Les collègues néofascistes du cabinet de Netanyahou ont observé dans la région les armées paramilitaires de Téhéran, et ont décidé qu'ils en voulaient une aussi.
Après que des centaines de milliers d'Israéliens ont temporairement entravé le complot de Netanyahou visant à vider de toute substance le système judiciaire, le Premier ministre cherche maintenant à rassurer ses alliés extrémistes en accordant à son ministre de la Sécurité, Itamar Ben-Gvir, sa propre armée privée, composée de 2 000 hommes.
Ben-Gvir affirme que sa milice de «garde nationale» approuvée dimanche par le gouvernement «rétablira la gouvernance» dans les villes mixtes judéo-arabes. Compte tenu de son soutien aux pogroms réalisés par des colons armés contre des villages palestiniens, il ne faut pas beaucoup d'imagination pour comprendre comment une milice aussi incontrôlée sera déployée contre les communautés arabo-israéliennes. L’Association israélienne pour les droits civils a averti que «la création d’une force armée sous les ordres du ministre de la Sécurité nationale et séparée de la police» serait «illégale» et représenterait un dangereux problème pour les forces de l’ordre.
Ce régime extrémiste a déjà fait preuve d'une attitude permissive envers l'usage disproportionné de la violence: près d’une centaine de Palestiniens ont été tués depuis le retour au pouvoir de Netanyahou en décembre, les colons ont mené l’année dernière 8 724 attaques documentées contre des Palestiniens et leurs biens, et les attaques contre les chrétiens et les autres minorités sont également en augmentation.
Ben-Gvir correspond parfaitement à la description de seigneur de guerre d’une milice. C’est un criminel déjà inculpé, visé par plus de 50 actes d'accusation, notamment des accusations de violence et d'incitation au racisme, avec un historique de soutien à des groupes terroristes. Ben-Gvir a coorganisé la semaine dernière une manifestation qui a semé la terreur à Jérusalem en scandant «mort aux Arabes», et organisé une tentative de lynchage d'un chauffeur de taxi palestinien. Des partisans de la droite ont été amenés à Tel-Aviv en bus. Un grand nombre de ces individus, masqués et vêtus de noir, ont attaqué des manifestants qui étaient en faveur de la démocratie. Les assaillants comprenaient des groupes affiliés à des groupements violents d’autodéfense, tels que La Familia, avec lesquels Ben-Gvir est personnellement impliqué.
Ben-Gvir correspond parfaitement à la description de seigneur de guerre d’une milice. C’est un criminel déjà inculpé, visé par plus de 50 actes d'accusation
- Baria Alamuddin
Les observateurs israéliens ont clairement comparé les ambitions de Ben-Gvir à la façon dont l'ancien Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, a créé ses propres milices privées, qui se sont ensuite transformées en Hachd al-Chaabi, coupables de massacres, de nettoyage sectaire, et qui ont cherché à dominer militairement l'Irak.
Les points communs avec le chef des Hachd al-Chaabi, Hadi al-Amiri, sont nombreux. Ce dernier contrôle également les forces du ministères de l’Intérieur. Ben-Gvir contrôle lui déjà la police israélienne des frontières, responsable de l'application de la loi en Cisjordanie occupée et à Jérusalem. Comme Amiri, Ben-Gvir milite pour une répression plus violente des manifestations. Avec des forces paramilitaires sous son contrôle, il peut faire exactement la même chose.
Les forces paramilitaires et les milices d'autodéfense alimentent une dynamique d'escalade dangereuse, brutalisent les citoyens et poussent à de violentes représailles. Dans un contexte de tensions croissantes au Liban, certaines factions chrétiennes envisagent ainsi de s'armer, en réaction à la menace du Hezbollah et avec la volonté préoccupante de «nettoyer» le Liban des réfugiés syriens. Avec un taux de mortalité qui monte en flèche en raison de la répression militaire israélienne, les jeunes Palestiniens et Arabes israéliens cherchent de plus en plus à rejoindre les factions armées, de manière inédite depuis une génération entière, offrant ainsi de nouveaux prétextes aux fascistes comme Ben-Gvir pour une militarisation plus offensive.
Ces développements font partie d'une tendance à long terme de manière implacable: l'expansion des communautés ultra-orthodoxes d'extrême droite aux dépens des Israéliens centristes laïcs. Plus de 60 % des Juifs israéliens se considèrent comme étant de droite et seulement 11 % comme étant de gauche. Il y a 720 000 Israéliens vivant dans des colonies illégales, avec des plans approuvés pour 22 000 nouveaux logements destinés aux colons. Ainsi, la proportion de Juifs israéliens qui voient leur existence comme indissociablement liée à l'occupation ne cesse de croître. L'expansion acharnée des colonies est soutenue et encouragée par des décennies d'inaction et de tolérance occidentale. De maigres déclarations sont un moyen pratique d'éviter d'exercer une pression réelle sur Israël.
Lorsque le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, affirme que les Palestiniens n'existent pas, que les villes palestiniennes devraient être «rasées» et que certaines parties de la Jordanie et de la Syrie appartiennent à Israël, il exprime le point de vue d'une population qui se développe inéluctablement. Les Israéliens du centre qui ont cherché à bloquer les «réformes» judiciaires de Netanyahou mènent une action d'arrière-garde à partir d'une vision du monde cosmopolite de plus en plus anachronique. Les idéologues ultra-orthodoxes ne reconnaissent même pas les Israéliens laïcs comme des citoyens légaux. Par conséquent, les segments de la société ayant un haut niveau d’instruction, les professionnels et les créateurs de richesses qui n'ont pas encore quitté le pays seront impitoyablement marginalisés, et mis hors de la sphère politique.
Les politiciens occidentaux vont maintenant se débattre pour maintenir la fiction selon laquelle «Israël est la seule véritable démocratie du Moyen-Orient». Jusqu'à présent, les Juifs américains ont fourni un soutien international et un financement régulier à Israël, mais de nombreux Juifs américains sont profondément révoltés par l'extrémisme de Netanyahou. La semaine dernière, la réplique directe de Netanyahou aux remontrances publiques inhabituelles de Biden a marqué les esprits. «Israël est un pays souverain qui prend ses décisions par la volonté de son peuple et non sur la base de pressions venant de l'étranger», a-t-il répliqué.
Il est étonnant de constater que Netanyahou et Biden ont laissé leurs relations se détériorer actuellement alors que l'Iran se rapproche dangereusement du nucléaire. Le respect de leurs engagements pour empêcher Téhéran de devenir une puissance nucléaire militaire nécessitera une étroite coordination. La politique odieuse de Netanyahou a par ailleurs creusé un trou de la taille de la Palestine dans ses efforts pour se faire des alliés arabes.
Israël trouvera toujours des appuis inconditionnels auprès des puissants lobbies occidentaux de droite, quelles que soient ses dérives. Cependant, les peuples dans le monde auront peu de sympathie pour un régime d'apartheid ouvertement autoritaire qui vole des terres, tout en réprimant la population palestinienne et en privant les communautés non orthodoxes de leurs droits démocratiques.
La création de factions paramilitaires juives extrémistes est un développement de mauvais augure dans une région qui regorge déjà de telles forces en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen.
- Baria Alamuddin
Israël se dirige consciemment vers le camp autoritaire des parias. Des responsables proches de Netanyahou se sont rendus en Pologne et en Hongrie pour comparer leurs données sur le renversement de l'indépendance judiciaire. Mais étant donné la teneur théocratique messianique et les engagements expansionnistes du régime actuel, en particulier le penchant de Ben-Gvir pour établir des milices sectaires, le modèle le plus proche reste sans doute celui des ayatollahs de Téhéran.
Tout le monde s'attend à ce que la «réforme» judiciaire de Netanyahou soit en fin de compte imposée, même s'il y a entre-temps une accalmie temporaire dans les tensions. Ses alliés sionistes veulent empêcher la protection judiciaire des droits fonciers palestiniens, les factions orthodoxes veulent faire obstacle au soutien judiciaire à la conscription militaire pour les étudiants de la yechiva, et Netanyahou veut éviter la prison.
Les tensions sont déjà au point d'exploser à Jérusalem et en Cisjordanie. Hassan Nasrallah a bruyamment fait campagne pour la guerre, tandis qu'Israël intensifiait ses attaques en Syrie contre les milices liées au Hezbollah. La création de factions paramilitaires juives extrémistes est un développement de mauvais augure dans une région qui regorge déjà de telles forces en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen.
Une telle prolifération de milices incontrôlables aux programmes généralement offensifs, soutenues par des ultranationalistes, des régimes radicaux et des parrainages terroristes, est une recette pour engloutir la région dans un chaos sans fin.
Netanyahou est un fléau pour la politique régionale, depuis ses efforts inlassables dans les années 1990 visant à tuer le processus d'Oslo. C'est un extrémiste qui ne pense qu’à ses propres intérêts. Le vrai pouvoir est toutefois entre les mains de personnages comme Ben-Gvir et Smotrich, qui portent un extrémisme dément à de nouveaux sommets. Ils considèrent les colons armés radicaux et les milices mafieuses comme leur voie pour consolider le pouvoir, étendre le territoire et écraser leurs ennemis.
Nous devrions avoir peur pour l'avenir.
Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d'État.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com