JERUSALEM: La vaste mobilisation contre le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui se concentre sur son projet de réforme du système judiciaire, réunit des Israéliens d'horizons très divers.
L'AFP a interrogé plusieurs manifestants sur les raisons qui les poussent à dénoncer dans la rue depuis plusieurs semaines, principalement à Tel-Aviv mais aussi à Jérusalem et dans plusieurs grandes villes israéliennes, ce texte visant à réduire l'influence du pouvoir judiciaire et qu'ils considèrent comme une menace pour le caractère démocratique d'Israël.
Shy Engelberg, 38 ans
Ce spécialiste en traitement de données au sein d'une jeune compagnie d'assurances dit "protester contre la volonté du gouvernement de faire passer des lois qui vont mettre fin à la démocratie israélienne".
Le projet de réforme du système judiciaire, tel que présenté par le ministre de la Justice Yariv Levin, prévoit l'adoption d'une clause "dérogatoire" qui permettrait au Parlement d'annuler à la majorité simple une décision de la Cour suprême, jugée politisée par M. Netanyahu et ses alliés religieux et d'extrême droite.
Le projet porte également sur la modification du processus de nomination des juges et veut réduire l'influence des conseillers juridiques au sein des ministères.
"Personne ne veut investir son argent dans un pays dans lequel les tribunaux et le système judiciaire ne sont pas indépendants et où le gouvernement est instable", souligne M. Engelberg, qui habite à Karkour, dans le nord du pays.
Les employés du secteur des techniques de pointe, qui emploie plus de 10% de la main-d'œuvre nationale, ont déjà organisé plusieurs manifestations contre la réforme et M. Engelberg espère qu'ils continueront de faire pression sur le gouvernement.
"Le secteur des hautes technologies se réveille, pour la première fois il fait entendre sa voix", se félicite-t-il.
Tamar Megiddo, 40 ans
"Je me bats de toutes mes forces ces derniers mois contre cette révolution que le gouvernement essaye de mener", déclare cette maître de conférences en droit.
"Ils n'essayent pas simplement de changer une loi, ils essayent de changer le régime, les règles du jeu, et si cela passe, il sera très difficile de revenir en arrière, c'est pourquoi il faut stopper cela dès maintenant", déclare cette mère de trois enfants qui se dit "inquiète" pour sa famille.
"Nos droits sont vraiment en danger car si les tribunaux sont restreints comme c'est en projet, nous ne pourrons pas nous défendre", affirme-t-elle.
Amnon Magnus, 63 ans
"La situation politique en Israël est devenue insupportable", assène l'homme qui porte un t-shirt sur lequel est écrit "Frères d'armes".
Ancien soldat dans une unité d'élite de l'armée israélienne puis réserviste, Amnon Magnus craint que les réformes poussent certains Israéliens à reconsidérer leurs engagements militaires, dans un pays où la conscription reste obligatoire pour une majorité d'habitants et où l'armée occupe une place centrale.
"Cette situation divise le peuple, elle crée du conflit et de la désunion", regrette-t-il. "Je m'inquiète de ce que les gens ne fassent plus leur service militaire, qu'ils ne s'identifient plus à leur pays", ajoute cet agronome qui vit à Hod Hasharon (centre).
"Si ce gouvernement n'agit pas de façon juste, humaine et selon des lois reconnues dans le monde, les gens n'iront plus servir" dans les rangs de l'armée, craint-il encore.
Noah Haliva, 24 ans
"Ce ne sont même pas des réformes, c'est un coup d'Etat", lance cette jeune étudiante en sciences politiques à Tel-Aviv. "Nous voulons un pays démocratique, dans lequel les pouvoirs sont séparés".
Avec d'autres jeunes, Noah Haliva a lancé des manifestations estudiantines le mois dernier.
"Nous sommes jeunes, ce pays est notre maison, notre avenir. Beaucoup d'étudiants sont préoccupés", dit-elle. "Je suis inquiète quant à l'avenir de mon pays mais je suis contente de voir que la population descend dans la rue pour se faire entendre".