TUNIS: Beaucoup de Tunisiens estiment que leur pays dispose de davantage de richesses pétrolières et gazières que celles qui sont officiellement déclarées. Les experts ne leur donnent pas vraiment tort.
Winou el petrol? («Où est le pétrole?») Cette question, un bon nombre de Tunisiens se la posent depuis des années, soupçonnant les autorités de ne pas leur dire la vérité sur les richesses pétrolières et gazières de leur pays. Après plusieurs campagnes sur le sujet depuis 2015, cette question a récemment refait surface.
Réseaux sociaux
Le 6 mars 2023, une ancienne étude américaine datant de 2011 sur le potentiel en hydrocarbures de l’Afrique du Nord a refait surface sur les réseaux sociaux. Elle estime les réserves non découvertes dans le bassin pélagien, qui va des côtes nord de la Tunisie à la Libye, à 3,97 milliards de barils de pétrole, 38,5 billions de gaz naturel et 1,47 milliard de barils de gaz naturel liquéfié.
Interrogé sur le fait de savoir si la Tunisie a un potentiel pétrolier important, Habib Troudi, docteur en géologie et consultant à l’Entreprise tunisienne d’activités pétrolières (Etap), rappelle que l’étude américaine est «une simple étude géologique». Selon lui, des campagnes de prospection sismique menées dans le bassin pélagien tunisien ont permis de découvrir huit champs pétroliers, mais «aucune exploration n’a été menée dans ce bassin depuis 1990 pour la simple et unique raison que la plupart des études ont confirmé l’absence de ressources pétrolières en abondance».
«La Tunisie n’est pas pauvre en hydrocarbures», déclare Khaled Kaddour, ancien ministre de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables.
Pourtant, deux experts à qui Arab News en français a posé la même question sont convaincus du contraire. Ingénieur à la Société italo-tunisienne d'exploitation pétrolière au début de sa carrière, en 1981, PDG de la même société vingt-sept ans plus tard, puis directeur général de l’Énergie au ministère de l’Industrie (2011-2012) et ministre de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables (2017-2018), Khaled Kaddour déclare: «La Tunisie n’est pas pauvre en hydrocarbures, car elle a les mêmes quantités que les pays voisins si on les rapporte à sa superficie».
Mohamed Ghazi ben Jemia est du même avis. Cet expert rappelle que «les réserves actuelles de la Tunisie sont en déclin en raison de l’absence de découvertes importantes durant les vingt dernières années et de la chute du nombre de forages d'exploration». Le spécialiste impute ce phénomène à trois facteurs.
D’abord, la Tunisie «n'a pas les capacités de ses voisins algérien et libyen». Ensuite, ce membre de la Coalition tunisienne pour la transparence dans l'énergie et les mines affirme à Arab News en français que «l'exploration des hydrocarbures n'a jamais été menée correctement; pour cela il faut que nous disposions du cadre juridique et des incitations adéquats». En outre, explique-t-il, certaines régions comme le Centre, le Nord ainsi que la zone off shore «n'ont pas été prospectées de façon intensive jusqu'à présent».
Dernier obstacle
Selon Mohamed Ghazi ben Jemia, le dernier obstacle à une intensification des opérations de prospection est imputable au fait que «les données techniques des zones libres où les investisseurs peuvent déposer une demande de permis sont absentes du site de l'Etap, ce qui ne permet pas à ces derniers de choisir les zones qui peuvent les intéresser; or, ils ne vont pas venir regarder toutes les zones libres de la Tunisie».
Aussi, pour redresser la barre, Mohamed Ghazi ben Jemia recommande d’améliorer le cadre juridique et les conditions de travail des compagnies pétrolières. Il souhaite également que ces données soient accessibles et que «l'Etap et le ministère aillent à la rencontre des investisseurs pour faire la promotion».