Si l’Iran ne veut pas se brûler, il doit cesser d’attiser les flammes

Une prise de vue montrant la scène de l'attaque qui a tué l'éminent scientifique iranien Mohsen Fakhrizadeh, à l'extérieur de Téhéran, en Iran, le 27 novembre 2020 (Reuters)
Une prise de vue montrant la scène de l'attaque qui a tué l'éminent scientifique iranien Mohsen Fakhrizadeh, à l'extérieur de Téhéran, en Iran, le 27 novembre 2020 (Reuters)
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Publié le Mardi 08 décembre 2020

Si l’Iran ne veut pas se brûler, il doit cesser d’attiser les flammes

Si l’Iran ne veut pas se brûler, il doit cesser d’attiser les flammes
  • On nous dit que Téhéran veut éviter de provoquer un conflit total dans les six semaines précédant le départ de Donald Trump
  • Il semble ne pas se rendre compte qu’il mène implicitement des actions provocatrices

L'Iran veut-il la guerre?

• Les proxys de l’Iran ont mené des frappes de missiles contre Djeddah et d’autres parties de la péninsule Arabique, tout en continuant d’attiser le conflit au Yémen

• Téhéran a accumulé douze fois la quantité d'uranium enrichi autorisée dans le cadre de l'accord de 2015, et l'AIEA a averti que l'Iran se préparait à installer des centaines de nouvelles centrifugeuses avancées

• Le Parlement iranien et le Conseil des Gardiens ont adopté un projet de loi visant à accélérer la production d’uranium plus enrichi et interdisant les inspections de l’AIEA

• À la suite de l'assassinat d'un spécialiste du nucléaire, les responsables iraniens ont menacé de représailles contre des cibles occidentales, du CCG et régionales

• Les supplétifs de l’Iran bloquent la formation du gouvernement au Liban, tout en stockant des arsenaux de roquettes en Syrie et en Irak, et se vantent de pouvoir mener des frappes de missiles dans toute la région

• L'Otan a révélé que l'Iran continue de faire transiter des armes à des entités terroristes à Bahreïn

On nous dit que Téhéran veut éviter de provoquer un conflit total dans les six semaines précédant le départ de Donald Trump, mais l'Iran est tellement investi dans ses activités guerrières sur tous les fronts qu'il semble ne pas se rendre compte qu’il mène implicitement des actions provocatrices. Le régime prétend vouloir la paix, tout en expédiant des roquettes sur Djeddah. Il se révèle intrinsèquement incapable de se comporter de manière responsable.

Des deux côtés de la frontière libanaise, toutes les forces sont prêtes à se mobiliser si leurs dirigeants venaient à leur ordonner de frapper. Les proxys de l’Iran dans de nombreux États sont prêts à agir à l’unisson s’ils y sont appelés. C'est une situation terriblement dangereuse. La moindre erreur de calcul pourrait nous plonger dans la guerre. Comme me l'a dit un diplomate occidental chevronné: «Lorsque nous avons affaire à des fous dans toutes les directions, nous devons nous attendre à tout.»

 

Le mépris de l’Iran envers le monde entier l’a conduit au bord de la faillite et de l’humiliation, même parmi les populations chiites de toute la région qui en sont venues à considérer Téhéran comme une menace interférente.

 

Hassan Nasrallah a averti que «l'axe de la résistance devait être dans un état de préparation élevée pour répondre deux fois plus durement en cas de folie américaine ou israélienne». Alors que le chef du Hezbollah provoque de manière belliqueuse Armageddon, des rumeurs circulent selon lesquelles il se cacherait déjà en Iran, sachant qu’il est la cible n°1 d'Israël,  et conscient que lorsqu'il réussira enfin à provoquer Israël, les proxys de l’Iran et les populations civiles autour d'eux seront anéantis. Alors que des informations dans tous les sens font état de complots et de menaces d'assassinat à Beyrouth, l'ambassade britannique évacue les familles de diplomates et les États-Unis ont retiré la moitié de leur personnel à Bagdad en prévision de menaces de l’Iran.

Les incertitudes de l’accord sur le nucléaire iranien

Paradoxalement, les indications selon lesquelles l'administration Biden pourrait accepter un retour à l'accord nucléaire de 2015 pourraient être un facteur de déstabilisation supplémentaire. Israël et les États du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ne veulent certainement pas entendre parler d'un Iran nucléarisé. Joe Biden devrait prendre conscience que la signature d’un accord ne prenant pas en compte la menace du développement du programme iranien de missiles balistiques ou de ses armées paramilitaires transnationales ne fera qu'enhardir Téhéran, en lui permettant de bénéficier de milliards de dollars de ressources supplémentaires avec lesquelles il pourra mener à sa guise une guerre régionale. D’autant plus que les dispositions clés limitant les activités d'enrichissement de l'Iran expireront vers la fin du premier mandat présidentiel de Biden.

Netanyahou sait qu’il ne retrouvera plus un partenaire comme Donald Trump parlant de cibler des sites nucléaires iraniens. Il sait aussi qu’il n’existera plus jamais de circonstances aussi favorables que celles des dernières semaines d’une administration Trump servilement pro-israélienne pour mener une action «audacieuse». Confronté à de nouvelles élections, et peut-être à la prison, Netanyahou pourrait-il être tenté de se réinventer en chef de guerre, en tentant un dernier coup désespéré? Il y a de nombreux points sur lesquels j’espère me tromper.

Doit-on prendre au sérieux les menaces de représailles de l’Iran pour le meurtre de Mohzen Fakhrizadeh? L'Iran a annoncé une «réponse dévastatrice» à la suite du meurtre d'Imad Mughniyeh. Il a menacé de riposter après des frappes précédentes contre des scientifiques nucléaires et des cibles militaires. On nous a promis que le monde tremblerait à la réplique de l’Iran pour venger le meurtre de Qassem Soleimani. Mais en fin de compte, l'Iran est-il le chien qui aboie, mais ne mord pas?

Les Gardiens de la révolution sont devenus la risée de la population après avoir affirmé de manière ridicule que l’attaque avait été menée au moyen d’une mitrailleuse télécommandée, même si des témoins oculaires ont rapporté une fusillade impliquant peut-être dix assassins. Les réseaux sociaux en Iran ont été inondés de mêmes moqueurs sur les robots tueurs et les voitures psychotiques Tesla autonomes. Le mépris de l’Iran envers le monde entier l’a conduit au bord de la faillite et de l’humiliation, même parmi les populations chiites de toute la région qui en sont venues à considérer Téhéran comme une menace interférente.

Les leçons du conte du Petit Chaperon rouge

Un enregistrement téléphonique a fait surface, dans lequel le chef du Kata'ib Hezbollah a menacé un haut commandant de l'armée irakienne de lui couper la main si l’armée venait à retirer les banderoles paramilitaires des milices censées être intégrées dans les forces armées. Les proxys de l’Iran se considèrent comme plus grands que les États irakien et libanais, et au-dessus de leurs lois.

En Israël, en Occident et dans le CCG, de nombreux groupes de pression politiques affirment que le seul moyen de neutraliser la menace iranienne est de mener une action militaire décisive. C’est manifestement un problème existentiel pour Téhéran, qui, s’il veut éviter de signer son propre arrêt de mort, doit prendre des mesures urgentes pour éviter les perspectives d'une telle frappe.

Dans le conte du Petit Chaperon rouge, la fillette prétend à tort que le loup vient la manger. Tout le monde finit par ignorer ses cris, et lorsque le loup arrive vraiment, il la dévore. Après des décennies durant lesquelles le Hezbollah et les ayatollahs n’ont cessé de jouer les va-t-en-guerre face à Israël, allons-nous nous réveiller un matin pour découvrir que la machine de guerre d’Israël a déjà dévoré sa proie?

Des efforts impressionnants ont récemment été menés pour instaurer la paix entre les États voisins de la région, dans le but de résoudre des problèmes vieux de plusieurs décennies et accordant la priorité à la paix et au développement. De telles initiatives laissent le Hezbollah et l'Iran plus isolés que jamais.

Si les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et d'autres pays sont prêts à soutenir la paix, n'est-il pas temps pour Téhéran de reconnaître que le meilleur moyen de se défendre est de ne pas provoquer éternellement un conflit ?

Baria Alamuddin est une journaliste de presse et de radio primée au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d'États.

Les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com