Rached Ghannouchi, chef islamiste à l'image écornée

Le chef islamiste Rached Ghannouchi, arrêté lundi, pâtit d'une image tellement dégradée par les intrigues politiques qu'il apparaît aux yeux de nombreux Tunisiens comme le coupable idéal de tous les maux du pays. (AFP)
Le chef islamiste Rached Ghannouchi, arrêté lundi, pâtit d'une image tellement dégradée par les intrigues politiques qu'il apparaît aux yeux de nombreux Tunisiens comme le coupable idéal de tous les maux du pays. (AFP)
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Publié le Mardi 18 avril 2023

Rached Ghannouchi, chef islamiste à l'image écornée

  • M. Ghannouchi a été interpellé lundi à son domicile après avoir affirmé que la Tunisie serait menacée de «guerre civile» si l'islam politique était éliminé
  • «On s'attendait à l'arrestation de M. Ghannouchi» après celle d'une vingtaine d'opposants depuis début février, estime le politologue Selim Kharrat

TUNIS: Faiseur de rois dans la Tunisie post-Printemps arabe, le chef islamiste Rached Ghannouchi, arrêté lundi, pâtit d'une image tellement dégradée par les intrigues politiques qu'il apparaît aux yeux de nombreux Tunisiens comme le coupable idéal de tous les maux du pays.

Son parti islamo-conservateur, Ennahdha, a joué un rôle de premier plan sur la scène politique après la révolution de 2011 qui a renversé la dictature de Zine el Abidine Ben Ali, avant d'entrer en collision avec le président Kais Saied, qui lui a ôté tout pouvoir en suspendant en juillet 2021 le Parlement dirigé par M. Ghannouchi et en limogeant le gouvernement qu'il soutenait.

Pendant cette période, une décennie "noire" selon ses détracteurs, M. Ghannouchi, 81 ans, s'est taillé la réputation d'habile manœuvrier, s'arrangeant pour qu'Ennahdha soit incontournable, au point même de conclure des alliances parfois contre nature avec les libéraux ou des partis laïcs.

Ce "cheikh" aux cheveux blancs et au physique frêle se voit aussi reprocher une certaine ambiguïté face à la montée du djihadisme après la chute de la dictature.

Auteur de prêches enflammés réclamant l'application de la charia dans les années 1970, il s'est d'abord inspiré des Frères musulmans égyptiens, avant de se réclamer du modèle islamiste turc de Recep Tayyip Erdogan.

Il a ensuite fait muer Ennahdha en mouvement civil, censé depuis 2016 n'être consacré qu'à la politique, et s'affiche depuis comme un "démocrate musulman" défendant des valeurs conservatrices sans dogmatisme.

Ses concessions ont divisé son camp. Certains partisans lui ont reproché d'avoir soutenu une loi controversée qui proposait d'amnistier les responsables accusés de corruption sous Ben Ali.

Né à El Hamma, petite ville de la côte sud, au sein d'une famille modeste, Rached Ghannouchi a étudié la théologie, puis la philosophie, notamment au Caire et à Damas.

De retour en Tunisie à la fin des années 1960, il fonde en 1981 le "Mouvement de la tendance islamique", rebaptisé en 1989 Ennahdha - "La renaissance".

Une entreprise clandestine qui lui a valu deux séjours en prison dans la Tunisie du père de l'indépendance, Habib Bourguiba, qui réclamait qu'il soit "pendu".

«Boucs émissaires»

Gracié par Ben Ali en 1987, puis de nouveau persécuté après une percée électorale, l'opposant s'exile en Algérie, puis en 1991 à Londres où il cultivera une image de penseur réformiste de l'islam.

Depuis le coup de force de M. Saied, il a été fortement contesté en interne, avec une vague de démissions de cadres l'accusant d'une hypercentralisation des décisions et d'un manque de réformes.

M. Ghannouchi a été interpellé lundi à son domicile après avoir affirmé que la Tunisie serait menacée de "guerre civile" si l'islam politique était éliminé.

"On s'attendait à l'arrestation de M. Ghannouchi" après celle d'une vingtaine d'opposants depuis début février, estime auprès de l'AFP le politologue Selim Kharrat.

Pour lui, elle confirme que le chef d'Ennahdha et ses alliés sont devenus "la bête noire et des boucs émissaires" pour le président Saied, car ses partisans "en veulent beaucoup à Ennahdha et ses alliés de la manière dont ils ont gouverné le pays pendant 12 ans jusqu'à l'été 2021".

Douze ans après la révolution de 2011 qui avait marqué le début du Printemps arabe, une forte portion de la population "a le cœur gros" face aux multiples crises, politique, économique et sociale, que traverse le pays, selon lui.

Depuis le coup de force à la faveur duquel le président Saied s'est arrogé les pleins pouvoirs, M. Ghannouchi a été entendu au moins 10 fois dans différentes enquêtes, notamment pour corruption et blanchiment d'argent présumé et incitation présumée à l'envoi de djihadistes en Irak et Syrie, ressortant à chaque fois des postes de police avec un grand sourire et en faisant le V de la victoire.

M. Kharrat ne s'attend pas "à des protestations massives dans la rue" contre l'arrestation de M. Ghannouchi, tant Ennahdha et ses alliés sont devenus impopulaires.

Pourtant à la chute de Ben Ali en 2011, des milliers de personnes avaient célébré son retour de Londres après 20 ans d'exil.


Détenus palestiniens: des responsables du CICR rencontreront le ministère britannique des Affaires étrangères  

 Des responsables du Comité international de la Croix-Rouge s’entretiendront avec le ministère britannique des Affaires étrangères pour lui faire part de leurs inquiétudes au sujet de l’initiative britannique consistant à visiter les détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. (CICR)
Des responsables du Comité international de la Croix-Rouge s’entretiendront avec le ministère britannique des Affaires étrangères pour lui faire part de leurs inquiétudes au sujet de l’initiative britannique consistant à visiter les détenus palestiniens dans les prisons israéliennes. (CICR)
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  • Le gouvernement de Netanyahou a empêché le personnel du CICR d’avoir accès aux détenus palestiniens depuis l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre
  • Il a précisé que cette interdiction resterait en vigueur jusqu’à ce que le Hamas autorise l’accès aux otages israéliens capturés lors de l’attaque

LONDRES: Des responsables du Comité international de la Croix-Rouge s’entretiendront avec le ministère britannique des Affaires étrangères pour lui faire part de leurs inquiétudes au sujet de l’initiative britannique consistant à visiter les détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.

Le ministre des Affaires étrangères David Cameron aurait négocié un accord avec le gouvernement israélien pour permettre à deux observateurs juridiques britanniques et à un juge israélien de rendre visite à certains prisonniers détenus dans les prisons israéliennes, à la lumière d’informations faisant état de «traitements inhumains», rapporte jeudi The Guardian.

Dans un entretien accordé ce week-end à la BBC, Cameron affirme avoir abordé cette question avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou.

«Tout n’est pas si sombre... Je lui ai dit que l’inaccessibilité aux détenus était inadéquate et que nous avions besoin d’un système indépendant d’inspection et de réglementation. Les Israéliens semblent désormais le faire», soutient-il.

Le gouvernement de Netanyahou a empêché le personnel du CICR d’avoir accès aux détenus palestiniens depuis l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre. Il a précisé que cette interdiction resterait en vigueur jusqu’à ce que le Hamas autorise l’accès aux otages israéliens capturés lors de l’attaque.

Les critiques affirment que cette position pourrait constituer une violation des conventions de Genève, le CICR ayant demandé à plusieurs reprises aux deux parties en conflit de permettre l’accès à toutes les personnes détenues, comme le prévoient les conventions.

Les observateurs ont également fait part de leurs inquiétudes au sujet de la capacité de l’initiative britannique «d’affaiblir l’État de droit» et de créer un «précédent dangereux» quant à la manière dont les détenus sont traités dans d’autres zones de conflit, ajoute le rapport du journal The Guardian.

Le directeur du CICR pour la région Moyen-Orient, Fabrizio Carboni, est actuellement à Londres. Il devrait s’entretenir avec des responsables du ministère des Affaires étrangères.

Dans un entretien accordé au journal d’information britannique, l’organisation humanitaire déclare que les détenus palestiniens doivent être traités comme des personnes protégées ayant accès au CICR, conformément aux conventions de Genève.

«Des informations faisant état d’une décision du gouvernement israélien d’autoriser les observateurs à visiter certains lieux de détention circulent. Le CICR espère que des mesures appropriées seront prises pour protéger la santé et le bien-être des détenus, qui restent primordiaux. Nous réitérons notre volonté de reprendre nos activités de détention mandatées», peut-on lire dans le communiqué.

Chris Doyle, chroniqueur d’Arab News et directeur du Conseil pour la compréhension arabo-britannique, a déclaré que le plan du ministère des Affaires étrangères risquait d’établir un système qui contournerait le CICR et les réglementations internationalement acceptées.

«Il n’y a aucune transparence quant à la solution de rechange proposée par Cameron... Je doute fort que deux avocats choisis par le ministère des Affaires étrangères, en compagnie d’un juge de la puissance occupante, bénéficient de l’expertise du CICR. Ils seront plutôt emmenés dans des prisons assainies», dit-il.

«Ce qui est arrivé aux milliers de Palestiniens emmenés de Gaza vers Israël est un problème majeur. Ni nous ni leurs familles ne savons où ils se trouvent, s’il s’agit de combattants ou d’enfants, ou même pourquoi, dans certains cas, ils sont contraints de rester en sous-vêtements. Nous n’avons aucune nouvelle de la part du gouvernement britannique à ce sujet», ajoute-t-il.

Au cours d’une trêve d’une semaine entre le Hamas et les forces israéliennes en novembre, le CICR a joué un rôle actif en facilitant l’échange de 105 otages israéliens détenus par le Hamas et de 240 prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Washington annonce avoir arrimé la jetée à Gaza, prête à recevoir de l'aide

Des membres de l'armée américaine, de la marine américaine et de l'armée israélienne ont mis en place le Trident Pier, un quai temporaire pour acheminer l'aide humanitaire, sur la côte de Gaza. (Reuters)
Des membres de l'armée américaine, de la marine américaine et de l'armée israélienne ont mis en place le Trident Pier, un quai temporaire pour acheminer l'aide humanitaire, sur la côte de Gaza. (Reuters)
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  • Ce projet de jetée d'un coût annoncé de 320 millions de dollars selon le Pentagone, avait été annoncé en mars par le président Joe Biden, pour pallier aux restrictions imposées par Israël
  • Londres a annoncé mercredi qu'un navire chargé d'aide avait quitté Chypre à destination de cette installation

JERUSALEM: Les Etats-Unis ont annoncé avoir achevé jeudi une jetée provisoire sur la côte de Gaza, devant permettre d'acheminer plus d'aide dans le territoire ravagé par sept mois de guerre et dont les principaux points d'entrée sont bloqués depuis plus d'une semaine.

Des militaires américains "soutenant la mission humanitaire de livraison d'aide supplémentaire aux civils palestiniens dans le besoin, ont arrimé la jetée temporaire à la plage de Gaza", indique sur X le commandement militaire des Etats-Unis pour le Moyen-Orient (Centcom).

"Il est prévu que des camions chargés d'aide humanitaire commencent à accoster dans les prochains jours", poursuit le Commandement, précisant que l'aide sera remise à l'ONU qui "coordonnera sa distribution dans Gaza".

Farhan Haq, porte-parole adjoint du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, a toutefois indiqué que les négociations se poursuivaient concernant la distribution de l'aide.

"Nous finalisons nos plans opérationnels pour assurer que nous sommes prêts à gérer (l'aide) quand la jetée flottante sera totalement opérationnelle, tout en assurant la sécurité de notre personnel", a-t-il déclaré.

Répétant la préférence de l'ONU pour la voie terrestre, il a estimé que l'aide humanitaire "ne peut pas et ne devrait pas dépendre d'une jetée flottante loin de là où les besoins sont les plus aigus".

Que l'aide arrive "par la mer ou par la route, sans carburant elle n'arrivera pas aux gens qui en ont besoin", a-t-il insisté.

Interrogé sur ces inquiétudes, un porte-parole du Département d'Etat américain, Vedant Patel, a indiqué que les Etats-Unis travaillaient avec l'ONU sur les modalités. Mais "de notre point de vue, nous pensons que c'est prêt à fonctionner et que l'aide va commencer à arriver dès que possible".

Le vice-amiral Brad Cooper du Centcom, a annoncé l'arrivée "d'environ 500 tonnes (d'aide) dans les prochains jours (...) réparties entre plusieurs bateaux".

"Des milliers de tonnes d'aide sont dans les tuyaux", a-t-il ajouté, précisant que l'aide sera contrôlée en amont à Chypre. "Il n'y aura pas de soldat américain au sol à Gaza."

A terme, Washington espère l'arrivée de l'équivalent de "150 camions par jour", a précisé une porte-parole du Pentagone.

Ce projet de jetée d'un coût annoncé de 320 millions de dollars selon le Pentagone, avait été annoncé en mars par le président Joe Biden, pour pallier aux restrictions imposées par Israël, allié historique des Etats-Unis, à l'acheminement terrestre de l'aide vers la bande de Gaza.

Londres a annoncé mercredi qu'un navire chargé d'aide avait quitté Chypre à destination de cette installation.

Il doit y débarquer environ 100 tonnes d'abris temporaires pour les habitants de Gaza, quelque 2,4 millions de personnes dont environ 70% ont été déplacées par la guerre, dans un territoire déjà surpeuplé et assiégé depuis sept mois.

La marine et des troupes d'infanterie encadrent cette "opération humanitaire", a indiqué un porte-parole de l'armée israélienne, Nadav Shoshani.

Mercredi, plus de 200 camions sont entrés à Gaza, via le passage d'Erez-Ouest et celui de Kerem Shalom, chargés notamment de farine et de carburant (76.000 litres) et "nous allons les transférer au Programme alimentaire mondial pour approvisionner les organisations et les boulangeries à travers Gaza", a-t-il déclaré.

Israël a lancé une offensive sur la bande de Gaza en riposte à une attaque sanglante sur son sol de commandos du Hamas et ses alliés, le 7 octobre.

L'aide internationale, strictement contrôlée par les autorités israéliennes, arrivait déjà au compte-gouttes, mais son entrée à Gaza est désormais largement entravée aux deux principaux points de passage -Kerem Shalom depuis Israël et Rafah depuis l'Egypte.

L'armée israélienne s'est emparée le 7 mai du côté palestinien du passage de Rafah, par lequel transitait la totalité du carburant indispensable au fonctionnement des infrastructures et hôpitaux de Gaza et à la logistique humanitaire.

Depuis, l'Egypte refuse de coordonner l'acheminement de l'aide avec Israël par Rafah, les deux pays se renvoyant la responsabilité du blocage.

Fermé plusieurs jours début mai après avoir essuyé des tirs de roquettes du Hamas, Kerem Shalom est officiellement ouvert, mais des organisations humanitaires affirment ne pas pouvoir y collecter l'aide acheminée, faute de carburant et en raison de combats alentour.


Un pèlerin français traverse treize pays pour accomplir l’Omra

Dans une interview accordée à SPA peu après son arrivée à Médine mercredi, M. Boulabiar affirme qu’il s’est entraîné pendant deux ans pour effectuer cette marche de 8 000 kilomètres. (SPA)
Dans une interview accordée à SPA peu après son arrivée à Médine mercredi, M. Boulabiar affirme qu’il s’est entraîné pendant deux ans pour effectuer cette marche de 8 000 kilomètres. (SPA)
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  • M. Boulabiar explique qu’il s’est entraîné pendant deux ans pour effectuer cette marche de 8 000 kilomètres
  • «C’est un rêve d’enfant. Je rêvais de me rendre à La Mecque à pied, comme le Prophète», confie M. Boulabiar

MÉDINE: Le pèlerin français Mohammed Boulabiar a passé huit mois à parcourir treize pays pour accomplir l’Omra, a rapporté mercredi l’agence de presse saoudienne (SPA).

Dans une interview accordée à SPA peu après son arrivée à Médine mercredi, M. Boulabiar explique qu’il s’est entraîné pendant deux ans pour effectuer cette marche de 8 000 kilomètres.

Il est parti de Paris le 27 août 2023 et a traversé la Suisse, l’Italie, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie, le Monténégro, l’Albanie, la Macédoine, la Grèce, la Turquie et la Jordanie avant d’arriver en Arabie saoudite.

Muni uniquement d’une carte et d’un sac contenant des provisions de première nécessité et une tente ne pesant que 25 kilos, M. Boulabiar raconte avoir passé la plupart de ses nuits dans des mosquées situées le long de la route ou chez des étrangers généreux qui l’ont accueilli dans leur maison.

Pour M. Boulabiar, l’aspect le plus difficile du voyage était la météo.

«Je suis parti en été et je suis arrivé au printemps, traversant l’automne et l’hiver, affrontant les tempêtes et le tonnerre. À un moment donné, une tempête de neige à la frontière grecque a retardé mon voyage d’une semaine», se souvient-il.

«C’est un rêve d’enfant. Je rêvais de me rendre à La Mecque à pied, comme le Prophète», confie M. Boulabiar.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com