Au cours des deux décennies qui ont suivi l’invasion américaine de 2003, l’Irak a connu une instabilité et des défis importants. Bien que les conflits armés internes soient moindres ces dernières années, le pays rencontre toujours d’autres problèmes critiques, qui doivent être résolus dans l'intérêt de la stabilité et de la sécurité du pays. Accroître la coopération entre le gouvernement irakien et les pays du Golfe est essentiel.
L’un des problèmes auxquels l’Irak est confronté est la sécurité du pays, car certains groupes se servent toujours d’un programme sectaire comme moyen pour diviser la nation et, finalement, s’emparer du pouvoir. Il convient de noter que l’Irak dispose d’une société multiethnique et multireligieuse qui comprend des Arabes chiites, des Arabes sunnites, des Kurdes, des Turkmènes, des chrétiens, des Assyriens, des yézidis et des Arméniens. Dans une société aussi dynamique, il est crucial pour le régime politique de promouvoir une gouvernance inclusive et un système de gouvernement qui rejette tout projet ou plan découlant d’un agenda sectaire ou d’une philosophie qui consiste à diviser pour mieux régner.
En outre, il est important que le gouvernement irakien promeuve des programmes visant à renforcer le dialogue interreligieux afin de réduire les tensions et les risques de conflit. Plus le gouvernement s’efforcera de mettre en place de tels programmes, plus il sera susceptible de parvenir à la paix et à la stabilité.
L’Irak peut tirer des leçons de plusieurs pays de la région et reproduire leurs projets à l’intérieur de ses frontières. L’un d’eux est l’Arabie saoudite. Au cours des dernières années, le prince héritier, Mohammed ben Salmane, a mis l’accent sur le dialogue interreligieux, jouant un rôle phare dans la promotion de sa mission. Sous sa direction, l’Arabie saoudite s’est résolument engagée dans une démarche d'ouverture à d’autres groupes religieux et à d’autres confessions.
«Il est important que le gouvernement irakien promeuve des programmes visant à renforcer le dialogue interreligieux.» - Dr Majid Rafizadeh
À titre d’exemple, en 2020, l’Arabie saoudite a présidé un forum interconfessionnel auquel ont participé des religieux musulmans, des rabbins, des prêtres et d’autres chefs religieux. Par ailleurs, une conférence multiconfessionnelle s’est tenue à Riyad en 2022, sous le titre «Valeurs communes entre les adeptes des religions». Cette conférence était la première du genre et près de cent chefs religieux, dont plus de quinze rabbins, y ont assisté.
Un autre exemple dans la région est celui des Émirats arabes unis (EAU), qui ont ouvert en mars la Maison de la famille abrahamique à Abu Dhabi afin de réunir les trois religions abrahamiques: le judaïsme, le christianisme et l’islam.
Parallèlement, les idéologies extrémistes, qui visent à semer la division et les tensions en Irak, ainsi qu’à recruter des jeunes, doivent être combattues. Le gouvernement irakien peut mettre en place davantage d’organisations chargées de surveiller les activités des extrémistes en ligne, notamment via les réseaux sociaux, les blogs et les sites Web. Il est également essentiel de créer des institutions capables de promouvoir une idéologie alternative et modérée, tout en éduquant les gens et en les sensibilisant aux idéologies extrémistes.
Là encore, l’Irak peut suivre l’exemple de certains pays du Golfe. Le modèle de l’Arabie saoudite s’est avéré efficace dans la lutte contre les idéologies extrémistes. Le Royaume a créé plusieurs organisations à cette fin, notamment le Centre de la guerre idéologique, l’Observatoire de l’extrémisme numérique, le Centre du roi Abdelaziz pour le dialogue national et le Centre mondial de lutte contre l’idéologie extrémiste. Le gouvernement irakien peut lutter contre les messages des groupes extrémistes en mettant en place des initiatives similaires.
Il convient de noter que le gouvernement irakien a récemment pris plusieurs mesures importantes. L’une d'entre elles est le récent plan d’action signé par le ministère irakien du Travail et des Affaires sociales et l’Organisation des nations unies (ONU), qui vise à empêcher le recrutement et l’utilisation d'enfants par les groupes extrémistes et les forces armées.
«Bagdad devrait attirer en priorité les investissements étrangers afin de tirer profit du gaz issu de ses réserves» - Dr Majid Rafizadeh
Le ministre irakien du Travail et des Affaires sociales, Ahmed Jassim al-Asadi, souligne: «Le ministère du Travail et des Affaires sociales, en tant que représentant du gouvernement irakien, ainsi que le Comité national pour le mécanisme de suivi et de rapports souhaitent exprimer leur engagement à mettre en œuvre le plan de prise en charge des enfants exposés au recrutement dans les conflits armés, afin de garantir le respect par l’Irak de la Convention relative aux droits de l’enfant, ainsi que les protocoles signés par le gouvernement irakien. Alors que nous continuons à travailler sur la mise en œuvre de la politique nationale de protection de l’enfance dans le cadre du programme gouvernemental, nous soutenons également la loi sur la protection de l’enfance, en attendant la ratification par le Parlement.»
Il est également important de souligner que la stabilité et la sécurité dépendent d’une économie saine et stable. L’Irak, deuxième plus grand producteur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) après l’Arabie saoudite, dépend malheureusement fortement des exportations de pétrole pour ses revenus. Les exportations de pétrole représentent près de 95% des recettes du budget fédéral irakien. Une telle dépendance à l’égard du pétrole met le pays en grand danger lorsque les prix du pétrole chutent, comme cela s’est produit en 2020. Selon le Fonds monétaire international (FMI), «l’économie irakienne est en proie à un cycle de fragilité qui se perpétue. L’absence de réformes significatives a, à son tour, freiné le développement économique et renforcé la dépendance au pétrole – une vulnérabilité critique dans un monde qui lutte contre le changement climatique.»
L’Irak dépend également fortement du gaz importé, en particulier d’Iran, pour répondre aux besoins de sa population. Bagdad a accepté ce mois-ci de rembourser 1,6 milliard de dollars (1 dollar = 0,93 euro) de dettes au gouvernement iranien afin de garantir un approvisionnement régulier en gaz pendant l’été. L’Irak lui-même détient plus de 3 000 milliards de m3 de réserves prouvées de gaz, le classant au 12e rang mondial. Cependant, des années de conflit ont empêché le pays d’investir dans son industrie gazière. Bagdad devrait attirer en priorité les investissements étrangers afin de tirer profit du gaz issu de ses réserves.
C’est pourquoi il est vital pour le gouvernement irakien de diversifier son économie. Cela peut se faire à travers le renforcement du secteur privé, le financement d’infrastructures et d’autres industries, l’investissement dans les énergies renouvelables et la promotion du tourisme.
Pour conclure, l’Irak fait face à plusieurs défis, mais ceux-ci peuvent être partiellement relevés grâce à la diversification de l’économie du pays, la promotion d’un système de gouvernance inclusif et une coopération accrue avec les pays du Golfe.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com