Les dirigeants du Caire travaillent «vingt-quatre heures sur vingt-quatre» pour protéger les Égyptiens victimes de la crise soudanaise

Les soldats égyptiens étaient détenus par l’une des factions – les Forces de soutien rapide – à Merowe. (Photo/Twitter)
Les soldats égyptiens étaient détenus par l’une des factions – les Forces de soutien rapide – à Merowe. (Photo/Twitter)
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Publié le Lundi 24 avril 2023

Les dirigeants du Caire travaillent «vingt-quatre heures sur vingt-quatre» pour protéger les Égyptiens victimes de la crise soudanaise

  • La violence a surgi après des semaines de luttes entre les deux généraux qui se sont emparés du pouvoir lors du coup d’État de 2021
  • Lundi dernier, les Forces de soutien rapide ont affirmé sur leurs réseaux sociaux avoir pris le contrôle de l’aéroport de Merowe, situé à 350 kilomètres environ au nord de Khartoum

LE CAIRE: Au Caire, les responsables déclarent avoir travaillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre ces derniers jours pour garantir la sécurité des citoyens égyptiens qui vivent, travaillent et étudient dans le Soudan voisin depuis que des violences y ont éclaté samedi entre des factions militaires rivales.

La violence a surgi après des semaines de luttes entre les deux généraux qui se sont emparés du pouvoir lors du coup d’État de 2021. Il s’agit du chef de l’armée soudanaise, Abdel Fattah al-Burhan, et de son adjoint, Mohammed Hamdan Dagalo, qui commande les puissants paramilitaires des Forces de soutien rapide.

À compter du lundi, le conflit aurait coûté la vie à quatre-vingt-dix-sept civils au moins, selon des médecins qui se sont entretenus avec l’AFP. Les autorités du Caire se disent attentives à la détérioration de la situation et à la sécurité de leurs citoyens, pris au piège des violences.

On estime à dix mille le nombre de citoyens égyptiens qui vivent actuellement au Soudan. Parmi eux, il y aurait quelque cinq mille étudiants, dont la plupart habitent la capitale, Khartoum, qui a connu des affrontements importants ces derniers jours.

Dans un communiqué, Soha Gendy, ministre égyptienne de l’Émigration et des Affaires des expatriés, soutient qu’il est difficile de fournir des statistiques précises sur le nombre d’Égyptiens qui se trouvent actuellement au Soudan puisque beaucoup d’entre eux ne s’enregistrent pas à leur arrivée.

 

«Le Soudan fait partie intégrante de la sécurité nationale égyptienne et arabe. […] J’exprime le soutien de l’Égypte à la stabilité du Soudan.»

Obaida ElDandarawy, chef de la délégation égyptienne à la réunion du conseil de la Ligue des États arabes

 

Néanmoins, la présence d’une communauté égyptienne aussi nombreuse au Soudan représente un sérieux défi diplomatique pour Le Caire, qui s’efforce de garantir la stabilité de son voisin en crise tout en veillant à la sécurité de ses citoyens.

Au sein de cette communauté, il existe un grand nombre d’ingénieurs égyptiens qui développent des infrastructures de gestion de l’eau et des systèmes d’irrigation sur le Nil en coopération avec leurs homologues soudanais.

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La fumée envahit le ciel au-dessus d’un quartier résidentiel de Khartoum dimanche alors que les combats entre les factions commandées par des généraux rivaux au Soudan font rage pour la deuxième journée consécutive. (AFP)

 

Hani Sewilam, ministre égyptien des Ressources en eau et de l’Irrigation, affirme que ses collègues et lui sont en contact permanent avec la mission de son ministère au Soudan pour vérifier la situation de la main-d’œuvre, en particulier celle qui opère dans les zones de conflit.

M. Sewilam confirme dans un communiqué qu’il suit constamment la situation du personnel de la mission au Soudan et coordonne avec les ministères concernés pour fournir tous les soins et le soutien nécessaires.

«La mission égyptienne pour l’irrigation au Soudan comprend un certain nombre d’experts, d’ingénieurs et de travailleurs égyptiens», explique Ahmed Abdel Moaty, un commentateur égyptien, à Arab News.

 

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Cette photo prise le 16 avril 2023 montre des soldats de l’armée soudanaise, fidèles au chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burhan, en train de poser pour une photo au siège des Forces de soutien rapide dans la ville de Port-Soudan, sur la mer Rouge. (AFP)

 

«C’est une mission qui existe depuis des années, notamment avec l’augmentation de la coopération entre les deux pays dans le domaine de l’irrigation et des ressources en eau.»

Les nombreux étudiants égyptiens scolarisés dans les universités soudanaises sont une véritable source de préoccupation.

Ayman Ashour, ministre égyptien de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, indique que son département est en contact régulier avec le ministère égyptien des Affaires étrangères afin de garantir leur sécurité.

 

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Les autorités égyptiennes et leur ambassade à Khartoum s’efforcent de garantir la sécurité de leurs citoyens au Soudan voisin et d’aider à rétablir la stabilité dans le pays, alors que les combats entre groupes armés se poursuivent. (AFP)

 

«Le secteur des affaires et des missions culturelles du ministère enverra des e-mails aux étudiants égyptiens dans les universités soudanaises pour vérifier qu’ils sont en sécurité», déclare-t-il dans un communiqué.

«L’ambassade d’Égypte à Khartoum confirme la stabilité des conditions des étudiants égyptiens. De plus, elle affirme être en contact avec nos étudiants vingt-quatre heures sur vingt-quatre jusqu’à ce que la situation actuelle prenne fin.»

Le ministre a exhorté les étudiants égyptiens au Soudan à communiquer avec l’ambassade s’ils ont besoin d’aide ou si leur sécurité est menacée.

 

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Cette image satellite, distribuée avec l’aimable autorisation de Maxar Technologies, a été prise le 16 avril 2023. Elle montre deux avions de transport II-76 en feu et plusieurs appareils supplémentaires endommagés à l’aéroport international de Khartoum. (AFP)

 

Depuis le début de la montée de la violence, au cours du dernier week-end, Khartoum et d’autres villes du Soudan ont été témoins de frappes aériennes, ont vu des chars envahir leurs rues, des tirs d’artillerie et des frappes nourries dans des quartiers surpeuplés, ce qui a déclenché des appels internationaux à un cessez-le-feu immédiat.

Lundi, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé les parties belligérantes soudanaises «à mettre immédiatement fin aux hostilités, à rétablir le calme et à entamer un dialogue pour résoudre la crise».

M. Guterres note que «toute nouvelle escalade» du conflit entre l’armée et les forces paramilitaires dirigées par des généraux rivaux «pourrait être dévastatrice pour le pays et la région».

 

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Cette photo publiée par la présidence égyptienne le 17 janvier 2019 montre le président du Soudan du Sud, Salva Kiir Mayardit (à gauche), en train de s’exprimer à l’occasion d’une conférence de presse aux côtés du président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, au palais présidentiel du Caire. (AFP)

 

Entre-temps, les responsables égyptiens travaillent dans l’ombre pour aider à réduire les tensions.

Dans un communiqué, Obaida ElDandarawy, chef de la délégation égyptienne qui participe à une réunion du conseil de la Ligue des États arabes pour faire face à la crise, insiste sur la nécessité de «coordonner les positions arabes pour rétablir la stabilité au Soudan, puisque le Soudan fait partie intégrante de la sécurité nationale égyptienne et arabe».

Il appelle en outre les parties soudanaises à faire preuve de retenue.

 

«La consolidation de la sécurité et de la stabilité est le principal garant de la transition politique au Soudan.»

Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, et le président sud-soudanais, Salva Kiir

 

Dans une déclaration faite à Arab News, il déclare: «Les missions égyptiennes au Soudan, y compris les missions éducatives, Al-Azhar, la Mission égyptienne pour l’irrigation, la Banque nationale d’Égypte, les consulats égyptiens à Port-Soudan et Wadi Halfa, ainsi que les entreprises égyptiennes du secteur privé, EgyptAir et l’agence de presse du Moyen-Orient, sont toutes en sécurité.

 

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De la fumée s’élève au-dessus des bâtiments résidentiels de l’est de Khartoum le 16 avril 2023, alors que les combats au Soudan font rage pour la deuxième journée consécutive dans le cadre de la bataille entre les généraux rivaux. (AFP)

 

«Le Soudan représente la profondeur stratégique de l’Égypte, puisque le sort des peuples de la vallée du Nil représente un destin commun. J’exprime le soutien de l’Égypte à la stabilité au Soudan et la nécessité de régler les points litigieux pour sortir de la crise actuelle.»

Lors d’un appel téléphonique lundi, Ahmed Aboul Gheit, secrétaire général de la Ligue arabe, s’est entretenu avec Abdallah Hamdok, l’ancien Premier ministre soudanais destitué lors du coup d’État de 2021. Les deux hommes ont échangé leurs points de vue sur la crise actuelle et sur les moyens de mettre fin aux affrontements militaires dans le pays.

Selon son porte-parole, M. Aboul Gheit aurait dit à M. Hamdok que pour échapper à la crise actuelle, il faudra que toutes les composantes du paysage politique, qu’elles soient civiles ou militaires, s’unissent et travaillent ensemble dans l’intérêt public.

 

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Cette photo prise le 16 avril 2023 montre des soldats de l’armée soudanaise, fidèles au chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burhan, en train de poser pour une photo au siège des Forces de soutien rapide dans la ville de Port-Soudan, sur la mer Rouge. (AFP)

 

M. Aboul Gheit est convenu avec M. Hamdok de prioriser la désescalade, de cesser immédiatement les affrontements armés, de garantir la sécurité de la population civile et de rétablir le calme, soulignant que tous les problèmes peuvent être résolus au moyen du dialogue.

Dimanche, M. Aboul Gheit s’est également entretenu avec M. Guterres. Ils ont évoqué les moyens de coordination entre la Ligue arabe et l’ONU pour faire face à la crise en cours au Soudan.

Les Forces de soutien rapide ont été créées en 2013 sous l’ancien dirigeant soudanais Omar el-Bechir. Ce dernier est issu de la milice Janjawid, que son gouvernement a lâchée contre les minorités ethniques non arabes au Darfour une décennie plus tôt, suscitant des accusations de crimes de guerre.

 

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Cette image SkySat aérienne, publiée le 16 avril 2023 par Planet Labs PBC, montre les dégâts occasionnés et un incendie sur le pont Kobar, à Khartoum. (Photo fournie)

 

Les derniers combats ont éclaté après des désaccords entre les généraux Burhan et Dagalo sur l’intégration prévue des Forces de soutien rapide dans l’armée régulière – une condition clé pour un accord final qui visait à mettre fin à une crise qui dure depuis le coup d’État de 2021.

Ce dernier a fait échouer la transition vers un régime civil après l’éviction d’El-Bechir, en 2019, ce qui a réduit l’aide internationale et déclenché des manifestations quasi hebdomadaires accompagnées d’une répression meurtrière.

Le général Burhan, qui a gravi les échelons sous les trois décennies de règne d’El-Bechir, désormais en prison, soutient que le coup d’État était «nécessaire» pour inclure davantage de factions dans la politique.

 

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De la fumée s’élève au-dessus des bâtiments résidentiels de l’est de Khartoum le 16 avril 2023, alors que les combats au Soudan font rage pour la deuxième journée consécutive dans le cadre de la bataille entre les généraux rivaux. (AFP)

Le général Dagalo a par la suite qualifié le coup d’État d’«erreur» qui n’a pas réussi à apporter de changements, revigorant par ailleurs les vestiges du régime d’El-Bechir, évincé par l’armée en 2019 après des manifestations de masse.

Les deux parties s’accusent mutuellement d’avoir déclenché les combats. Chacune se targue de contrôler des sites clés, parmi lesquels l’aéroport et le palais présidentiel.

Lundi dernier, les Forces de soutien rapide ont affirmé sur leurs réseaux sociaux avoir pris le contrôle de l’aéroport de Merowe, situé à 350 kilomètres environ au nord de Khartoum.

 

EN CHIFFRES

Selon les médecins, quatre-vingt-dix-sept civils ont été tués dans le conflit depuis lundi.

«L’objectif stratégique des Forces de soutien rapide à Merowe n’est pas l’aéroport, mais plutôt le barrage de Merowe», déclare Hassan al-Saouri, politologue soudanais et professeur de sciences politiques, dans un communiqué publié par des militants sur les réseaux sociaux.

«Il est vrai que l’aéroport de Merowe est une solution de rechange à l’aéroport international de Khartoum, mais les Forces de soutien rapide semblent cibler spécifiquement le barrage de Merowe. En effet, elles œuvrent à le conserver et peuvent donc le contrôler, mettre fin à ses activités et former un blocus économique en s’attaquant à l’énergie puisqu’elles contrôlent l’eau dans la région nord du Soudan, qui est une zone importante, vitale et stratégique pour le pays.» 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël frappe à nouveau le sud du Liban, un an après le cessez-le-feu

L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
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  • L’armée israélienne a mené de nouvelles frappes dans le sud du Liban, ciblant des infrastructures et des sites d’armes du Hezbollah, malgré un cessez-le-feu en vigueur depuis un an
  • Le gouvernement libanais est accusé par Israël et les États-Unis de tarder à démanteler la présence militaire du Hezbollah dans la zone frontalière, tandis que Beyrouth dément toute faute et rejette les accusations israéliennes

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi avoir mené de nouvelles frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, au moment où elle intensifie ses attaques sur le territoire libanais malgré un cessez-le-feu avec le mouvement pro-iranien qu'elle accuse de chercher à se réarmer.

"Il y a peu, l'armée israélienne a frappé et démantelé des infrastructures terroristes du Hezbollah dans plusieurs zones dans le sud du Liban", écrit l'armée dans un communiqué.

"Dans le cadre de ces frappes, l'armée a visé plusieurs sites de lancement où des armes du Hezbollah étaient stockées", ajoute le communiqué, qui précise que les frappes ont également touché des "postes militaires utilisés par des membres du Hezbollah pour mener des attaques terroristes".

L'agence de presse d'Etat libanaise ANI a annoncé une série de "raids aériens israéliens sur Al-Mahmoudiya et Al-Jarmak dans la région de Jezzine."

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, signé il y a un an jour pour jour, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Mercredi, le ministre israélien de la Défense Israël Katz avait averti qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré M. Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

La Présidence libanaise a publié mercredi une déclaration du président Joseph Aoun qui "a rejeté les allégations israéliennes qui portent atteinte au rôle de l'armée et remettent en question son travail sur le terrain, notant que ces allégations ne reposent sur aucune preuve tangible."


Un an après le cessez-le-feu au Liban, la paix reste fragile alors que les violations israéliennes se multiplient

Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
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  • Le cessez-le-feu demeure extrêmement fragile : plus de 5 000 violations israéliennes, une frappe majeure à Beyrouth et un risque réel d’escalade malgré les appels internationaux à la retenue
  • Le Sud-Liban vit une crise humanitaire profonde, avec des villages détruits, jusqu’à 70 000 déplacés et une population abandonnée entre l’État libanais et le Hezbollah

BEYROUTH : Alors que le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah s'apprête à entrer dans sa deuxième année vendredi, les signaux d'alarme retentissent plus fort que jamais quant au risque d’une reprise du conflit au Liban.

L’assassinat dimanche dernier de Haytham Ali Tabatabai, chef militaire du Hezbollah et deuxième figure la plus puissante du mouvement après le secrétaire général Naim Qassem, lors d’une attaque audacieuse dans la banlieue sud de Beyrouth, a brisé les espoirs d’une stabilité durable.

La réponse du Hezbollah — qu’elle prenne la forme d’une action militaire ou d’un simple blâme diplomatique, comme certains cadres l’ont laissé entendre — pourrait déterminer si le cessez-le-feu survivra.

Cette frappe représente la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième menée sans avertissement préalable.

Les registres officiels font état de 5 350 violations israéliennes du cessez-le-feu en douze mois. Ces violations ont coûté la vie à plus de 340 personnes — principalement des combattants et commandants du Hezbollah, mais aussi des civils, dont des enfants et des femmes — et ont blessé plus de 650 autres.

Dans une escalade notable, les forces israéliennes ont frappé pour la première fois Aïn Al-Héloué, un camp de réfugiés palestiniens.

Les violations répertoriées comprennent 2 198 incursions terrestres, 2 983 opérations aériennes et 169 violations maritimes.

Les forces de maintien de la paix de l’ONU dressent un tableau encore plus sombre, rapportant plus de 7 500 violations aériennes et environ 2 500 violations terrestres au nord de la Ligne bleue depuis l’accord de l’an dernier, ainsi que la découverte et la saisie de plus de 360 caches d’armes abandonnées, remises à l’armée libanaise.

La stratégie d’Israël s’apparente à une campagne d’usure progressive contre le Hezbollah, visant à réduire systématiquement ses capacités tandis que l’armée libanaise s’emploie à désarmer le groupe au sud du fleuve Litani.

L’armée affirme avoir rempli plus de 80 % de ce mandat, avec une échéance fixée à la fin de l’année avant que les opérations ne s’étendent vers le nord — une zone dans laquelle le Hezbollah refuse catégoriquement de rendre ses armes, estimant que la décision revient aux dirigeants politiques libanais.

Le conflit lui-même a porté de lourds coups au Hezbollah, décimant ses rangs et infligeant des pertes catastrophiques à ses stocks d’armement. Mais le plus inquiétant est peut-être l’empiètement physique d’Israël sur le territoire libanais.

Les observateurs de l’ONU ont documenté la construction par l’armée israélienne de murs en T en béton près de la Ligne bleue. Des relevés confirment que ces barrières s’enfoncent dans le territoire libanais au sud-ouest de Yaroun, isolant plus de 4 000 m² de terres libanaises. Des constructions similaires sont apparues au sud-est de la même ville ces dernières semaines.

Plus largement, les forces israéliennes contrôlent cinq positions réparties sur 135 km de territoire libanais — des Fermes de Chebaa à Ras Al-Naqoura — situées 500 à 1 000 mètres au-delà de la Ligne bleue.

L’ONU a exigé des enquêtes rapides et impartiales sur les opérations militaires israéliennes, en particulier la frappe contre le camp de réfugiés palestiniens, évoquant des violations potentielles du droit international humanitaire et appelant à la reddition de comptes.

Vingt ressortissants libanais croupissent dans les prisons israéliennes, principalement à Ofer, parmi lesquels dix membres du Hezbollah capturés lors de combats près d’Aïta Al-Chaab, un officier de marine enlevé lors d’un raid commando, et neuf civils. Leurs familles n’ont reçu aucune information officielle du Comité international de la Croix-Rouge sur leurs conditions ou leur état de santé.

Une source officielle libanaise a estimé que « la libération des détenus fait partie des termes de l’accord de cessez-le-feu, tout comme le retrait des territoires occupés, et le Liban ne détient aucun prisonnier israélien en échange. »

La politique de la terre brûlée menée par Israël dans les villages frontaliers s’est poursuivie, les attaques visant toute tentative de reconstruction. La Banque mondiale estime le coût des travaux à environ 11 milliards de dollars.

« Entre 10 et 15 villages ont été complètement rayés de la carte », affirme Tarek Mazraani, ingénieur à Houla et coordinateur du « Rassemblement des villages frontaliers du Sud ».

Mazraani estime que 65 000 à 70 000 personnes restent déplacées de leurs maisons et de leurs villages détruits.

« Ceux qui sont revenus sont ceux qui ne peuvent littéralement aller nulle part ailleurs, principalement des personnes âgées vivant au milieu des décombres, exposées quotidiennement à l’horreur des bombardements et aux couvre-feux, sans aucun hôpital pour les soigner », a-t-il déclaré à Arab News.

Toute personne souhaitant enterrer un proche doit obtenir l’autorisation de la FINUL, qui informe ensuite Israël pour permettre l’inhumation.

« Malgré cela, l’armée israélienne bombarde à chaque fois les abords du cortège funéraire », ajoute Mazraani.

Il précise que les déplacés ont loué des logements à Nabatiyé, Tyr, Saïda, Iqlim Al-Kharroub, dans la banlieue sud de Beyrouth et au Mont-Liban. La plupart sont agriculteurs, mais on compte aussi des enseignants, des ingénieurs, des travailleurs indépendants et des membres des forces de sécurité.

« Depuis la fin de la guerre, ces gens sont laissés sans aucun soutien officiel ou partisan. L’un des habitants les plus riches de la région, qui a tout perdu, travaille désormais comme livreur », dit-il.

Les personnes déplacées sont prises entre l'État parallèle du Hezbollah et l'État libanais : « Tout le monde exploite leur tragédie, même au sein de notre propre communauté du sud. Les loyers sont extrêmement élevés et nous ne nous sentons jamais chez nous. »

L’un d’eux, qui souhaite rester anonyme, explique : « Ceux qui ne sont affiliés à aucun parti sont loin de la politique. Notre seule préoccupation est d’assurer notre subsistance et une couverture financière en cas d’hospitalisation. Nous nous sentons orphelins et abandonnés, surtout quand une institution du Hezbollah nous dit qu’elle n’a plus d’argent. »

Il ajoute : « Les habitants des zones détruites paient le prix fort. Certains en veulent au Hezbollah pour la guerre et les milliers de morts qu’elle a entraînés, tandis que d’autres craignent que l’autre camp se réjouisse de notre malheur sans jamais nous rassurer. »

Les attentes libanaises face aux menaces israéliennes de relancer la guerre — sapant l’accord de cessez-le-feu négocié par la France et les États-Unis et dont les termes ressemblent fortement aux points principaux de la résolution 1701 — restent contradictoires.

Certains observateurs politiques jugent ces menaces « exagérées », tandis que d’autres estiment qu’« une frappe est inévitable mais n’aboutira pas à une guerre totale ; elle vise à pousser le Liban à négocier ».

Plus tôt ce mois-ci, le président libanais Joseph Aoun a déclaré : « Le Liban n’a pas d’autre choix que de négocier, et le langage de la négociation est plus important que celui de la guerre. »

Le Premier ministre Nawaf Salam l’a confirmé, exprimant son espoir d’un « soutien américain à une solution diplomatique ».

Pour l’heure, cependant, des négociations directes entre le Liban et Israël restent totalement exclues.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël: le ministre de la Défense avertit qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays

Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
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  • Israël avertit qu’aucun calme ne reviendra au Liban tant que sa propre sécurité ne sera pas garantie, intensifiant ses frappes malgré la trêve et affirmant vouloir désarmer le Hezbollah
  • L’Égypte tente de désamorcer les tensions, tandis que l’application du cessez-le-feu reste bloquée : l’armée libanaise dit vouloir démanteler les positions du Hezbollah, mais Israël et les États-Unis accusent Beyrouth de traîner

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien a averti mercredi qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays, alors qu'Israël a intensifié ses opérations militaires au Liban ces dernières semaines, en dépit d'un accord de cessez-le-feu.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré Israël Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

"Il n'y aura pas de calme à Beyrouth ni d'ordre et de stabilité au Liban tant que la sécurité de l'Etat d'Israël ne sera pas garantie", a ajouté M. Katz en affirmant que son pays allait désarmer le Hezbollah.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères a déclaré mercredi que son pays oeuvrait à la désescalade des tensions entre Israël et le mouvement armé libanais soutenu par l'Iran.

"Nous craignons toute escalade et nous sommes inquiets pour la sécurité et la stabilité du Liban", a déclaré ce ministre, Badr Abdel Ati, après sa rencontre avec le président libanais Joseph Aoun à Beyrouth mercredi.

"Nous engageons des efforts considérables pour épargner au Liban tout risque, ou toute atteinte, concernant sa sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a frappé le Liban à plusieurs reprises malgré la trêve, affirmant régulièrement cibler les membres et les infrastructures du Hezbollah pour empêcher le groupe de se réarmer, ce qu'il nie être en train de faire.

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Ce dernier invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban, dont l'accord de cessez-le-feu stipule pourtant que l'armée israélienne doit se retirer.