Au Liban, certains fouillent désormais les poubelles pour se nourrir

« Les gens jettent des restes de nourriture. Ils ne se rendent pas compte que nous crevons de faim". (Photo Patricia KHODER/Arab News en français).
« Les gens jettent des restes de nourriture. Ils ne se rendent pas compte que nous crevons de faim". (Photo Patricia KHODER/Arab News en français).
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Publié le Lundi 27 juillet 2020

Au Liban, certains fouillent désormais les poubelles pour se nourrir

  • « Il faut que la communauté internationale (…) réagisse de manière imminente. Le temps des analyses est révolu », affirme Bujar Hoxha, directeur du bureau de CARE International au Liban
  • « Nous ne nous occupons plus uniquement de personnes du troisième âge car c’est toute la classe moyenne qui a sombré dans la pauvreté » note Maya Ibrahimchah, fondatrice de l’association Beit el-Baraka.

BEYROUTH : Halim a 68 ans.  Tous les jours depuis deux mois, il passe quelques heures de son temps à chercher dans les poubelles de Beyrouth de la nourriture qu’il mange sur place ou qu’il ramène avec lui pour sa famille. Il cherche aussi de la ferraille qu’il revend au kilo. Les cheveux blancs, le visage rond et se déplaçant avec une canne en boitant légèrement, Halim, pudique, raconte des bribes de son histoire.  «Je suis originaire de la Békaa (plateau agricole dans le centre du pays) et j’habite avec ma famille à Sabra (un bidonville de Beyrouth abritant un camp palestinien). Toute ma vie, j’ai travaillé dans le bâtiment. Je suis carreleur, mais au cours des quatre années passées, le travail est devenu rare et j’avais de moins en moins d’argent. J’ai pu me débrouiller jusqu’au confinement pour cause de Coronavirus. Il y avait toujours quelqu’un qui m’aidait… Puis je n’ai plus eu de quoi manger et j’ai eu faim. Le frigo était vide désormais et il fallait se débrouiller, je me suis donc mis à faire les poubelles », confie-t-il. 

Au fil de la conversation, Halim confie qu’il doit s’occuper de ses trois petits-enfants car son fils aîné, leur père, est mort il y a quelques années dans un accident. 

« Parfois si j’ai de la chance je peux faire 3000 livres par jours (0,3 USD) ; le kilo de ferraille se vend à Sabra à 1000 livres », précise-t-il. 

Nous sommes dans une artère importante de Beyrouth. Pendant qu’il raconte son histoire, une voiture s’arrête, le chauffeur lui donne de l’argent sans un mot puis redémarre. De l’autre cote de la rue, un mendiant, le dos vouté, s’appuyant sur une canne, fait la manche à un feu rouge. Vieux et ridé, il porte un masque pour se protéger de la Covid-19 et d’épaisses lunettes de vue. Il s’approche de Halim. Il s’appelle Habib et fait beaucoup plus que ses 70 ans. Dans sa main, il porte son extrait d’Etat civil et celui de son épouse, deux ordonnances médicales et des boites de médicaments vides, qu’il montre aux automobilistes. Habib est originaire de Beyrouth, et souffre de plusieurs maladies chroniques et c’est en mendiant qu’il tente de financer ses médicaments. 

Solidarité spontanée

D’une épicerie fine voisine, un employé sort avec deux sandwiches élégamment rangés dans des sacs en papier cellophane fermés par un ruban en raphia. Il s’approche des deux hommes du troisième âge, et tend les sacs appétissants à Halim. « Il y a un sandwich au thon et un autre au fromage. Choisis lequel tu veux », dit-il.

Le visage du sexagénaire s’illumine. Il est tellement heureux qu’il en a presque les larmes aux yeux. Il sourit et murmure : « Du moment où c’est un vrai sandwich, je prendrai l’un des deux. Choisis pour moi ou laisse Habib choisir, il a l’air plus fatigué que moi ». Ces gestes de solidarité spontanée sont devenus courants dans un pays où tout le monde lutte désormais pour survivre.

Au Liban, la pandémie de la Covid-19 a amplifié la plus importante crise économique depuis 1990. Depuis octobre dernier le prix des denrées alimentaires ne cesse de grimper. En l’espace de quelques mois, la valeur de la livre libanaise a chuté de façon vertigineuse sur le marché parallèle des changes. De 1500 livres en octobre dernier, le dollar US est à 8000 livres aujourd’hui.

Contrôle de capitaux officieux

Depuis quelques mois, les scènes de personnes cherchant de la nourriture dans les bennes d’ordures à Beyrouth, la capitale ou à Tripoli, la deuxième ville du Liban et la ville la plus pauvre de la Méditerranée, sont devenues familières. Les soupes populaires et la distribution de colis alimentaires sont montés en flèche.

Les Libanais n’ont jamais été aussi pauvres que depuis le début de cette crise ; mais il faut dire également qu’ils n’ont jamais été aussi solidaires. Face à un Etat complètement absent, quasiment en faillite, le pays reprend ses vieux réflexes acquis durant les longues années de guerre civile (1975-1990).

L’œuvre des associations civiles et les initiatives de ses habitants abondent dans toutes les régions. 

Maya Ibrahimchah, fondatrice de Beit el-Baraka, une association qui lors de sa création s’occupait des personnes du troisième âge, notamment des retraités - car au Liban, les retraites et les assurances vieillesse n’existent que pour une toute petite tranche de la population - souligne qu’à « la fin de 2019, l’ONG s’occupait de 328 familles. Aujourd’hui elle en compte 1012. Cela va sans les colis alimentaires que nous avons distribué dans plusieurs localités du Liban: 50 mille colis pour 182.000 familles ». 

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Beit el-Baraka, c’est surtout un supermarché où les personnes dans le besoin viennent faire leur shopping gratuitement.

« Nous ne nous occupons plus uniquement de personnes du troisième âge car c’est toute la classe moyenne qui a sombré dans la pauvreté. Nous comptons de jeunes couples parmi nos bénéficiaires qui viennent au supermarché. Tous sont diplômés et on ne peut même pas deviner, si on ne connait pas leur histoire, qu’ils ne peuvent même plus payer de quoi manger. Ce sont des personnes qui ont perdu leur emploi et qui avaient des crédits à la banque pour leurs voitures ou leurs maisons et qui à l’instar de la majorité des Libanais, n’ont pas d’économies. De toute façon, même s’ils ont des économies, leur argent est bloqué à la banque », explique-t-elle. 

Depuis octobre dernier, les banques libanaises en manque de liquidité exercent un contrôle de capitaux officieux et draconien sur leurs clients. En l’absence de loi, chaque établissement bancaire prend les décisions qui lui conviennent en matière de retrait de liquidité.

« Je rentre du marché… les mains vides » 

Linda fait partie des bénéficiaires de Beit el-Baraka. Elle habite Nabaa, un bidonville de Beyrouth.  De ses cheveux blonds, presque décolorés et ses yeux en amande maquillés, on devine que cette septuagénaire devait être, durant sa jeunesse, une très jolie femme. Trois de ses cinq enfants sont au chômage et son mari malade ne travaille plus depuis longtemps. Pour gagner de l’argent, Linda tournait dans les maisons de ce quartier pauvre pour lire dans le marc de café. Plus maintenant, car même les quelques milliers de livres que ses voisins dépensaient pour se faire lire l’avenir sont devenus trop précieux. « Je vais au marché parfois pour acheter légumes et fruits, mais tout est devenu tellement cher... Je rentre à la maison les mains vides parce que je n’ai pas assez pour payer de quoi préparer un plat chaud à la famille », dit-elle, les larmes coulant le long de ses joues. 

Selon les chiffres de la Banque mondiale, 50 % des Libanais vivent actuellement sous du seuil de pauvreté. Ce pourcentage devrait atteindre les 70 % en septembre.

« Ceux qui doivent payer un loyer meurent de faim »

« Ce qui se passe aujourd’hui au Liban, c’est bien plus qu’une crise socio-économique, c’est une véritable crise humanitaire ! Avoir accès à de la nourriture est désormais un défi pour plus de 50% de la population. On voit des gens fouiller dans les poubelles pour trouver de quoi manger. Des groupes se sont constitués sur Facebook où les gens échangent des vêtements contre des couches pour leurs bébés, d’autres échangent leurs meubles, les jouets de leurs enfants contre un peu d’argent pour pouvoir manger. La situation est vraiment catastrophique », alerte Bujar Hoxha, directeur de CARE International au Liban, une ONG présente aux quatre coins du monde.

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« Il faut que la communauté internationale, en concertation avec les décideurs politiques libanais, réagisse de manière imminente. Le temps des analyses est révolu, des gens voient leur vie basculer chaque jour, il faut agir maintenant », déclare-t-il.

A Tripoli, une ville dont les alentours ne sont pas aussi urbanisés que ceux de Beyrouth, des gens comptent sur la cueillette pour ramener de quoi manger à leur famille, mettant des herbes sauvages dans du pain afin de préparer des sandwichs à leurs enfants. Certains, vivant dans le bidonville de Hay el-Tanak, près de la mer, collectent des brindilles de bois afin de faire un feu et cuisiner, le prix de la bombonne de gaz étant devenu trop cher pour eux.

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« Parfois je reste une semaine sans bombonne de gaz à la maison, donc une semaine sans plat chaud. Et souvent je ne mange qu’une fois par jour histoire d’économiser », confie Maha, quinquagénaire qui vit à Tripoli avec sa fille et son fils autiste. Maha, qui est cuisinière, prépare parfois des plats sur commande qu’elle ne sert pas à sa famille. « Depuis six mois, mon fils a envie de feuilles de vigne farcies. J’en ai confectionné dix fois pour des clients sans jamais lui offrir un plat. Le plus important pour moi, est de payer le loyer pour ne pas me retrouver à la rue. Tout le reste est secondaire », dit-elle, notant qu’elle « n’a pas mangé de viande depuis le mois de Ramadan (mai dernier) ».  

Amar confie de son côté : « J’ai toujours été pauvre mais les choses ont vraiment empiré depuis trois ans pour atteindre leur paroxysme avec la Covid-19. Avec le confinement, mon mari ne travaillait plus et nous n’avions plus de quoi mangerMaintenant, nous ne mangeons plus de viande ni de poisson. Au lieu d’un kilo de riz, j’en achète un demi. Pour les pommes de terre, au lieu de trois kilos j’achète un kilo et demi. Mais j’ai de la chance. Je n’ai pas de loyer à payer. Ceux qui doivent payer un loyer meurent de faim ». 

« Jamais je n’aurais cru que j’en arriverais là »

Retour à Beyrouth. Dans un autre quartier chic, deux hommes font les poubelles, Ahmad 16 ans et son oncle Tarek 21 ans. Tous les deux sont réfugiés syriens et depuis qu’il a quitté la Syrie, il y a huit ans, Ahmed n’a plus jamais été à l’école. « Nous sommes tous les deux journaliers. Nous travaillions dans le bâtiment, mais depuis le confinement tout s’est arrêté. Cela fait quatre mois que nous faisons les poubelles, pour manger et pour rassembler de la ferraille », explique Tarek pendant qu’Ahmed plonge dans une benne à ordure. 

L’oncle et son neveu posent sur le trottoir un carton qu’ils ont retiré de la poubelle. Ils y mettent ce qu’ils viennent de trouver. Trois moitiés de citron, deux restes de boites de conserve, un sac de biscuit encore fermé et un sac de chips à moitié entamé.

poubelle

 Mordant dans un biscuit Tarek explique : « Les gens jettent des restes de nourriture. Ils ne se rendent pas compte que nous crevons de faim. Ne pensez pas que nous aimons fouiller les poubelles pour manger. Jamais je n’aurai imaginé qu’un jour j’en arriverai là ». Les Libanais non plus. 


Liban : le Hezbollah accuse Israël de « centaines de violations » de la trêve

Le chef adjoint du Hezbollah libanais, Cheikh Naim Qassem, prend la parole lors d'un rassemblement de soutien aux Palestiniens de Gaza, dans le cadre du conflit entre Israël et le groupe islamiste palestinien Hamas, à Beyrouth, au Liban. (File/Reuters)
Le chef adjoint du Hezbollah libanais, Cheikh Naim Qassem, prend la parole lors d'un rassemblement de soutien aux Palestiniens de Gaza, dans le cadre du conflit entre Israël et le groupe islamiste palestinien Hamas, à Beyrouth, au Liban. (File/Reuters)
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  • Son discours est intervenu alors que le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, se trouve au Liban, à l'approche de la date butoir du 26 janvier pour l'application complète de l'accord de cessez-le-feu.
  • « J'appelle l'État libanais à faire preuve de fermeté face à ces violations qui ont dépassé les centaines, cela ne peut pas continuer », a-t-il dit dans un discours diffusé par la télévision du Hezbollah, al-Manar.

BEYROUTH : Le chef du Hezbollah libanais, Naïm Qassem, a accusé  samedi Israël de « centaines de violations » de l'accord de cessez-le-feu entré en vigueur fin novembre et averti de nouveau que sa formation pourrait « perdre patience ».

Son discours est intervenu alors que le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, se trouve au Liban, à l'approche de la date butoir du 26 janvier pour l'application complète de l'accord de cessez-le-feu.

« J'appelle l'État libanais à faire preuve de fermeté face à ces violations qui ont dépassé les centaines, cela ne peut pas continuer », a-t-il dit dans un discours diffusé par la télévision du Hezbollah, al-Manar.

« Nous avons fait preuve de patience à l'égard de ces violations pour donner une chance à l'État libanais, qui est responsable de cet accord, ainsi qu'aux parrains internationaux, mais il ne faut pas tester notre patience », a-t-il ajouté.

L'accord de cessez-le-feu stipule que l'armée libanaise doit se déployer aux côtés des Casques bleus dans le sud du pays, d'où l'armée israélienne doit se retirer dans un délai de 60 jours, soit jusqu'au 26 janvier.

Sorti affaibli de la guerre, le Hezbollah doit, lui, retirer ses forces au nord du fleuve Litani, à environ 30 km de la frontière libano-israélienne.

Vendredi, M. Guterres, qui s'est rendu auprès des Casques bleus dans le sud, a affirmé que l'« occupation » de cette région par Israël et ses opérations militaires devaient « cesser ».

Il a révélé que les soldats de maintien de la paix avaient découvert « plus de 100 caches d'armes appartenant au Hezbollah ou à d'autres groupes armés depuis le 27 novembre », jour de l'entrée en vigueur de la trêve.

Le chef du Hezbollah, qui avait des réserves sur la nomination de M. Salam, un juriste international respecté, a averti que « personne ne peut nous exclure de la participation politique effective dans le pays ».


Gaza : le cessez-le-feu est prévu pour entrer en vigueur dimanche à 06 h 30 GMT

Un garçon court avec un drapeau palestinien sur un monticule de décombres dans un camp pour personnes déplacées par le conflit à Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, le 17 janvier 2025, suite à l'annonce d'une trêve dans le cadre de la guerre entre Israël et le Hamas. (Photo Eyad BABA / AFP)
Un garçon court avec un drapeau palestinien sur un monticule de décombres dans un camp pour personnes déplacées par le conflit à Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, le 17 janvier 2025, suite à l'annonce d'une trêve dans le cadre de la guerre entre Israël et le Hamas. (Photo Eyad BABA / AFP)
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  • « Conformément à l'accord conclu entre les parties concernées et les médiateurs, le cessez-le-feu dans la bande de Gaza commencera à 8 h 30, dimanche 19 janvier, heure locale à Gaza », a écrit sur X Majed al-Ansari, le porte-parole qatari .
  • « Nous conseillons aux habitants de faire preuve de la plus grande prudence et de respecter les instructions des sources officielles », a-t-il ajouté.

DOHA : Le cessez-le-feu entre le mouvement islamiste palestinien Hamas et Israël dans la bande de Gaza entrera en vigueur dimanche à 04 h 30 GMT, a indiqué samedi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Qatar, pays médiateur.

« Conformément à l'accord conclu entre les parties concernées et les médiateurs, le cessez-le-feu dans la bande de Gaza commencera à 8 h 30, dimanche 19 janvier, heure locale à Gaza », a écrit sur X Majed al-Ansari, porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères.

« Nous conseillons aux habitants de faire preuve de la plus grande prudence et de respecter les instructions des sources officielles », a-t-il ajouté.

L'accord de cessez-le-feu, annoncé mercredi par le Qatar et les États-Unis, autre pays médiateur, prévoit dans une première phase de six semaines la libération de 33 otages retenus dans la bande de Gaza depuis l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023.

En échange, Israël va relâcher 737 prisonniers palestiniens, selon le ministère israélien de la Justice, qui a précisé que leur libération n'interviendrait pas avant 16 heures dimanche (14 heures GMT).


Macron à Beyrouth: soutien ferme aux Libanais et leurs nouveaux dirigeants, pour une ère nouvelle

Le président français Emmanuel Macron serre la main de son homologue libanais Joseph Aoun au palais présidentiel de Baabda le 17 janvier 2025. Le 17 janvier, M. Macron a annoncé que Paris accueillerait dans les prochaines semaines une conférence internationale « pour la reconstruction du Liban » après une guerre entre le groupe militant Hezbollah et Israël. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron serre la main de son homologue libanais Joseph Aoun au palais présidentiel de Baabda le 17 janvier 2025. Le 17 janvier, M. Macron a annoncé que Paris accueillerait dans les prochaines semaines une conférence internationale « pour la reconstruction du Liban » après une guerre entre le groupe militant Hezbollah et Israël. (AFP)
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  • Pour affronter ces défis et amorcer l’écriture de la nouvelle page qui s’ouvre pour le pays, le président français estime qu’il faut s’adosser à trois piliers : restaurer la souveraineté, mettre le Liban sur la voie de la prospérité
  • C’est ce credo que Macron a déroulé lors de ses entretiens avec Aoun et qu’il a réitéré durant ses rencontres avec Salam et le chef du parlement libanais Nabih Berry

PARIS: En se rendant à Beyrouth, quelques jours après l’élection du nouveau président libanais Joseph Aoun et la désignation du nouveau premier ministre Nawaf Salam, le président français Emmanuel Macron a voulu confirmer que la France se tient fermement aux côtés du Liban et des Libanais, dans cette nouvelle ère qui s’ouvre.

C’est une ère porteuse de grands espoirs, pour un pays qui semblait voué au chaos, à cause de l’ineptie de sa classe politique et de ses luttes internes. C’est ce qu’il a voulu constater par lui-même en allant au contact des nouveaux dirigeants et du peuple libanais.

Mais c’est également une ère de défis complexes et difficiles, tant le Liban est fragilisé au niveau de ses institutions, de son économie et de son tissu social par des pratiques mercantiles et communautaires, les ingérences externes, puis récemment une guerre avec Israël qui a laissé une partie de son territoire en lambeaux.

Pour affronter ces défis et amorcer l’écriture de la nouvelle page qui s’ouvre pour le pays, le président français estime qu’il faut s’adosser à trois piliers : restaurer la souveraineté, mettre le Liban sur la voie de la prospérité et consolider son unité.

C’est ce credo que Macron a déroulé lors de ses entretiens avec Aoun et qu’il a réitéré durant ses rencontres avec Salam et le chef du parlement libanais Nabih Berry.

S’exprimant devant les journalistes à la suite de son tête-à-tête avec Aoun au palais présidentiel de Baabda il a souligné que la souveraineté passe par le respect du cessez-le-feu instauré entre le Liban et Israël le 26 novembre dernier et qu’il a qualifié de «succès diplomatique historique qui a permis de sauver des vies». Avec pour effet la nécessité de consolider le mécanisme de surveillance dont la France fait partie.

Cela implique une application stricte des engagements pris par les autorités israéliennes et libanaises dans le cadre de l'accord et dans les délais prévus.

 Soulignant que « des résultats ont été obtenus » à ce niveau, Macron a estimé qu’ils « doivent se fédérer, se confirmer dans la durée », avec « un retrait total des forces israéliennes, et un monopole total de l'armée libanaise sur les armes ».

C'est pourquoi ajoute Macron « nous soutenons, avec force la montée en puissance des forces armées libanaises et leur déploiement dans le sud du pays » tout en continuant à « consolider l'appui international en matière d'équipement de formation, et de soutien financier ».

Cet effort est soutenu par, la France à titre bilatéral et « je sais aussi que nos amis, l'arabie saoudite le Qatar les pays de la région sont prêts à faire davantage » ajoute-t-il, tout en travaillant « avec vous à la démarcation de la ligne bleue pour dégager une solution pérenne au bénéfice de la sécurité de tous ».

Macron a par ailleurs rappelé que cette souveraineté ne concerne pas que le sud du Liban, et que le contrôle des autres frontières, notamment dans le contexte du bouleversement en cours en Syrie, « constitue aussi un enjeu majeur ». 

L’autre pilier étant la prospérité au bénéfice de tous, il exprimé l’espoir d’une formation rapide du nouveau gouvernement pour mener à bien cette tâche et subvenir à l’urgence humanitaire qui n’est pas révolue.

La nécessité de réformer

La France assure t-il veille à ce que les engagements pris le 24 octobre à Paris soient tenus et qu'ils se traduisent matériellement au profit des populations déplacées par la guerre, Mais « au-delà des réponses d'urgence, la communauté internationale doit anticiper un soutien massif à la reconstruction des infrastructures des habitations détruites par la guerre, tout particulièrement au sud, où le million de déplacés libanais sont rentrés pour trouver leur maison et leur village réduits en cendres ».

À ce propos Macron a précisé qu’une conférence internationale pour la reconstruction se tiendra à Paris dans quelques semaines, lors d’une visite qu’effectuera le président libanais.

La prospérité suppose également des réformes, elles sont « attendues et connues » et s’adressant à Aoun dans des termes empreints d’une chaleur amicale « vous les portez, et vous les défendez », la réforme de la justice, la réforme bancaire, la réforme du marché de l'énergie, la lutte contre la corruption, « toutes ces réformes nécessaires, c'est le gouvernement à venir qui le portera, elles sont indissociables de cette reconstruction ». 

L'ensemble de ces points poursuit Macron doit servir le troisième objectif, « celui d'une nation libanaise, réconciliée et unie dans son pluralisme », car la plus grande des appartenances « est celle à une république qui croit dans l'universel, et d'un pluralisme qui respecte toutes les religions, toutes les communautés leur donnent à chacune sa place ».

Ce n'est que dans cette unité, assure-t-il dans « ce pluralisme réconcilié que le chemin est possible », rendant hommage au peuple libanais, aux milliers de victimes que le pays a déploré depuis le déclenchement de la guerre, « une guerre dans laquelle le Liban a été plongé, malgré lui par l'irresponsabilité de quelques uns ».

Avant sa rencontre avec Aoun au palais de Baabda Macron avait déposé une gerbe au monument du soldat inconnu, puis il s’est livré à un exercice qu’il affectionne particulièrement, en déambulant dans le quartier de Gemayzeh, qui avait été dévasté par l’explosion du port de Beyrouth en 2020

Évoluant au milieu d’une foule de libanais qui l’ont accueilli par des applaudissements chaleureux, il a siroté un café puis il a regardé des livres sur la reconstruction de ce quartier, qu’il avait visité juste au lendemain de l’explosion.

Il a échangé en toute spontanéité avec les personnes qui l’entouraient, il a fait des selfies, bu des jus de fruits, partagé une pizza en écoutant attentivement les personnes qui s'adressent à lui.

« Vous êtes adorable » lui lance une vieille dame, « aidez le Liban » lui demande un homme, une autre personne lui fait part de sa crainte d’une reprise de la guerre.

« Bon courage » et « garder le moral », assène le président français à ses interlocuteurs, avant de souligner que l’ère qui s’ouvre est une ère d’espoir où chacun a sa part à accomplir.

Macron avait commencé sa visite par une rencontre avec le premier ministre libanais en exercice Najib Mikati, et deux entretiens avec le chef d’état major de la FINUL, le général Jean-Jacques Fatinet, puis avec le commandant des opérations spéciales au sein du mécanisme de surveillance du cessez le feu le Général Jasper Jeffers et du représentant de la France au sein de ce mécanisme le général Guillaume Pin Hun.