GENÈVE: L'Américaine Amy Pope est devenue à 49 ans la première femme à prendre la tête de l'Organisation internationale pour les migrations, qu'elle a promis de moderniser pour mieux relever les défis lancés par le changement climatiques.
Mme Pope, la directrice adjointe de l'OIM, a bénéficié du soutien sans faille et très actif de l'administration du président Joe Biden.
Elle était en lice contre l'actuel directeur général, le Portugais Antonio Vitorino, qui briguait un second mandat à la tête de l'organisation qu'il dirige depuis 2018. Il a finalement retiré sa candidature après un premier tour de vote a bulletin secret donnant un large avantage à sa rivale.
Mme Pope prendra ses fonctions le 1er octobre, a précisé l'OIM dans le communiqué annonçant sa victoire.
Elle a été élue après une longue campagne acrimonieuse ayant créé des tensions entre Américains et Européens.
La candidature inhabituelle d'un numéro deux contre le responsable d'une agence a aussi suscité des frictions au sein de l'organisation qu'il faudra apaiser.
Le poste n'a fait que gagner en importance ces dernières années, la question des migrants s'étant invitée au coeur des débats politiques dans de nombreux pays.
L'OIM est le principal acteur international en matière de migrations et est dotée d'un budget croissant, à l'heure où le monde compte plus de 280 millions de migrants.
Moderniser
Dans un entretien avec l'AFP en mars, Mme Pope avait estimé que les enjeux étaient trop importants pour simplement s'en tenir au statu quo.
"Nous sommes encore en quelque sorte coincés dans les anciennes façons de voir la migration", avait dénoncé Mme Pope, insistant en particulier sur l'impact du changement climatique sur les migrations, qu'elle a qualifiées d'"un des défis les plus importants pour notre génération" et qui demande la plus grande attention.
Mme Pope, une avocate qui a fait l'essentiel de sa carrière sur les questions concernant les migrations, y compris au sein du gouvernement du président américain Barack Obama, n'a commencé à travailler à l'OIM qu'il y a un an et demi.
Elle défend aussi une politique de communication plus réactive.
"Il y a le sentiment au sein de l'organisation que nous devons avoir peur du récit de la migration", confiait-elle à l'AFP, alors que face au sentiment antimigrants largement répandu il faut justement se saisir du narratif.
"Il existe des preuves irréfutables de la valeur de la migration pour les économies, pour la reconstruction des villes, pour le renforcement de l'innovation et de l'esprit d'entreprise", avait insisté Mme Pope.
Poste américain
Quand Amy Pope a annoncé sa candidature en octobre, "cela a été un peu un choc", reconnaît auprès de l'AFP un diplomate européen à Genève, sous couvert d'anonymat. "Cela n'a pas été considéré comme une décision amicale", a-t-il souligné, déplorant une bataille qui a donné "un mauvais signal" à un moment où les Etats-Unis et les Européens "doivent montrer un front uni" sur la scène mondiale.
Si un second mandat est l'usage, les Etat-Unis tiennent à faire respecter la "tradition de longue date d'avoir leur candidat au poste de directeur général", a fait remarquer Megan Bradley, professeure à l'Université McGill de Montréal et spécialiste de l'OIM, dans un entretien avec l'AFP.
Pour elle l'importance croissante de l'OIM "rend d'autant plus important pour les Etats-Unis d'essayer de réaffirmer leur emprise traditionnelle à la tête de l'organisation".
Quand M. Vitorino a pris les rênes de l'OIM en 2018, il est devenu le deuxième non-Américain seulement à la diriger en plus de sept décennies.
Antonio Vitorino a fait du bon travail, selon les observateurs, à la tête de cette organisation en pleine expansion, qui compte aujourd'hui près de 19 000 employés et a vu son budget presque doubler depuis 2018 pour atteindre près de trois milliards de dollars l'an dernier.
Mais, finalement, les Etats-Unis ont réussi à faire élire leur candidate. "C'est la bonne personne pour le poste", avait assené la semaine dernière le président Joe Biden, couronnant une campagne de soutien extrêmement active de toute la diplomatie américaine.