BRATISLAVA: Unité, soutien à l'Ukraine et souveraineté européenne: Emmanuel Macron va s'efforcer mercredi en Slovaquie de rassurer ses homologues est-européens qui redoutent que des concessions ne soient faites à la Russie pour mettre fin plus vite à la guerre.
Le chef d'Etat prononcera un discours en début d'après-midi au forum Globsec de Bratislava, axé sur les questions de sécurité régionales, une première pour un président français, à un mois du sommet de l'Otan à Vilnius, les 11-12 juillet.
"Il s'agit d'envoyer des signaux clairs sur notre détermination à soutenir l'Ukraine dans la durée et de revenir également sur l'avenir de l'Europe, de l'Union européenne et de notre continent, notamment en matière sécuritaire", résume l'Elysée.
"C'est une partie de l'Europe qui est évidemment sous grande tension en ce moment à cause de la situation en Ukraine et pour qui le sommet de l'Otan est l'horizon stratégique" immédiat, relève un conseiller du président français.
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Otan doivent réaffirmer à Vilnius leur soutien politique et militaire à l'Ukraine, en proie depuis 15 mois à une offensive russe qui inquiète aussi les pays voisins issus du glacis soviétique.
"Il faut que nous restions unis (..) Il n'y a pas de place pour les compromis et les zones grises", a mis en garde le président lituanien Gitanas Nauseda devant son homologue français à l'Elysée.
Emmanuel Macron a hérissé plus d'une fois ses pairs en suggérant de ne pas "humilier" la Russie et de lui accorder, tout comme à l'Ukraine, des "garanties de sécurité" au sortir de la guerre afin de ne pas répéter les erreurs de 1918 qui conduisirent à l'avènement de l'Allemagne nazie.
«Importance de l'UE»
Il a depuis réajusté son discours, martelant que la paix ne peut être négociée qu'aux conditions de l'Ukraine et qu'elle passera par une "défaite" de la Russie.
Le président français va rappeler à Bratislava la "force de l'Alliance" atlantique face aux bouleversements à l'Est mais aussi souligner "l'importance du rôle de l'Union européenne" dans l'aide militaire et civile à l'Ukraine, précise l'Elysée.
Il va aussi appeler à poursuivre le "réarmement" de l'Europe face aux nouveaux défis sécuritaires, à la doter d'une "capacité de défense aérienne" - qui fera l'objet d'une conférence le 19 juin à Paris - et aborder la relation future entre Otan et Ukraine.
Les Européens de l'est sont viscéralement attachés à l'Otan, seul rempart à leurs yeux face à ce qu'ils perçoivent comme une menace russe existentielle, et voient d'un mauvais oeil le renforcement de la souveraineté européenne prôné par le président français.
Ils militent aussi pour une adhésion rapide de l'Ukraine à l'Otan. Cette perspective, mise sur la table dès 2008, a alors été freinée par la France et l'Allemagne par crainte d'une escalade avec la Russie, sourcilleuse devant toute remise en cause de sa zone d'influence.
Les initiatives diplomatiques déployées dans la perspective du prochain sommet de l'Otan suscitent également un certain nombre d'interrogations à l'Est.
Garanties de sécurité accordées par la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Etats-Unis
La France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Etats-Unis pourraient alors accorder des garanties de sécurité à l'Ukraine, à défaut d'adhésion immédiate à l'Otan, afin de dissuader toute offensive future de la Russie.
Selon le quotidien américain Wall Street Journal, ces garanties pourraient passer par la livraison d'armes et de technologies susceptibles de rapprocher au plus vite l'Ukraine des standards de l'Otan, à l'image de la défense d'Israël, fortement soutenue par les Etats-Unis.
"Par exemple, un programme de formation pour les pilotes d'avion permettra d'intégrer l'Ukraine à nos procédures aériennes", relève le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, alors que les Etats-Unis ont approuvé une initiative européenne visant à former des Ukrainiens sur des F-16.
Mais à l'Est, certains craignent que ces garanties conduisent avant tout à geler la ligne de front actuelle et à consolider les gains territoriaux de la Russie sans ramener la paix.
"Un conflit gelé ne fera que donner un répit à la Russie pour préparer une autre agression", assure Slawomir Debski, directeur de l'Institut polonais d'Affaires internationales (PISM).
Un risque pris très sérieux aussi à l'Ouest. "L'expérience nous a appris qu'un conflit gelé, ce sera une guerre pour demain", concède Emmanuel Macron, en appelant à ne pas se contenter d'un cessez-le-feu entre Moscou et Kiev.