Le directeur général de l'OIM à Arab News: «Il est grand temps de souligner les aspects positifs de la migration»

Travailleurs asiatiques sur un chantier de construction à Dubaï (Photo, AFP).
Travailleurs asiatiques sur un chantier de construction à Dubaï (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Dimanche 02 avril 2023

Le directeur général de l'OIM à Arab News: «Il est grand temps de souligner les aspects positifs de la migration»

  • Selon le directeur général de l'OIM, les avantages des flux humains sont souvent négligés dans le cadre d'un débat polarisé
  • Vitorino a partagé son commentaire à l'occasion du Dialogue international sur la migration

NEW YORK: Les migrations sont aussi anciennes que l'humanité elle-même. Comme les oiseaux, les êtres humains sont considérés comme une espèce migratrice. À toutes les époques de l'histoire de l'humanité, ils ont été enclins à s'éloigner de leur foyer, poussés par de nombreuses raisons, mais toujours avec l'idée d'une vie meilleure.

Alors que la migration est devenue une question politique internationale et nationale de premier plan, le discours public sur les migrants s'est de plus en plus polarisé. La toxicité du débat sur la migration s'est intensifiée au cours des dernières années, la politique de la peur et de la division donnant le ton aux discussions.

Partout dans le monde, les politiciens extrémistes utilisent la perturbation et la désinformation comme outils pour conserver le pouvoir, en exploitant les migrants dans le cadre de programmes xénophobes d'extrême droite.

4
Des militants de droite français manifestent le 25 février 2023 à Saint-Brevin-les Pins, dans l'ouest de la France, contre la création d'un centre d'accueil pour migrants (Photo, AFP).

Dans les discussions souvent négatives sur la migration et les migrants, les nombreuses façons dont les migrants contribuent aux sociétés sont souvent négligées. On peut perdre de vue le dynamisme des migrants à l'échelle mondiale. Ils sont surreprésentés dans les domaines de l'innovation et des brevets, des prix artistiques et scientifiques, des start-ups et des entreprises prospères.

Antonio Vitorino a voulu mettre ces contributions en avant lors du Dialogue international sur la migration (IDM), un événement bisannuel qui s'est tenu à New York les 30 et 31 mars, dans le cadre de la contribution de l'Organisation internationale pour les migrations au sommet 2023 sur les Objectifs de Développement Durable (ODD) qui se tiendra en septembre.

L'événement a rassemblé des gouvernements, des représentants de la jeunesse, de la société civile, des autorités locales et des représentants des communautés, des agences des Nations unies et des experts afin d'évaluer comment les impacts positifs de la mobilité humaine peuvent être exploités pour atteindre les objectifs de développement durable.

fd
Le directeur général de l'OIM, Antonio Vitorino, affirme que si la migration est source de défis, elle est aussi un catalyseur de la croissance économique. (Photo, AFP /Archives)

«La migration est une réalité de la vie. Il y a toujours eu des migrants partout», a indiqué Vitorino, avocat et homme politique portugais qui a pris ses fonctions de directeur général de l'OIM en octobre 2018, lors d'un entretien avec Arab News à New York.

«Nous sommes très habitués à considérer la migration comme un problème. Les migrations posent des problèmes, je ne le nie pas. Mais je pense que le temps est venu pour nous d'insister davantage sur les aspects positifs de la migration», a-t-il ajouté.

 

En bref

Actuellement, environ 281 millions de personnes vivent dans un pays autre que leur pays de naissance, soit 3,6% de la population mondiale — c'est-à-dire 1 personne sur 30.

• Plus de 100 millions d'entre eux ont été déplacés de force en raison de conflits, de persécutions, de la pauvreté ou de catastrophes climatiques.

• Le plus souvent, les raisons qui sous-tendent les migrations sont une combinaison complexe d'une modification des précipitations, d'un conflit armé et d'une défaillance des institutions et de l'aide gouvernementales.

• Sur les 15 pays les plus vulnérables au changement climatique, 13 sont en proie à un conflit armé.

 

«Pendant la pandémie de la Covid-19, qui était en première ligne?» s’est demandé Vitorino. «Qui fournissait les services et la nourriture alors que de nombreuses sociétés étaient isolées? Les migrants étaient en première ligne.»

Il a poursuivi: «Prenons l'exemple du système de santé. Même dans les pays développés, de nombreux travailleurs de la santé sont des migrants ou des personnes qui viennent de l’étranger.»

«Et je crois que les migrants ont un rôle clé à jouer en tant qu'entrepreneurs. Vous savez, lorsque quelqu'un émigre, il y a une forte volonté de gagner, d'affronter le nouvel environnement et de faire le meilleur pour lui-même, pour sa famille, mais aussi pour la société dans laquelle il travaille», a-t-il expliqué.

Vitorino a souligné: «Ce sont des travailleurs. Ce sont des consommateurs. Ils paient des impôts. Et ce côté positif de la migration n'est pas souvent mis en avant.»

ds
Des ouvriers agricoles migrants du Mexique cueillent des épinards près d'une clinique mobile près de Wellington, dans le Colorado, aux États-Unis (Photo, AFP).

L'argent envoyé par les migrants dans leur pays d'origine représente une part importante des flux de capitaux internationaux. Les envois de fonds rivalisent avec l'aide internationale pour constituer l'un des principaux flux financiers vers les pays en développement.

Selon la Banque mondiale, ils jouent un rôle important en contribuant à la croissance économique et aux moyens de subsistance de nombreux pays.

Environ 800 milliards de dollars américains (1 dollar américain = 0,92 euro) sont transférés chaque année par les migrants directement aux familles ou aux communautés de leur pays d'origine. Ce chiffre ne tient pas compte des flux non enregistrés, de sorte que l'ampleur des transferts de fonds au niveau mondial est probablement beaucoup plus importante. Ils constituent souvent une bouée de sauvetage pour les ménages les plus pauvres, leur permettant de satisfaire leurs besoins fondamentaux.

«Dans certains pays, 10%, 20%, voire 30% du PIB dépendent des envois de fonds des migrants et de la diaspora», a révélé Vitorino.

Il a indiqué: «Aujourd'hui, avec la guerre en Ukraine et la hausse des prix des denrées alimentaires qui en résulte, les envois de fonds sont consacrés par les familles dans les pays d'origine, principalement à l’achat de la nourriture, à l'éducation et au logement.»

«Il s'agit donc d'une contribution à la stabilité sociale et au développement des pays d'origine», a-t-il mentionné.

«Mais nous ne parlons pas seulement d'argent. Nous parlons d’une question qui est beaucoup plus importante, à savoir le lien entre la diaspora et les pays d'origine: les relations familiales, les amis. Les migrants qui reviennent dans leur pays d'origine, même pour une période limitée de quelques mois, transfèrent à leur pays des connaissances, un savoir-faire et parfois même des technologies», a-t-il développé.

«Et ce flux à double sens est également très positif pour le développement des pays d'origine.»

ds
Des migrants du Moyen-Orient et d'Asie reçoivent des provisions dans un camp de migrants géré par l'Organisation internationale pour les migrations près de la ville bosniaque de Bihac en 2021 (Photo, AFP/Archives).

L'OIM s'efforce de plaider en faveur de l'intégration des migrants dans les sociétés d'accueil. Vitorino reconnaît la complexité de la question, qui nécessite des politiques publiques, l'engagement de la société civile et des autorités locales. Elle concerne le lieu de travail, l'école pour les enfants, l'accès aux services de santé et de sécurité sociale.

«C'est toujours un défi mais c'est là que l'on gagne en intégration et que l'on met le meilleur des migrants au service du développement des communautés d'accueil», a-t-il affirmé.

Les impacts économiques varient d'un pays à l'autre. Bien que les migrations posent des problèmes, les économistes s'accordent à dire que la migration est également un catalyseur de la croissance économique et qu'elle apporte des avantages nets aux pays d'accueil.

En 2015, les personnes en déplacement ont contribué au PIB mondial pour plus de 9%, soit 6 700 milliards de dollars.

La réponse à la pandémie de la Covid-19, qui s'est traduite par des restrictions draconiennes de la liberté de circulation dans le monde entier, a entraîné une baisse sans précédent du commerce mondial et de la croissance économique.

Cela a démontré que «s'il n'y a pas de mobilité humaine, il y aura un impact négatif sur la croissance économique. C'est pourquoi la migration est étroitement liée aux différents objectifs de développement durable (ODD).»

Le rôle potentiel des migrants dans la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies ne doit pas être sous-estimé, affirme le Dialogue international sur la migration.

Ne laisser personne de côté étant la clé, l'agenda 2030 des ODD a représenté un grand pas en avant pour la migration où cette dernière figurait non seulement comme une question centrale de développement en soi, mais aussi comme une question transversale qui est étroitement liée à tous les autres objectifs.

Vitorino a déclaré que la pandémie, par exemple, a démontré que l'exclusion des migrants de la couverture médicale — l'ODD 3 étant d'assurer la santé et le bien-être de tous — crée un problème pour l'ensemble de la communauté, car le virus aura tendance à proliférer dans ces communautés de migrants marginalisées.  

ds
Des migrants affrontent la police anti-émeute marocaine dans la ville septentrionale de Fnideq, près de la frontière entre le Maroc et l'enclave nord-africaine espagnole de Ceuta, le 19 mai 2021 (Photo, AFP).

Il a insisté: «C'est pourquoi je crois que les ODD sont une ligne directrice essentielle pour nous tous. Sur la question de la couverture médicale, il est très important de garantir que, où qu'ils se trouvent, dans les pays d'origine ou de destination, les migrants aient accès aux soins de santé. Il s'agit d'un droit fondamental. Il est inhérent à la dignité de l'être humain, quel que soit son statut juridique.»

Malgré les efforts de l'OIM, «malheureusement, le panorama de la vaccination reste très inégal. Dans les pays développés, les taux de vaccination avoisinent les 70%, tandis que dans les pays à faible revenu, ils sont encore de l'ordre de 20%. C'est une question qui nous préoccupe. Et c'est certainement quelque chose qui n'aide pas à atteindre les objectifs du programme 2030», a prévenu Vitorino.

ds
Des civils fuyant l'invasion russe de l'Ukraine descendant d'un ferry pour entrer en Roumanie (Photo, AFP). 

Il s'est rendu en Turquie pour superviser les opérations de l'organisation à la suite des deux tremblements de terre du 6 février; il a confié qu'il n'avait jamais rien vu de tel.

«Rien de ce que j'ai vu, sur les théâtres de guerre, même récemment en Ukraine, n'est comparable au degré de destruction et de dévastation dont j'ai été témoin en Turquie», a-t-il estimé.

Vitorino a ajouté: «J’ai vu une ville de 200 000 habitants totalement détruite par la fureur du tremblement de terre. La fureur de la nature devrait nous inciter à réfléchir attentivement à la fréquence et à l'intensité de ces risques naturels, qui sont également liés au changement climatique.»

Il est difficile d'isoler les facteurs climatiques des autres facteurs sociaux, économiques, politiques et sécuritaires qui sous-tendent les migrations.

Le changement climatique est également lié aux conflits et à la sécurité. La guerre civile syrienne, où une sécheresse exceptionnelle a contribué à des flux de population vers les zones urbaines non prises en compte par le régime politique, illustre ce lien.

La Banque mondiale estime que 143 millions de personnes pourraient se déplacer à l'intérieur de leur propre pays d'ici 2050 à cause d'événements climatiques extrêmes en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Amérique latine, en l'absence d'une action climatique urgente au niveau mondial et national.

Les chercheurs soulignent qu'une hausse des températures pourrait entraîner une augmentation des demandes d'asile dans l'UE.

La sécheresse et la désertification, les vagues de chaleur et l'élévation du niveau de la mer entraîneront un appauvrissement des écosystèmes, allant de la pénurie d'eau à la perte de terres agricoles, ce qui conduira à des conflits pour des ressources naturelles rares. Les menaces qui pèsent sur la sécurité humaine pourraient à leur tour pousser les gens à migrer à la recherche de revenus alternatifs et de moyens de satisfaire leurs besoins fondamentaux.

«Il arrive que des personnes soient déplacées à cause de la sécheresse et d'autres à cause des inondations, au même moment, dans le même pays», a révélé Vitorino.

«Prenons l'exemple de l'Amérique centrale, où le phénomène El Niño modifie la production de café et de cacao et où les gens sont privés de leurs moyens agricoles traditionnels. Ils se déplacent vers les villes. Et s'ils ne trouvent pas de solutions dans les villes, ils continuent à se déplacer, généralement vers les États-Unis », a-t-il clarifié.

«Ma théorie consiste à dire que nous devons agir pour renforcer l'adaptation et la résilience de ces communautés, car elles ne veulent pas se déplacer. Elles y sont contraintes et nous devons les aider à trouver les moyens de s'adapter au changement climatique», a-t-il maintenu.

Vitorino a ajouté: «Et s'ils sont contraints de se déplacer, comme par exemple dans certaines îles du Pacifique qui vont malheureusement disparaître en raison de l'élévation du niveau de la mer, nous devons faire en sorte que ces déplacements soient sûrs, ordonnés et réguliers.»

L'OIM estime que depuis 2014, environ 55 000 migrants sont morts ou ont disparu. Parmi eux, environ 8 000 étaient en route vers les États-Unis. Ils ont péri dans des accidents ou pendant qu'ils voyageaient dans des conditions inhumaines.

L'incendie qui a tué des dizaines de personnes dans un centre de traitement des demandes d'immigration à Ciudad Juarez, à la frontière avec le Texas, dans la nuit du 27 mars, n'est que le dernier chapitre d'une tragédie qui n'en finit pas. Une vidéo de surveillance a montré des agents de l'immigration s'éloignant des détenus pris au piège alors que les flammes les engloutissaient.

En 2022, 2 062 migrants sont morts en traversant la mer Méditerranée. Entre 2014 et 2018, par exemple, les corps d'environ 12 000 personnes qui se sont noyées n'ont jamais été retrouvés.

Vitorino déplore l'augmentation récente du nombre de migrants irréguliers qui se déplacent dans le monde.

«Nous devons adopter une approche globale de ces mouvements et comprendre que l'on ne peut se contenter de traiter l'une des raisons sans prendre en considération les autres», a-t-il déclaré, ajoutant que «la nécessité de préserver les vies humaines et de prévenir les décès est une priorité».

Le Dialogue international sur la migration, a-t-il affirmé, fournira des conclusions qui appuieront le rapport du secrétaire général de l'année prochaine sur la mise en œuvre du Pacte mondial sur les migrations.

«Nous avons besoin de politiques fondées sur des données fiables et efficaces. Nous devons garantir le rôle de la jeunesse, en particulier dans la lutte contre le changement climatique. Nous devons nous assurer que les migrants sont pleinement inclus dans la couverture médicale, une question cruciale pour réussir à atteindre les ODD», a soutenu Vitorino.

«Nous devons mobiliser la diaspora pour le développement des pays d'origine.»

Il a conclu: «Tels sont les messages clés que j'attends du Dialogue international sur la migration.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Short Url

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Short Url
  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
Short Url
  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »