PARIS: La rencontre tant attendue entre Élisabeth Borne et l'intersyndicale pour sortir du conflit des retraites s'est soldée mercredi par un "échec" selon les syndicats, qui voient une "crise démocratique" dans le refus de la Première ministre de retirer la réforme.
Malgré ce désaccord, la cheffe du gouvernement a assuré qu'elle "n'envisageait pas d'avancer sans les partenaires sociaux" sur d'autres sujets liés au travail.
Les organisations patronales Medef, CPME et U2P, reçues dans l'après-midi, ont redit leur soutien au texte et demandé à Mme Borne de "mieux prendre en compte" les négociations bilatérales entre syndicats et patronat, en citant l'accord sur le partage de la valeur, que le gouvernement entend reprendre dans une loi.
Quant aux responsables Les Républicains, ils n'ont pas souhaité s'exprimer après 90 minutes d'entretien, en début de soirée, à Matignon.
A la veille d'une 11e journée de mobilisation, les leaders des huit organisations syndicales, arrivés à Matignon peu après 10H00, ensemble et à pied, sont ressortis au bout d'une heure. Le patron de la CFTC, Cyril Chabanier a lu un texte de l'intersyndicale sur le perron.
"Nous avons redit à la Première ministre qu’il ne saurait y avoir d’autre issue démocratique que le retrait du texte. La Première ministre a répondu qu'elle souhaitait maintenir son texte, une décision grave", a-t-il déclaré. Les syndicats de ce fait refusent "de tourner la page et d'ouvrir, comme le propose le gouvernement, d'autres séquences de concertation sur des dossiers aussi divers que le plein emploi ou le partage des richesses".
"On a une crise sociale qui se transforme en crise démocratique", a estimé le leader de la CFDT Laurent Berger, tandis que la nouvelle patronne de la CGT Sophie Binet affirmait que "le gouvernement ne pourra pas gouverner le pays tant que cette réforme ne sera pas retirée".
L'entourage d'Emmanuel Macron, actuellement en déplacement en Chine, a vigoureusement contesté cette analyse et affirmé que le projet sur les retraites avait été "porté, expliqué et assumé" par le président.
"Aucune force sociale et politique, d'opposition" n'a "voulu entrer dans un compromis et porter un autre projet", a-t-on ajouté.
Des propos contestés dans la soirée par Laurent Berger qui a appelé Emmanuel Macron sur BFMTV "à garder ses nerfs". "J'appelle le président de la République à ne pas balancer des petites phrases (...) sinon il va finir par se mettre à dos l'ensemble des organisations syndicales", a-t-il prévenu, visiblement excédé.
A Paris, une banderole contre la réforme des retraites sur l'Arc de Triomphe
Une large banderole a été installée mercredi au sommet de l'Arc de Triomphe à Paris par des opposants à la réforme des retraites, à la veille d'une 11ème journée de mobilisation en France contre cette réforme controversée.
"64 c'est non !", pouvait-on lire sur cette banderole suspendue à l'appel du syndicat CGT par des salariés du secteur culturel, en allusion au passage de l'âge minimal du départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Cet affichage a entraîné la fermeture du bâtiment, haut lieu touristique de la capitale, pendant une heure.
«Sagesse»
Les syndicalistes avaient prévenu qu'ils quitteraient la réunion si Élisabeth Borne refusait de parler du recul de l'âge de départ en retraite à 64 ans, qui cristallise la colère.
C'est la première fois qu'ils étaient reçus à Matignon depuis la présentation le 10 janvier de la réforme.
Laurent Berger a dit s'en remettre à "la sagesse du Conseil constitutionnel" qui doit rendre sa décision le 14 avril, et appelé "un maximum de travailleuses et travailleurs à rejoindre les cortèges" jeudi.
"Nous avons choisi de mettre fin à cette réunion inutile lorsque la Première ministre nous a indiqué qu'elle continuerait à gouverner contre le pays", a relaté Sophie Binet, rappelant que le projet de Contrat première embauche (CPE) avait été retiré un mois après son adoption.
"L'intersyndicale sera unie jusqu'au bout", a-t-elle assuré.
Personne ne se faisait d'illusions sur l'issue de la rencontre. Elle était "déjà écrite", selon un ministre de premier plan, qui tablait sur une "impasse".
Laurent Escure pour l'Unsa a pointé "une responsabilité énorme entre les mains du président de la République" et l'a appelé à ne pas promulguer la loi.
«Contacts»
Emmanuel Macron va prendre "des contacts" pour voir les syndicats après la décision du Conseil constitutionnel, selon son entourage.
Le ministre de la Santé François Braun a évoqué sur France Bleu d'autres réunions "dans les jours qui viennent pour arriver à trouver une porte de sortie", sans plus de précisions.
Parmi les opposants politiques, le chef des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a fustigé une Première ministre "murée dans le déni de réalité" qui "transforme une crise sociale en crise politique par son obstination", le Premier secrétaire du PS Olivier Faure un exécutif qui "enfonce le pays dans la crise".
La réforme a généré une mobilisation quasi hebdomadaire inédite allant jusqu'à 1,3 million de personnes dans la rue le 7 mars (selon les autorités), soit davantage que lors des précédentes crises sur les retraites. Ces manifestations ont connu un regain de tensions après l'adoption sans vote de la réforme au Parlement, via l'article 49.3.
A l'appel de la CGT, des salariés du secteur culturel ont installé mercredi une large banderole au sommet de l'Arc de Triomphe à Paris où on pouvait lire "64 c'est non !", entraînant la fermeture du bâtiment pendant une heure.
Fortement perturbée depuis début mars par les mouvements sociaux, la collecte des déchets a en revanche repris dans les métropoles de Rennes et Nantes.
Pour jeudi, "autour de 20%" des enseignants du primaire seront en grève, prévoit le syndicat Snuipp-FSU, une estimation plus faible que celle du 28 mars. La SNCF prévoit de faire rouler 3 TGV sur 4 et 1 TER sur 2, un trafic en nette amélioration par rapport aux journées de mobilisation précédentes.