Les conflits internes prolongés peuvent avoir un impact dévastateur sur les infrastructures, l'économie et la sécurité d’un pays, ainsi que sur le niveau de vie de son peuple. Souvent, une fois que le conflit a pris fin, il faut encore de nombreuses années pour reconstruire le pays, son économie et ses infrastructures. L’un des exemples en est la Syrie, qui subit actuellement l'une des pires crises humanitaires de notre époque.
Le tremblement de terre de février dernier, qui a infligé à la Syrie des dégâts estimés à 5,1 milliards de dollars, a encore aggravé la situation, causée par plus de douze ans de guerre civile. Même avant cette catastrophe, plus des deux tiers de la population syrienne avaient besoin d'une aide humanitaire, selon l'UNICEF, en raison de «l'aggravation de la crise économique, de la poursuite des conflits internes, des déplacements en masse et des infrastructures publiques ravagées.»
L'UNICEF a déclaré le mois dernier: «Aujourd'hui, le pays est également aux prises avec de graves dommages humains et matériels causés par les tremblements de terre et les répliques désastreuses… qui ont mis des familles entières dans un besoin urgent de nourriture, d'eau, d'abris et d'aide médicale et psychosociale d'urgence. Près de 90 % des familles dans le pays vivent dans la pauvreté, et plus de 50 % connaissent une insécurité alimentaire. La crise économique aggrave les mécanismes d'adaptation négatifs et touche particulièrement les ménages dirigés par des femmes, tout en contribuant à la normalisation de la violence sexuelle et de l'exploitation des enfants.
L’estimation du coût de la reconstruction pour la Syrie s'élève à 1 trillion de dollars. La longue durée du conflit a joué un rôle crucial en infligeant des dommages importants aux infrastructures et à l'économie du pays. Plusieurs cercles concentriques de violence se produisaient aussi en même temps, prolongeant le conflit. De nombreux groupes rebelles combattaient non seulement le gouvernement, mais se combattaient aussi les uns les autres, tandis que certaines milices et groupes supplétifs d'autres pays s’engageaient dans la guerre intérieure. Par ailleurs, il y avait une impasse au niveau mondial pour parvenir à une solution, entre les États-Unis et d'autres pays occidentaux d'une part, et la Russie et la Chine d'autre part. En outre, des groupes terroristes mondiaux tels que Daëch ont gagné de l'importance à différents moments du conflit.
«La longue durée du conflit a joué un rôle crucial en infligeant des dommages importants aux infrastructures et à l'économie du pays»
Dr Majid Rafizadeh
Cependant, après plus d'une décennie de tourmente, il est maintenant important, pour plusieurs raisons, que la communauté internationale se concentre sur les mesures qui peuvent aider à la reconstruction de la Syrie.
Tout d'abord, il est important de signaler que, lorsque l'économie d'un pays est touchée à un niveau aussi important, cela a également des effets négatifs sur les autres pays de la région. Comme l’a rapporté la Banque mondiale en 2020, le conflit en Syrie a imposé «un lourd tribut économique et social à ses voisins dans la région du Mashreq. À partir de 2011, les taux de croissance annuels moyens du produit intérieur brut ont été réduits de 1,2% en Irak, de 1,6% en Jordanie et de 1,7% au Liban en termes réels et uniquement à cause du conflit en Syrie. Avec un effet cumulé, ces réductions correspondent à 11,3 % de ces PIB réunis, de la période précédant le conflit (2010) dans les trois pays.»
Elle a ajouté: «Les retombées se sont répercutées à travers plusieurs canaux. Avec la diminution du commerce de transit via la Syrie et le ralentissement de services tel que le tourisme, l'effet marginal du choc commercial sur le PIB a atteint -3,1% en Jordanie et -2,9 % au Liban.
En d'autres termes, les mesures de reconstruction et de reconstitution de la Syrie contribueraient non seulement à améliorer le niveau de vie du peuple syrien et à lutter contre la pauvreté généralisée dans tout le pays, mais elles aideraient également les pays voisins, en particulier l'Iraq, le Liban et la Jordanie, à améliorer leurs perspectives économiques.
Deuxièmement, on peut craindre que l'aide financière ou les prêts redirigés vers la Syrie ne soient finalement pas utilisés pour la reconstruction du pays. Ce problème pourrait toutefois être résolu au cas où les institutions financières mondiales pouvaient contrôler la situation et coopérer avec le secteur privé. Une étape importante serait d'aider au développement du secteur privé en Syrie.
Avant que le conflit n'éclate, le Groupe de la Banque mondiale a fourni «un soutien à la Syrie par le biais de son assistance technique et de ses services consultatifs sur le développement du secteur privé, le développement humain, la protection sociale et la durabilité environnementale. Après le début du conflit en 2011, toutes les activités opérationnelles et les missions de la Banque mondiale en Syrie ont été interrompues. Néanmoins, la Banque mondiale surveille l'impact du conflit sur le peuple syrien et l'économie, en concertation avec d'autres membres de la communauté internationale. Cela contribue à éclairer la communauté internationale sur la Syrie d'un point de vue économique et social, et à préparer, le cas échéant, les mesures de redressement.
Troisièmement, la reconstruction de la Syrie contribuerait à promouvoir la sécurité dans le pays, en raison du fait que la pauvreté et les États en proie à des conflits peuvent souvent être des lieux propices au renforcement, à la prise de pouvoir et à la destruction du pays et de la région dans son ensemble par des groupes terroristes et des milices.
«Si la communauté internationale se concentrait sur la reconstruction de la Syrie, cela contribuerait également à résoudre la crise des réfugiés syriens»
Dr Majid Rafizadeh
Enfin, si la communauté internationale se concentrait sur la reconstruction de la Syrie, elle aiderait aussi indirectement à résoudre la crise des réfugiés syriens. Après plus de douze ans de conflit, la Syrie représente la plus grande crise de réfugiés au monde. L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés a rapporté en mars que plus de «14 millions de Syriens ont été contraints de fuir leur foyer en quête de sécurité. Plus de 6,8 millions de Syriens sont déplacés à l'intérieur de leur propre pays, dans lequel 70 % de la population ont besoin d'aide humanitaire, et 90 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Aider à résoudre ce problème aurait également un impact positif considérable sur des pays comme le Liban, la Turquie, la Jordanie, l'Égypte et l'Irak. Comme l'a déclaré l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés: «Près de 5,5 millions de réfugiés syriens vivent dans les cinq pays voisins de la Syrie... L'Allemagne est le plus grand pays d'accueil non voisin, avec plus de 850 000 réfugiés syriens.»
En résumé, la communauté internationale devrait se concentrer sur des mesures qui peuvent aider à reconstruire les infrastructures de la Syrie, afin de faire face à la pauvreté généralisée et à la crise humanitaire, à l'économie paralysée du pays et à sa sécurité. De telles mesures auraient également des impacts positifs sur l'économie et la sécurité des pays voisins, et contribueraient ainsi à stabiliser cette partie instable du monde.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com