ANKARA: Une guerre de mots a éclaté entre la Turquie et les États-Unis lors d'une réunion virtuelle de l'Otan, au cours de laquelle le «comportement interventionniste agressif» d’Ankara a été critiqué pour avoir porté atteinte aux principes de l'Alliance militaire.
La dispute a ramené à la surface les frictions en cours entre Ankara et Washington, et remis en question la manière dont les relations entre les deux alliés de l'Otan se projettent dans le futur, surtout sous l'administration du président élu Joe Biden. La question principale reste de savoir si «le quasi isolement» de la Turquie perdurera en 2021.
Pompeo a fustigé la Turquie pour son opposition aux lignes directrices de l'Otan. Il l’a accusé d’enflammer sans cesse les tensions avec les pays méditerranéens, et d’avoir acheté un système de défense antimissile de fabrication russe jugé incompatible avec celui de l’Alliance.
La Turquie et la Grèce se sont engagées dans un mécanisme d’harmonisation militaire début octobre, sous les auspices de l'Otan, afin de désamorcer les tensions dans l'est de la Méditerranée. Ankara a cependant affirmé que la délégation militaire grecque n’a pas assisté à la dernière série de pourparlers au siège de l'Otan le 30 novembre. La Grèce était aussi absente des réunions précédentes les 16, 23 et 30 octobre.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a fait écho aux critiques de Pompeo. Il a affirmé que l'alliance ne pourrait pas maintenir sa cohésion si Ankara ne change pas son comportement interventionniste agressif, similaire à celui de la Russie.
Ozgur Unluhisarcikli, directeur du bureau d'Ankara du German Marshall Fund des États-Unis, a déclaré à Arab News que la querelle entre Pompeo et Cavusoglu devrait être considérée à travers la perspective des dernières élections américaines. «Le président américain Donald Trump a perdu l'élection, Pompeo n'est donc plus contraint par son administration de maintenir des liens amicaux avec la Turquie et avec le président, Recep Tayyip Erdogan. Il préfère marquer des buts faciles en critiquant la Turquie», a-t-il souligné.
Joe Macaron, membre du Centre arabe de Washington DC, s'attend à ce qu'Erdogan perde l'accès direct qu'il avait à la Maison-Blanche sous Trump. Il devra dorénavant faire face à l’administration de Biden qui reflète vraiment l'establishment américain en donnant la priorité aux relations avec l'Otan, et en renforçant l'engagement envers les groupes kurdes en Syrie.
«Les relations américano-turques seront plus complexes sous l'administration Biden, surtout compte tenu de la potentielle position dure du Congrès américain avers Ankara l'année prochaine. Mais les deux parties n'ont pas d'autre choix que de gérer leurs différences», a-t-il révélé à Arab News.
Biden a par ailleurs averti, dans une interview avec le New York Times mercredi, que, si l'Iran se procure la bombe nucléaire, cela «mettrait inévitablement une pression énorme sur la Turquie». La question nucléaire iranienne pourrait décidément servir de test pour déterminer si la Turquie se tournera vers l'alliance occidentale ou restera un vrai fardeau pour cette alliance.
Macaron a de plus soutenu que les messages de Biden à la Turquie via le New York Times sont une tentative de rappeler à Ankara que ses intérêts sont mieux servis avec les États-Unis, plutôt qu’avec la Russie et l'Iran.
«Il n’est toutefois pas clair pour le moment dans quelle mesure ce message est efficace sans un changement significatif des politiques américaines ou turques concernant les missiles S-400 ou la Syrie», a-t-il ajouté.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com