BEYROUTH / PARIS: Suspecté d'avoir joué un rôle important dans l'effondrement économique du Liban, le gouverneur de la banque centrale libanaise Riad Salamé est poursuivi par la justice française sur base de transferts en Europe de sommes occultes de plusieurs centaines des millions de dollars (1 dollar=0,90 euros) dont l'origine reste à prouver.
Les procureurs français ont déclaré au gouverneur de la banque centrale libanaise Riad Salamé qu'ils prévoyaient de porter contre lui des accusations préliminaires de fraude et de blanchiment d'argent, en partie sur la base de relevés bancaires potentiellement falsifiés utilisés pour dissimuler sa richesse, selon des documents judiciaires français consultés par Reuters.
L'accusation d'utilisation de faux relevés de compte, qui n'avait pas été signalée auparavant, est contenue dans des documents envoyés à Salamé par les autorités judiciaires françaises avant une audience prévue en France le 16 mai.
Au cours de cette audience, les procureurs français ont l'intention d'appuyer sur les accusations préliminaires et de le désigner officiellement comme suspect.
Salamé a refusé de commenter son usage présumé de faux documents. Il a nié à plusieurs reprises les accusations de fraude et de blanchiment d'argent, affirmant qu'il était devenu le bouc émissaire de la crise financière libanaise qui a éclaté en 2019.
Un avocat de Salamé a déclaré début avril que son client n'avait pas encore décidé s'il se rendrait en France pour assister à l'audience du 16 mai.
Dans le cadre d'une enquête conjointe avec des homologues au Liban et dans au moins quatre autres pays européens, les procureurs français soupçonnent Salamé, 72 ans, d'être de connivence avec son frère Raja pour le détournement de plus de 300 millions de dollars de fonds publics, dont une partie a été utilisée pour acheter des propriétés à travers l'Europe.
Riad et Raja Salamé ont nié avoir détourné des fonds publics. (avec Reuters)
Des enquêteurs français et européens, qui ont interrogé Salamé à Beyrouth en mars, soupçonnent que l'essentiel de la fortune du gouverneur provient des fonds publics qu'il aurait détournés.
Dans le cadre de sa réponse aux accusations, Salamé a envoyé aux procureurs français une note de 65 pages fournie par Marwan Kheireddine, le président de la banque libanaise AM.
Le document consulté par Reuters contient une série de relevés bancaires qui, selon l'un des avocats de Salamé, montrent comment les économies du gouverneur sont passées de 15 millions de dollars en 1993 à plus de 150 millions de dollars en 2019 "alors qu'il capitalisait les intérêts".
Mais selon les documents judiciaires français consultés par Reuters, les enquêteurs français sont parvenus à la conclusion que les relevés bancaires étaient faux.
Salamé « a utilisé de faux relevés de comptes bancaires à AM Bank… fournis par Marwan Kheireddine, pour justifier de manière trompeuse l'origine de ses biens ou de ses revenus », indiquent les procureurs français dans les documents judiciaires.
L'avocat de Kheireddine, Thierry Marembert, a déclaré que son client avait nié tout acte répréhensible.
Suite à l'interrogatoire de Salamé à Beyrouth, les procureurs français ont écrit que "Riad Salamé n'est pas en mesure de justifier les différents prêts et investissements qui lui ont permis d'augmenter sa fortune de plus de 250 millions d'euros (au minimum) pendant cette période", selon le Français documents judiciaires.
Salamé a déclaré que sa fortune provenait de la bonne gestion de l'épargne qu'il avait amassée au cours de sa carrière de banquier d'affaires.
Kheireddine a été interrogé en France au début du mois sur des soupçons de participation à une association de malfaiteurs et de blanchiment d'argent aggravé. Le banquier a reçu l'ordre de ne pas quitter le pays et son passeport a été confisqué.