échelle entre la chaîne saoudienne MBC, la société Image Nation d’Abu Dhabi et Vox Cinemas. Malgré tout cela, une question pressante l’a taraudé: «Comment diable vais-je filmer le catch?»

«J’étais un grand fan quand j’étais enfant, mais je ne m'y suis pas vraiment intéressé depuis des années, et jamais avec l’œil d’un réalisateur. Maintenant, je suis devenu obsédé. Nous avons fini par construire un ring de catch dans l’une des salles de réunion de l’hôtel, juste pour répéter les routines encore et encore, car j’étais déterminé à comprendre la signification de chaque mouvement», confie Harib.

«Dans le film, la lutte commence de manière très amateur, tant dans sa chorégraphie que dans la manière dont elle est filmée. Ensuite, au fur et à mesure que le film avance, ma meilleure direction arrive au moment où la lutte devient vraiment bonne aussi. Nous avons tous appris au fur et à mesure – nous avons grandi avec le personnage», poursuit Harib.

Le réalisateur s’est surpassé, se laissant guider, au cours d’une expérience éprouvante, par le désir de devenir un meilleur cinéaste – un objectif qu’il a atteint. C’est probablement la raison pour laquelle il s’est senti si proche de l’âme du film, qui raconte le combat d’un homme contre les limites que lui impose la société.

«Cette histoire met en lumière des personnalités en difficulté – des personnes qui se battent pour trouver leur voix alors que la société impose de ne pas aller à contre-courant. Il y a autour de vous des personnes qui vous jugent et vous disent ce que vous devez faire, comment vous devez paraître, comment vous devez vous trahir ou dans quel métier vous devez vous lancer. Nous avons fait en sorte que ce film soit un film de famille parce que nous voulons que les parents et les enfants voient le parcours et tirent quelque chose de la vision de cet homme qui se bat pour être différent et qui réussit à l’être», déclare Harib.

De manière étonnante, ce n’est pas le premier film du Golfe qui traite du catch cette année. Sattar, de Telfaz11, a connu un succès sans précédent dans le Royaume, mais il est très différent de King of the Ring. Alors que la sensibilité comique exagérée du premier correspondait davantage à ses origines de comédie sur YouTube, le film de Mohammed Saeed Harib s’adresse à un public très différent.

«La semaine dernière, l’un des acteurs de Telfaz11 est venu assister à notre première en Arabie saoudite, et il est venu me voir ensuite pour me dire à quel point il était heureux d’être venu», raconte Harib. «C’est un film que les enfants devraient voir, car il transmet un message clair. “Je ne peux pas recommander notre film Sattar s’ils n’ont pas un certain âge. C’est merveilleux que ces deux films existent!” a dit l’homme.»

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King of the Ring n’est pas le premier film du Golfe qui traite du catch cette année. Sattar, de Telfaz11, a connu un succès sans précédent dans le Royaume, mais il est très différent de King of the Ring. (Photo fournie)

Sattar a redessiné à lui seul le paysage cinématographique de la région, ouvrant la voie à des perspectives commerciales inexploitées pour les films saoudiens dans le Royaume. Aux Émirats arabes unis, en revanche, Sattar n’a pas connu un aussi grand succès, ce qui montre qu’il y a encore du travail à faire pour réaliser des films qui plaisent autant aux Émiratis qu’aux Saoudiens.

«J’espère que nous parviendrons à apprécier les films des uns et des autres. Cependant, les gens doivent savoir que même si nous faisons partie d’une seule et même famille, nous avons des différences», indique Harib. «Il existe de nombreuses nuances culturelles uniques. Par exemple, la culture YouTube qui a façonné les goûts des Saoudiens au cours de la dernière décennie est différente de celle de la population émiratie. Ce genre de contenu est difficile à vendre à des publics qui ne le connaissent pas, et vice versa. Il y a beaucoup de travail à faire pour surmonter ces différences.»

Bien entendu, ces différences ne cessent d’évoluer. Harib travaille actuellement sur la nouvelle saison de Freej et s’émerveille constamment de voir à quel point le pays est différent de ce qu’il était lorsqu’il a commencé la série en 2006. Les personnages qu’il a créés n’existent presque plus dans la vie réelle, car le peuple émirati continue d’évoluer avec son époque, et les traditions culturelles commencent à changer elles aussi.

«Je travaille actuellement sur un film à ce sujet – un film d’animation – et c’est un projet qui me passionne. J’ai passé tellement de temps au service d’entreprises ou d’organisations gouvernementales, mais celui-ci est pour moi. Mais le processus sera long», précise Harib. «Peut-être que dans cinq ans, nous pourrons nous retrouver pour discuter de ce film et essayer de comprendre à quel point le Golfe a changé une fois de plus.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Les stars et les créateurs arabes font sensation à Cannes

L’influenceuse saoudienne Yara Alnamlah pose sur le tapis rouge. (Getty Images)
L’influenceuse saoudienne Yara Alnamlah pose sur le tapis rouge. (Getty Images)
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  • L’animatrice de télévision et mannequin germano-américaine Heidi Klum a fait sensation sur le tapis rouge dans une robe rouge audacieuse du créateur libanais Saiid Kobeisy
  • La première standing ovation du festival a toutefois été réservée à Meryl Streep, qui a reçu une Palme d’or d’honneur lors de la cérémonie d’ouverture, mardi

DUBAÏ: Lors de la cérémonie d’ouverture de la 77e édition du Festival de Cannes, qui s’est déroulée dans le cadre glamour de la Côte d’Azur, les stars et les créateurs arabes ont une nouvelle fois fait sensation.

Le festival commençait avec la première du film Le Deuxième Acte, mais, avant cela, l’influenceuse saoudienne Yara Alnamlah a foulé le tapis rouge dans une tenue du créateur Rami Kadi. Elle portait des bijoux de la maison Chaumet, notamment le collier «Blé» de la collection de haute joaillerie Le Jardin de Chaumet.

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L’influenceuse saoudienne Yara Alnamlah pose sur le tapis rouge. (Getty Images)

Quant à Shanina Shaik, mannequin australien d’origine saoudienne, pakistanaise et lituanienne, elle était vêtue d’une étourdissante robe écarlate du couturier libanais Zuhair Murad. Sa robe sans bretelles, dotée d’un décolleté en cœur et d’une spectaculaire surjupe, est issue de la collection de prêt-à-porter automne 2024 du créateur.

Shanina Shaik n’était pas la seule star sur le tapis rouge à avoir opté pour un créateur arabe.

L’animatrice de télévision et mannequin germano-américaine Heidi Klum a fait sensation sur le tapis rouge dans une robe rouge audacieuse du créateur libanais Saiid Kobeisy. Il s’agissait d’une robe en soie, froncée à la taille et révélant une jambe.

De son côté, l’actrice américaine Jane Fonda a revêtu une combinaison noire ornée de broderies en cristal de la collection automne 2019 du créateur libanais Elie Saab. Pour compléter son look, elle a opté pour un pardessus imprimé léopard.

Le Deuxième Acte est une comédie française qui réunit Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel et Raphaël Quenard. Ils incarnent des acteurs qui se chamaillent sur le tournage d’un film réalisé par intelligence artificielle.

La première standing ovation du festival a toutefois été réservée à Meryl Streep, qui a reçu une Palme d’or d’honneur lors de la cérémonie d’ouverture, mardi. Après que Juliette Binoche l’a présentée, Streep a secoué la tête, s’est éventée et a dansé sous les applaudissements tonitruants de la foule.

«Je suis tellement reconnaissante du fait que vous ne vous soyez pas lassés de moi et que vous ne soyez pas descendus du train», a lancé Streep qui, peu après, a déclaré, en compagnie de Juliette Binoche, le Festival de Cannes officiellement ouvert.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'exil forcé et l'appel au secours du cinéaste iranien Mohammad Rasoulof

Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof pose le 19 mai 2017 lors d'un photocall pour le film "Lerd" (Un homme intègre) à la 70e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France (Photo, AFP).
Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof pose le 19 mai 2017 lors d'un photocall pour le film "Lerd" (Un homme intègre) à la 70e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France (Photo, AFP).
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  • Les festivals internationaux sont une forme de reconnaissance importante pour les cinéastes iraniens aux prises avec le régime
  • Amnesty International affirme que l'Iran, secoué par un mouvement de contestation fin 2022 après la mort de Mahsa Amini, a exécuté 853 personnes en 2023

CANNES: Le cinéaste Mohammad Rasoulof vient de fuir l'Iran mais pourra-t-il se rendre à Cannes ? Le symbole serait fort pour la liberté d'expression mais rien n'est moins sûr pour celui qui lance mardi un appel à l'aide au cinéma mondial.

Grande voix du cinéma iranien, dans le viseur du régime des mollahs depuis des années, condamné et incarcéré à plusieurs reprises, Rasoulof est en lice pour la Palme d'Or, qui sera remise le 25 mai au Festival de Cannes.

Programmé au dernier jour de la compétition, le 24, "Les graines du figuier sauvage" aurait dû être présenté en son absence, comme c'est souvent le cas pour les réalisateurs iraniens, longtemps tolérés tout en étant obligés de déjouer la censure. Et régulièrement empêchés de quitter leur pays, voire poursuivis en justice.

Lundi, coup de théâtre. Rasoulof, condamné en appel à huit ans de prison dont cinq applicables et qui s'est vu priver de son passeport, révèle qu'il est parvenu à fuir clandestinement l'Iran. Son avocat assure qu'il pourra participer au festival, ce dernier confirmant travailler avec le Quai d'Orsay pour parvenir à le faire venir sur la Croisette.

Mais le lendemain, à quelques heures de la cérémonie d'ouverture, Mohammad Rasoulof et son producteur Jean-Christophe Simon soulignent que rien n'est garanti à ce stade. Surtout, le réalisateur lance dans un communiqué transmis à l'AFP un vibrant appel au secours, dit son inquiétude pour ses équipes restées en Iran et règle ses comptes avec les censeurs de la République islamique.

"Je suis arrivé en Europe il y a quelques jours après un voyage long et compliqué", témoigne le cinéaste de 51 ans. Celui qui veut représenter un Iran "loin du récit dominé par la censure (et) plus proche de la réalité" explique avoir décidé de partir lorsqu'il a appris que sa peine, "injuste", serait mise à exécution "dans les plus brefs délais".

Il craignait une condamnation supplémentaire à la suite de la présentation de son prochain film, dans un pays où la répression ne cesse de s'amplifier. "Je devais choisir entre la prison et quitter l'Iran. Le cœur lourd, j'ai choisi l'exil", relate Rassoulof. Sans passeport, il a dû "quitter l'Iran secrètement".

«Machine criminelle»

Le réalisateur s'alarme pour ses équipes restées en Iran, dans un pays où "l'ampleur et l'intensité de la répression ont atteint un degré de brutalité tel que les gens s'attendent à apprendre chaque jour un nouveau crime odieux commis par le gouvernement". "La machine criminelle de la République islamique viole continuellement et systématiquement les droits de l'homme", dénonce-t-il.

Lui-même juge "difficile" à croire que son pays vienne de condamner à mort le jeune rappeur Toomaj Salehi, détenu en prison.

Amnesty International affirme que l'Iran, secoué par un mouvement de contestation fin 2022 après la mort de Mahsa Amini, a exécuté 853 personnes en 2023, le nombre le plus élevé depuis 2015. Les cinéastes sont régulièrement accusés de propagande contre le régime.

Rasoulof a pu garder secrets "l'identité des acteurs et de l'équipe, ainsi que les détails de l'intrigue et du scénario". Certains acteurs "ont réussi à quitter l'Iran" à temps, se réjouit-il. Mais de nombreux autres membres de l'équipe y sont toujours "et les services de renseignement font pression sur eux. Ils ont subi de longs interrogatoires. Les familles de certains d'entre eux ont été convoquées et menacées".

"La communauté cinématographique mondiale doit assurer un soutien fort aux réalisateurs", implore le cinéaste, Ours d'or à Berlin en 2020 pour "Le Diable n'existe pas", sur la peine de mort. Un prix remis en son absence, ayant été empêché de quitter l'Iran.

Les festivals internationaux sont une forme de reconnaissance importante pour les cinéastes iraniens aux prises avec le régime, à l'image d'Ashgar Farhadi ("Une séparation"), Jafar Panahi ("Taxi") ou Saeed Roustaee ("Leila et ses frères"), régulièrement sélectionnés.

"La liberté d'expression doit être défendue haut et fort (...) Comme je le sais par expérience personnelle, ce soutien peut leur être d'une aide inestimable pour poursuivre leur travail vital", souligne Rasoulof. En France, la Société des réalisateurs de films (SRF) lui a apporté son soutien, ainsi que la coalition internationale pour les cinéastes en danger (ICFR), qui défend plusieurs Iraniens menacés.


Femmes puissantes en vue au 77e Festival de Cannes

La réalisatrice libanaise et membre du Jury du 77ème Festival de Cannes Nadine Labaki arrive sur scène lors de la cérémonie d'ouverture et de la projection du film "Le Deuxième Acte" à la 77ème édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France, en mai 14, 2024 (Photo, AFP).
La réalisatrice libanaise et membre du Jury du 77ème Festival de Cannes Nadine Labaki arrive sur scène lors de la cérémonie d'ouverture et de la projection du film "Le Deuxième Acte" à la 77ème édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France, en mai 14, 2024 (Photo, AFP).
L'actrice française Léa Seydoux (Photo, AFP).
L'actrice française Léa Seydoux (Photo, AFP).
L'actrice, réalisatrice, productrice et présidente du jury de la Caméra d'Or française Emmanuelle Beart pose lors de leur photocall à la 77e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024 (Photo, AFP).
L'actrice, réalisatrice, productrice et présidente du jury de la Caméra d'Or française Emmanuelle Beart pose lors de leur photocall à la 77e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024 (Photo, AFP).
L'actrice française Judith Godrèche (Photo, AFP).
L'actrice française Judith Godrèche (Photo, AFP).
Les membres du Jury du 77e Festival de Cannes posent à leur arrivée pour la cérémonie d'ouverture (Photo, AFP).
Les membres du Jury du 77e Festival de Cannes posent à leur arrivée pour la cérémonie d'ouverture (Photo, AFP).
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  • Sur le tapis rouge, il y aura Anya Taylor-Joy, 28 ans, une guerrière qui fait mordre la poussière aux hommes sur grand écran dans «Furiosa»
  • C'est déjà un temps fort du Festival, sept ans après la chute du producteur américain Harvey Weinstein

CANNES: Judith Godrèche, voix du mouvement #MeToo, et son court-métrage très attendu, Anya Taylor-Joy, dans le rôle-titre de "Furiosa", déclinaison de "Mad Max": longtemps invisibilisées dans le 7e art, les femmes puissantes déboulent mercredi au Festival de Cannes.

Il faut aussi mentionner, dans la même journée, une masterclass avec Meryl Streep ("Sur la route du Madison", "Mamma mia"), 74 ans, légende de Hollywood qui a reçu une Palme d'Or d'honneur lors de la cérémonie d'ouverture 100% féminine, suivie par 2,3 millions de téléspectateurs.

Un record, s'est félicité France Télévisions.

"Tu as changé notre façon de voir les femmes, tu nous as donné une nouvelle image de nous-mêmes", l'a remercié, en pleurant, Juliette Binoche en lui remettant ce prix.

"Moi aussi", réalisé par Judith Godrèche, 52 ans, sera doublement présenté: en ouverture de la sélection Un Certain Regard, au Palais des Festivals, seulement pour les accrédités, et au Cinéma de la Plage, pour les touristes et les Cannois.

C'est déjà un temps fort du Festival, sept ans après la chute du producteur américain Harvey Weinstein, et cinq mois après la prise de parole marquante, en France, de l'actrice-réalisatrice qui a accusé de viols deux figures du cinéma d'auteur, Benoît Jacquot et Jacques Doillon.

Visages des victimes 

La comédienne a tourné ce court-métrage de 17 minutes pour dénoncer les violences sexuelles. Une façon de redonner un visage à un millier de victimes, a-t-elle confié à l'AFP.

"Il y a cette idée du +comme toi, ça aussi je l'ai vécu+, d'un lien, d'un écho, développe l'intéressée. L'idée, c'était de dire vous avez le droit de venir même si vous ne voulez pas être filmé, vous pouvez être de dos, vous pouvez être flouté".

"Ces personnes semblent partager un même sentiment de honte. Comment transformer la honte? Pas en fierté, personne n'est fier de s'être fait abuser sexuellement. Mais partager quelque chose dont on pourrait toutes et tous se dire, +on a fait ça ensemble et on peut en être fier+".

Pour Judith Godrèche, "le cinéma a une fonction symbolique, divine quasiment". "Me dire que les gens anonymes qui sont dans ce film vont être les acteurs principaux d'un film qui va à Cannes, c'est ce statut-là qui m'intéresse".

Le mouvement #MeToo alimente les discussions du Festival de Cannes. "Nous continuons à débattre de ces questions ensemble notamment la question ou nous voulons qu'aille le cinéma. Il y a énormément de changements aux Etats-Unis", a commenté devant la presse Greta Gerwig, réalisatrice et présidente du jury.

 Guerrière 

"La parole a été ouverte il y a quelques années", a dit en conférence de presse l'acteur Omar Sy ("Lupin"), membre du jury, qui se félicite qu'il y ait "de plus en plus de femmes qui ont le courage de dire les choses" dans une "industrie du cinéma très visible".

Et sur le tapis rouge, il y aura Anya Taylor-Joy, 28 ans, une guerrière qui fait mordre la poussière aux hommes sur grand écran dans "Furiosa", présenté hors compétition en avant-première mondiale.

C'est un nouvel épisode de la saga "Mad Max", plus précisément un prequel de "Fury Road" (2015), soit la jeunesse du personnage incarné alors par Charlize Theron.

"Il y a quinze ans, je n'aurais pu imaginer qu'il y aurait autant de femmes dans le cinéma", s'est réjoui Greta Gerwig, première réalisatrice à dépasser le milliard de dollars de recettes avec "Barbie". Il n'y a cependant que quatre réalisatrices dans les 22 films en compétition à Cannes cette année. "Quatre femmes téméraires", a glissé Camille Cottin, maîtresse de cérémonie du Festival.

Dont la Française Agathe Riedinger qui ouvre le bal de la compétition avec "Diamant brut", un premier film sur la télé-réalité et les aspirations d'une jeune fille vivant dans le sud de la France.