PARIS: Dans le contexte tendu des assassinats terroristes qui ont touché la France ces dernières semaines, la question de l’intégration des Français d’origine arabe - plus précisément des musulmans - et leur conformité aux « valeurs de la République » revient en force dans le débat public. En se focalisant sur une minorité d’extrémistes musulmans, politiciens de droite et polémistes qui monopolisent les plateaux de télévision continuent d’implanter dans les esprits l’idée que les Français musulmans dans leur ensemble sont des citoyens à part, des « ennemis de l’intérieur » sommés de prouver leur sentiment d’appartenance.
Mais comme le démontre la dernière enquête d’opinion d’Arabnews/YouGov, les Français d’origine arabe sont bien intégrés. Parmi l’échantillon représentatif de 958 Arabes français interrogés, la majorité possède un bon niveau d’éducation, 65% d’entre eux occupent un emploi, 10% sont au chômage et 55% ont fait des études supérieures. Ils connaissent globalement bien l’histoire française, de Louis XIV aux évolutions politiques les plus récentes.
Contrairement aux idées reçues, environ la moitié des personnes interrogées estiment que leur sentiment d’appartenance à la société française n’a pas été impacté par leur religion (48%) et leur origine (45%). L’autre moitié des sondés se divise entre ceux qui pensent que l’islam ou l’origine maghrébine ont favorisé leur sentiment d’appartenance et ceux qui pensent qu’ils ont constitué un obstacle à leur inclusion dans la société française.
Une image négative des Arabes et des musulmans
Bien qu’intégrés, les Français d’origine arabe souffrent d’une mauvaise image qui leur colle à la peau. Près des deux tiers des sondés (64%) estiment que les Arabes en France sont perçus de manière négative. Ce sentiment est encore plus vif chez les personnes interrogées de plus de 55 ans (73%). Le terme d’ « Arabes » s’est imposé progressivement au début des années 1970 pour désigner les travailleurs maghrébins immigrés et leurs familles, puis a été progressivement récupéré par l’extrême droite et le Front national.
Il a alors été assimilé à la délinquance et aux violences dans les banlieues, mais aussi relié à un imaginaire dégradant hérité de l’empire colonial, comme le montre par exemple l’emploi de termes comme « sauvageon » ou plus récemment d’« ensauvagement » pour désigner les incivilités et violences de Français d’origine maghrébine.
Le glissement sémantique vers le terme « musulman » s’est opéré à l’orée des années 90. Il était déjà courant dans les années 1950 et 1960 pour désigner le statut des personnes colonisées en Algérie. Le terme est revenu sur le devant de la scène, notamment suite à l’affaire du voile de Creil en 1989 et a été associé au conservatisme religieux et au refus de la laïcité. A partir de 1995, la France a aussi été touchée par une vague d’attentats islamistes, faisant naître un amalgame grandissant entre musulmans et terroristes.
Des confusions qui n’ont cessé de se renforcer depuis la vague d’attentats islamistes de 2015 en France, d’autant plus qu’elles sont exploitées à des fins politiques. L’islam et les « musulmans » sont régulièrement pointés du doigt dans les médias. Le polémiste d’extrême droite Eric Zemmour en a fait une spécialité, allant même jusqu’à comparer l’islam au nazisme. Des politiciens comme l’ancien candidat des Républicains à la présidence de la République François Fillon disent clairement qu’il « y a un problème avec la religion musulmane», et « qu’une partie significative de la communauté musulmane refuse de s’intégrer.»
Il n’est donc pas étonnant que, dans ce climat de tension autour de l’islam, plus des deux tiers (67%) des musulmans interrogés lors du sondage de YouGov estiment que les autres Français ont une perception négative de leur religion.
Des différences selon les religions
Mais, - et c’est un autre enseignement de l’enquête d’opinion – l’image négative de la religion ne concerne pas que l’islam en tant que tel. En effet, 61% des juifs d’origine arabe affirment également que leur religion est mal vue par les citoyens français. En revanche, la perception est complètement inversée pour les chrétiens d’origine arabe qui disent à 92% que leurs croyances sont considérées positivement.
Ces perceptions négatives se traduisent par des discriminations, à l’embauche notamment. Dans l’enquête menée par Arabnews/YouGov, environ trois personnes interrogées sur dix affirment que la religion ou l’origine raciale ont eu une incidence négative sur leur carrière. Ce sentiment est particulièrement vrai pour les hommes, que cela concerne l’origine ethnique (35%) ou la religion (33%). Les femmes, en revanche, estiment que ni la religion (61%) ni l’origine raciale (53%) n’ont eu d’impact sur leur trajectoire professionnelle. Pour 36% des sondés, c’est même l’origine ethnique de leur nom qui les a le plus pénalisés dans leur parcours d’embauche. Une enquête menée par l’Institut Montaigne en 2015 avait démontré qu’en France, Mohammed a quatre fois moins de chances d’être recruté que Michel.
Arab News en français organise un débat sur les citoyens français d’origine arabe.
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