PARIS: Jean-Luc Mélenchon à Montpellier, des figures de "la fronde" à Bobigny: la fracture née de la réorganisation de La France insoumise refait surface en pleine réforme des retraites, avec deux meetings organisés jeudi soir par le mouvement.
Après une flambée des tensions sur la scène publique en décembre, les désaccords avaient été mis sous le tapis pour privilégier l'union contre le gouvernement dans la séquence des retraites, capitale pour la gauche.
Mais la préparation, dès janvier, par Raquel Garrido d'un meeting dans sa circonscription de Seine-Saint-Denis, avec François Ruffin, Clémentine Autain, Alexis Corbière ou encore Eric Coquerel n'avait rien d'innocent.
Toutes ces personnalités ont pour point commun d'avoir été tenues à l'écart de la nouvelle "coordination" du mouvement chapeautée par Manuel Bompard, très proche de Jean-Luc Mélenchon.
"C'est idiot de se passer de ces personnes" dans notre combat contre le report de l'âge de la retraite à 64 ans, confie Raquel Garrido à l'AFP.
La réunion de Bobigny n'est pas du goût du leader des Insoumis, trois fois candidat à la présidentielle. Il sera en meeting au Corum de Montpellier... également jeudi soir, une rebuffade évidente du tribun qui ne laisse jamais rien au hasard.
"Quelle coïncidence! Bien sûr qu'il le fait exprès", s'exclame avec ironie un des "frondeurs".
Les propos de Jean-Luc Mélenchon, qui a ironisé dans la presse sur ceux qui n'ont rien "à mettre en avant, à part le fait qu’ils me connaissent depuis longtemps", agacent aussi. "J’ai entendu le message (... ) j’essaie donc de faire autre chose", relève un cadre, qui sera présent à Bobigny.
Ligne de crête
Les "frondeurs" ne limitent pas leurs critiques à leur absence de la direction de La France insoumise. Ils s'interrogent plus globalement sur un mouvement tout entier consacré à l'efficacité, au détriment de la démocratie interne.
Et cherchent aussi à asseoir leur popularité réelle auprès des militants pour s'assurer de ne pas être marginalisés voire débarqués, comme d'autres franges de LFI par le passé.
Pour Matthias Tavel, député et proche de Jean-Luc Mélenchon, "ce n’est pas une rupture politique et stratégique, personne dit +il faut arrêter la Nupes+ comme au PS".
Néanmoins, observe M. Tavel, en vue de la présidentielle de 2027 "on n’a pas forcément la même manière de voir comment on gagne: certains pensent que c’est en restant homogènes", comme Manuel Bompard; "d’autres que c’est le pluralisme et la démocratie interne qui vont nous faire grandir", tels Clémentine Autain et Alexis Corbière; enfin d’autres "pensent qu’il faut surtout aller chercher ceux qui ne votent pas ou votent pour l'extrême droite", François Ruffin par exemple.
Récemment, celui-ci confiait à l'AFP "espérer que Mélenchon fasse tout pour aider les suivants" à la présidentielle de 2027, à laquelle le fondateur de LFI a assuré ne pas vouloir se présenter.
Le tribun résume sa ligne de crête: "Il ne faut ni me demander de me remettre au poste de pilotage, ni attendre de moi que je ne m'intéresse plus à rien".
Reste qu'aucune concession n'a pour l'instant été entérinée, malgré les réunions qui ont eu lieu en janvier pour remédier à la crise interne.
Un des participants au meeting de Bobigny observe, fataliste: "Jean-Luc a l’appareil. Nous on a baissé le pavillon. Si tu as un gros paquet par terre et qu'il n'y a pas de poignées, tu fais comment ? Beaucoup de copains partagent notre critique mais ne veulent pas casser la vaisselle".
Si à Bobigny, les organisateurs ont invité des membres de la Nupes, comme Boris Vallaud pour le PS, Jean-Luc Mélenchon s'exprimera au côté des trois députés Insoumis de l'Hérault, élus pour la première fois en juin: Sylvain Carrière, Nathalie Oziol et Sébastien Rome.