RIYAD: Dans un restaurant haut de gamme, des verres polis trônent sur une table en bois au design épuré, entourée de plantes vertes luxuriantes. Sur la table, des spécialités grecques sont amoureusement présentées : tzatziki, salade de Santorin, purée d'aubergine et tacos de gyros de bœuf. À première vue, on pourrait se croire dans les îles grecques, ou du moins dans un restaurant méditerranéen haut de gamme de Londres ou de Dubaï.
Il s'agit toutefois de Meraki Riyad, la chaîne de restaurants grecs haut de gamme populaire qui a ouvert ses portes à Londres en 2017 et s'est installée à l’hôtel Mandarin Oriental de la capitale saoudienne en septembre 2021. Si Meraki ne choquerait guère les convives d'une autre ville plus reconnue en la matière, à Riyad – où la scène gastronomique fut autrefois assez fade – il s’agit d'une surprise bienvenue.
Au cours des trois dernières années, une multitude de restaurants gastronomiques ont ouvert leurs portes dans la capitale saoudienne, coïncidant avec la grande transformation sociale et économique de l'Arabie saoudite, dont le fer de lance est la Vision 2030. L'ambitieux plan de réforme du prince héritier Mohammed ben Salmane vise à faire passer les dépenses des ménages consacrées aux activités culturelles et de divertissement à 6%, soit une hausse de 2,9% par rapport au moment où la Vision a été dévoilée en 2016.
Sushi, caviar, tapas, pain babka, dim sum et fondue – quantités de plats internationaux sont désormais servis dans la capitale saoudienne, alors que certains des meilleurs restaurants et chaînes du monde ouvrent leurs portes, parallèlement à l'essor des établissements saoudiens locaux qui proposent un mélange de plats traditionnels et de cuisine fusion.
«Riyad a, sans aucun doute, une scène gastronomique bouillonante», a déclaré à Arab News Ciara Philips, une stratège culturelle britannique qui s'est installée à Riyad fin 2020.
Dans un pays où près de 70% de la population a moins de 40 ans, le renforcement des secteurs du divertissement et de l'hôtellerie est primordial, non seulement pour l'afflux d'étrangers, mais aussi pour les locaux qui, il y a encore quelques années, ne trouvaient pas un choix aussi vaste de nourriture.
«J'ai vécu dans des villes du monde entier, de New York à Londres, en passant par Paris et Dubaï... (Riyad) se classe parmi les meilleures, voire les surpasse, en termes d'entrepreneuriat alimentaire local, de concepts branchés, d'intérieurs incroyables, de service et d'hospitalité exceptionnels», a indiqué Philips. «L'attention portée aux détails, l'amour et l'accueil positif de la nouveauté, ainsi qu'une économie nocturne en plein essor ajoutent à ce dynamisme.»
«Cela va de pair avec l'accueil chaleureux et la générosité des Saoudiens – la nourriture est si souvent partagée et offerte au travail et lorsque l'on reçoit des invités à la maison – et j'ai pris des kilos en trop pour le prouver», a signalé Phillips.
En novembre 2022, le site Cool Inc a dévoilé qu'une vingtaine de restaurants détenteurs d'étoiles Michelin très convoitées dans leur ville d'origine proposeraient leurs spécialités culinaires à Riyad et à Djeddah cette année. Ces noms viendront s'ajouter à la liste croissante des meilleurs restaurants de la capitale et de Djeddah, qui comprend déjà la cuisine cantonaise de Hakkasan, le restaurant japonais Roka, les délices français de La Petite Maison et les restaurants italiens de haute gastronomie tels que Scallini, Angelina et Cipriani.
En janvier, Cool Inc a sélectionné une gamme diversifiée de restaurants, dont les fameux Spago et Cut de Wolfgang Puck, le restaurant de fruits de mer WAGYUMAFIA de Scott et le Gymkhana à thème indien, qui ouvriront leurs portes à Riyad. En outre, Cool Inc a annoncé son initiative Destination Dining & Member's Clubs, qui vise à mettre l’Arabie saoudite en contact avec des experts et des visionnaires de l'industrie culinaire mondiale.
Fin 2022, la tant attendue terrasse de Bujairi, a ouvert ses portes dans le quartier historique de Diriyah, surplombant Turaif, autrefois siège du premier État saoudien. Proposant une multitude d'expériences culinaires saoudiennes et internationales haut de gamme sur une surface de 15 000 mètres carrés, son ouverture a marqué la première phase du projet de 50 milliards de dollars (1 dollar américain = 0,92 euro) de la Diriyah Gate Development Authority.
«Berceau de la civilisation arabe depuis des siècles, l'Arabie saoudite a accueilli et hébergé des personnes issues de toute la région et du monde entier depuis sa création», a déclaré à Arab News Kiran Haslam, directeur marketing de la société Diriyah. «Des premiers commerçants et marchands aux pèlerins traversant le continent, en passant par les érudits, les architectes et les visionnaires, Diriyah a été l'épicentre de la péninsule arabique pendant des centaines d'années.»
«La terrasse de Bujairi réunit effectivement le monde par le biais de la nourriture», a signalé Haslam. «Elle offre une expérience inégalée en matière de découverte gastronomique et constitue un catalyseur parfait, à l'instar du projet plus vaste de la Diriyah, pour les immenses progrès accomplis tout autour de nous en vue de faire du Royaume un véritable grand lieu de rassemblement mondial.»
L'essor de la gastronomie à Riyad n'est pas seulement dû à la pléthore de grands noms internationaux. De nombreux restaurants locaux proposant une cuisine saoudienne remise au goût du jour font leur apparition dans toute la capitale.
Sous l'égide du ministère de la Culture, la Commission des arts culinaires s'efforce de mettre en valeur et de développer les traditions culinaires saoudiennes et de positionner le pays comme une destination mondiale de la gastronomie. Le premier festival européen en la matière organisé par la commission s'est tenu en mars de cette année, l'association des chefs saoudiens organisant un concours de cuisine saoudienne et internationale.
Dans le restaurant Takya de la terrasse de Bujairi, les clients locaux et internationaux peuvent déguster des plats traditionnels saoudiens joliment préparés et agrémentés d'une touche moderne.
«L'idée était de créer un endroit où les gens peuvent dîner dans le confort et la paix», a déclaré à Arab News Hessah al-Mutawa, copropriétaire de Takya. Le restaurant propose une fusion contemporaine de plats saoudiens traditionnels provenant des différentes régions du pays. La conception du restaurant, réalisée par la sœur de Hessah et copropriétaire du restaurant, Hadeel, s'inspire de divers éléments architecturaux et culturels saoudiens. «Nous voulons que l'intérieur du restaurant raconte une histoire.»
Les expatriés vivant à Riyad sont enthousiasmés par les nouveaux restaurants dirigés par des Saoudiens, séduisants et uniques. Moe Inani, chef saoudien et copropriétaire du restaurant Chifty et du salon cosmopolite de Riyad, estime toutefois que ce qui manque encore à la scène culinaire en plein essor de Riyad, c'est un fort contingent de restaurants locaux.
Originaire de Djeddah, Inani est devenu sous-chef à Saison, un restaurant étoilé de San Francisco, où il a appris à préparer des sushis. Il met aujourd'hui son expérience à profit pour créer de nouvelles versions de mets locaux traditionnel, comme le poisson de la mer Rouge.
«Je pense que la scène s'est définitivement améliorée au cours des deux dernières années, mais à mon avis, la plupart des marques et des restaurants que nous avons sont internationaux et importés, principalement d'Europe et des États-Unis, par des hommes d'affaires du secteur de la restauration», a expliqué Inani à Arab News. «La plupart des marques locales de restauration fine sont des fast-foods servant des hamburgers et des shawarmas.»
Inani a souligné qu'il faudrait du temps et de l'expérience pour pouvoir créer des «marques locales à succès».
«Pour les concepts locaux, ce qui est nécessaire, c'est avant tout l’expérience», a-t-il précisé. «Je pense que le pays est sur le bon chemin en envoyant des étudiants ou des personnes intéressées par le domaine culinaire étudier dans différentes écoles de cuisine à travers le monde.»
Il ne suffit pas de poursuivre des études d’arts gastronomiques, souligne Inani. L’apprentissage des différents aliments sur le long terme est également essentielle. «Une fois que les Saoudiens auront acquis de l'expérience en travaillant avec des chefs à l'étranger, ils peuvent revenir au pays et l'utiliser pour améliorer l'offre culinaire locale de l'Arabie saoudite», a-t-il suggéré.
Selon Inani, Riyad a le potentiel pour devenir une capitale culinaire mondiale. Mais pour cela, il est essentiel qu'elle développe sa propre identité et ses propres chefs grâce à des concepts novateurs résolument saoudiens.
Cependant, le changement est déjà en cours. Dans le nouveau restaurant saoudien haut de gamme de fusion contemporaine MAIZ, les convives locaux et internationaux boivent avidement des mocktails faits maison et dégustent des plats tels que le caviar sur les crêpes de masabeeb, avec du caviar provenant d'esturgeons élevés localement et de la crème fouettée à base de citrons verts locaux séchés.
«Les propositions de fusion à cette échelle n'existaient pas il y a quelques années», lance un client du restaurant.
Comme le mentionne Philips: «Oubliez New York : Riyad est la ville qui ne dort jamais en ce qui concerne l'incroyable offre de nourriture, des snacks aux fast-foods en passant par les grands restaurants; vous pouvez manger ce que vous voulez à tout moment de la journée.»
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com