PARIS: Deux semaines après le plafonnement du tarif des médecins intérimaires, les fermetures de services d'urgences et de maternité se multiplient dans les petits hôpitaux publics et certains craignent déjà que la crise se prolonge au mois de mai.
La tension ne retombe pas. Au contraire, les symptômes s'aggravent et la presse locale s'en fait l'écho. En Gironde, les urgences de Sainte-Foy-la-Grande ont ainsi fermé le 13 avril, pour dix jours "en raison d'une carence en personnel médical non résolue", comme l'indique une affiche placardée sur la porte d'entrée.
Une décision radicale, liée au tour de vis national sur l'intérim médical: depuis le 3 avril, les hôpitaux ne peuvent plus payer ces renforts parfois indispensables au-delà du plafond légal de 1.390 euros brut pour une garde de 24 heures.
Mesure "totalement indispensable" pour "mettre un coup d'arrêt" à "la dérive dans les rémunérations", a expliqué le ministre de la Santé, François Braun, en visite lundi matin dans le même département, à Langon, où les urgences sont restées fermées quatre jours ces deux dernières semaines.
Hué et sifflé à son départ par 150 manifestants venus réclamer "des actes" et "des moyens" - malgré les 40 millions d'euros promis pour la reconstruction de l'hôpital - il a de nouveau assuré "qu'il n'y aurait pas de fermeture sèche".
Pourtant, certains services sont proches de la rupture. Les urgences d'Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques) ont fermé durant le weekend et restent "en mode gradué" jusqu'à jeudi, avec appel "impératif" au Samu "avant de se déplacer", selon l'agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine.
Même "régulation" à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), avec en prime une fermeture la nuit (de 18H30 à 8H30) depuis samedi et jusqu'au 25 avril. A Aubenas (Ardèche), les restrictions ont été levées en journée, mais l'accès demeure limité aux horaires nocturnes, tout comme à Pontivy (Morbihan) à partir de mardi et jusqu'au 1er mai. Et à Feurs (Loire), les urgences n'ont toujours pas rouvert.
Des situations dont la population peine à s'accommoder. A Vittel (Vosges), plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi pour protester contre la fermeture de leurs urgences, la nuit et le weekend depuis le 3 avril.
Sur la brèche
Si le mal frappe d'abord les petits établissements, les gros CHU ne sont pas à l'abri, à l'image de celui de Grenoble. Sur la brèche depuis plusieurs mois, ses urgences en sous-effectif débordent de malades en attente d'hospitalisation dans d'autres services.
La pénurie d'urgentistes frappe également des services pédiatriques, comme celui de Douai (Nord) contraint de fermer la nuit jusqu'au 26 avril, ou celui d'Avranches (Manche) qui sera clos le weekend du 21 au 24.
Les maternités, en difficultés chroniques, n'échappent pas à la crise de l'intérim. Faute d'anesthésiste, celle de Mayenne n'assure plus les accouchements depuis dimanche et pour au moins une semaine. "Suspension temporaire" également au Bailleul (Sarthe) depuis vendredi et jusqu'au 2 mai.
PARIS: En Dordogne, les salles de naissance de Sarlat - fermées depuis le 29 mars - devraient rouvrir "au plus tard le 2 mai" selon l'ARS Nouvelle-Aquitaine. Pas de perspective en revanche à Sedan (Ardennes), où l'ARS Grand Est a promis un "point de situation" mi-avril.
La liste va encore s'allonger avec l'arrêt des accouchements à Guingamp (Côtes-d'Armor) à compter du 26 avril. Un cas emblématique, puisque cette maternité menacée de fermeture depuis plusieurs années avait obtenu un sursis en 2018 à la demande d'Emmanuel Macron.
Mais cette fois-ci, l'exécutif semble déterminé à ne rien lâcher aux intérimaires, "pour assainir des pratiques déloyales" vis-à-vis des autres médecins hospitaliers, rappelait la semaine dernière la Première ministre, Elisabeth Borne.
En réponse, le Syndicat des médecins remplaçants (SNMRH) a déposé deux recours auprès du Conseil d'Etat pour faire annuler la réforme, dont un référé qui sera examiné en audience le 2 mai.
Côté employeurs, la Fédération hospitalière de France (FHF), bien que favorable à la réforme, s'inquiète de voir le problème s'enkyster. "Les tensions vont sans doute se manifester pendant les périodes de congés", a prédit son directeur de cabinet, Vincent Roques, lors d'une conférence de presse vendredi.
Avec "le regard tourné vers les périodes qui viennent à la fin du mois" d'avril, mais aussi "les congés estivaux", et le souhait qu'une "revalorisation pérenne des gardes et des astreintes" vienne dénouer la situation à temps.