PONTOISE: Les urgences de l'hôpital de Pontoise craquent: la plupart des soignants de ce service ont déposé lundi des arrêts maladie pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail, contraignant l'établissement à refuser certains patients.
"90% de l'effectif soignant des Urgences Adultes de l'Hôpital de Pontoise est en arrêt maladie depuis ce matin, une grande première en IDF (Ile-de-France) !! Les agents se retrouvent dès 9h à la Direction", a tweeté le compte UrgencesEnArrêtMaladie qui regroupe des soignants de ce service.
L'hôpital, l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France et la préfecture du Val-d'Oise ont confirmé ces arrêts massifs.
"Une grande majorité des personnels de jour aujourd'hui n'ont pas pris leur poste aux urgences", a déclaré devant la presse Alexandre Aubert, le directeur de l'hôpital Novo de Pontoise (Val-d'Oise).
Le mouvement touche 49 personnes, soit "63% de l'équipe globale", a-t-il chiffré.
Direction et personnels doivent se réunir mardi pour tenter de trouver une solution à la crise.
Les personnels concernés - agents des services hospitaliers, infirmiers, brancardiers et aide-soignants des équipes de jour et de nuit - alertent sur le manque d'effectifs et de place dans leur service, des tensions structurelles exacerbées par la triple épidémie de Covid-19, grippe et bronchiolite en cours.
Les soignants en arrêt demandent aussi l'activation immédiate du "plan blanc" pour libérer des lits, en déprogrammant des opérations qualifiées de non-urgentes.
Mais à ce stade, "le service des urgences reste ouvert" et l'équipe de médecins est "mobilisée", a déclaré l'ARS Ile-de-France à l'AFP.
Une "régulation" est mise en place pour "organiser l'orientation des patients vers d'autres structures" de santé environnantes, a expliqué l'agence, ajoutant que "le SAMU réoriente les patients de manière graduée, en fonction des besoins de soins".
«Ressenti»
"Les réponses à ces questions sont des réponses à temps long. Or là, le problème c'est qu'on a des agents qui demandent des réponses rapides", a souligné M. Aubert.
"Il y a des revendications mais il y a un ressenti aussi de se sentir un peu seul", a avancé le directeur, insistant sur le "facteur psychologique énorme", selon lui, à l'origine de cette contestation alors que le flux des passages aux urgences était similaire à celui d'avant la pandémie.
Les nombreuses démissions post-crise sanitaire et la saturation de la médecine de ville qui pousse des cas non-urgents à se rendre aux urgences sont également des problèmes bien identifiés, a reconnu le directeur.
Faute de place suffisante, "les patients sont sur des brancards aux urgences, dans le couloir", a témoigné à l'AFP un soignant qui refuse de donner son identité par crainte de représailles de son employeur.
Parfois, "il y a plus de vingt heures d'attente aux urgences pour déjà voir un médecin et que les infirmiers installent les patients dans une salle de consultation", a dénoncé ce professionnel expérimenté.
"On est à bout, les collègues en ont marre", a-t-il insisté.
"Ils sont tous dans un état psychologique déplorable" car ils doivent "venir bosser avec le risque de perdre un patient parce qu'on n'a pas quatre bras et que la direction reste sourde", a déploré Eric Boucharel, secrétaire départemental UNSA Santé sociaux public et privé du Val-d'Oise.
C'est la première fois que la crise des urgences prend une telle ampleur en région parisienne, selon ce syndicaliste.
Dans l'Est de la France, les urgences de Sarreguemines et de Thionville (Moselle) connaissent également des tensions et de nombreux arrêts maladie depuis fin décembre. Vendredi, la préfecture et l'ARS locales ont déclenché le plan blanc dans tous les établissements de santé du département.
En déplacement vendredi dans l'Essonne, Emmanuel Macron a annoncé une réorganisation de l'hôpital et des mesures pour faciliter l'accès des patients à un généraliste et "sortir de ce jour de crise sans fin" dans le système de santé français.