HONG KONG: Le procès-fleuve de 47 des figures pro-démocratie les plus éminentes d'Hong Kong commence lundi, dans la plus grande affaire judiciaire à ce jour en vertu de la loi de sécurité nationale qui a brisé toute dissidence dans la métropole.
Les audiences devraient durer quatre mois au terme desquelles les 47 accusés encourent des peines allant jusqu'à la prison à vie.
Les autorités d'Hong Kong les accusent d'avoir tenté de renverser le gouvernement pro-Pékin de la ville. Les accusés affirment, eux, qu'ils ont été poursuivis pour être entrés dans une opposition politique normale.
Les observateurs soulignent combien ce procès illustre le peu de place qu'il reste pour critiquer le pouvoir de Pékin à Hong Kong depuis la répression des manifestations pro-démocratie de 2019.
Les personnes jugées représentent un large éventail de l'opposition hongkongaise - depuis l'éminent juriste Benny Tai jusqu'aux anciens élus tels que Claudia Mo, Au Nok-hin et Leung Kwok-hung, en passant par de jeunes militants pro-démocratie comme Joshua Wong et Lester Shum.
Tous ont été conjointement inculpés en mars 2021 de "complot en vue de commettre un acte de subversion" pour avoir organisé, un an plus tôt, une élection primaire officieuse destinée à sélectionner des candidats de l'opposition en vue des législatives.
Leur objectif déclaré était alors d'obtenir une majorité au sein de l'assemblée partiellement élue de la ville, afin d'opposer leur veto aux budgets et de forcer potentiellement à la démission le dirigeant de Hong Kong désigné par Pékin.
Les autorités ont finalement renoncé à l'élection de l'assemblée hongkongaise et Pékin a instauré un nouveau système politique qui contrôle strictement les postulants au pouvoir.
En 2020, Pékin a imposé la nouvelle loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, l'utilisant pour accuser le groupe de "subversion du pouvoir de l'Etat".
La Chine affirme que cette loi était nécessaire pour mettre un frein à l'agitation politique, mais des groupes de défense des droits et des figures de l'opposition hongkongaise affirment que la répression qui s'en est suivie a pratiquement mis fin à l'autonomie et aux libertés politiques de la ville.
Paysage politique transformé
Dennis Kwok, ancien député de l'opposition qui vit désormais aux États-Unis, a qualifié de "farce complète" les poursuites engagées contre les 47 accusés.
"La subversion est un crime qui autrefois nécessitait que quelqu'un menace d'utiliser la violence (...) pour renverser le régime", a déclaré M. Kwok à l'AFP.
"Cela ne comprend pas les personnes qui se présentent simplement aux élections et promettent d'utiliser leurs mandats publics pour forcer le gouvernement à répondre aux revendications des personnes qu'ils représentent", a-t-il ajouté.
Mais les procureurs et les partisans du gouvernement considèrent autrement l'élection primaire de l'opposition.
"Si votre intention est de faire tomber le gouvernement, alors cela doit être illégal", a déclaré à l'AFP Ronny Tong, un avocat chevronné qui siège au gouvernement de Hong Kong.
Si Hong Kong n'a jamais été une démocratie, son système de gouvernance a permis, pendant un temps, une liberté d'expression bien plus grande qu'en Chine continentale.
La loi sur la sécurité nationale a cependant transformé le paysage politique de la ville ainsi que ses traditions juridiques de droit commun, chaque arrestation et chaque poursuite créant de nouvelles jurisprudences.
Protester et défier les autorités comportent désormais de nombreux risques.
La loi a permis à l'appareil de sécurité de Pékin d'opérer ouvertement dans la ville et de mettre en place un nouveau système judiciaire, désormais proche de celui de Chine continentale.
La plupart des accusés - 34 sur 47 - sont emprisonnés depuis près de deux ans.
Les quelques personnes libérées sous caution sont soumises à des restrictions, notamment en matière de liberté d'expression.
Les juges qui siègent dans les affaires de sécurité nationale sont triés sur le volet par le dirigeant de la ville et il n'y a pas encore eu de procès devant un jury.
«Signal fort»
En décembre, Pékin a déclaré que le dirigeant d'Hong Kong pouvait également interdire aux avocats étrangers de prendre part aux procès relatifs à la sécurité nationale.
Les analystes judiciaires et politiques suivront de près ce procès.
"Ce chef d'accusation particulier et cette affaire enverront un signal assez fort indiquant que toute contestation de l'autorité du régime actuel sera prise au sérieux", a déclaré à l'AFP Ming-sung Kuo, juriste à l'université britannique de Warwick.
Eric Lai, membre du Centre de droit asiatique de l'université de Georgetown, a déclaré que les Hongkongais seraient très attentifs "à la manière dont l'accusation définit comme un acte criminel un événement ordinaire de la société civile".
Seize des 47 accusés ont plaidé non coupable, une position qui, en cas de condamnation, pourrait entraîner des peines plus longues.
En outre, trois d'entre eux témoigneront contre leurs pairs en tant que témoins de l'accusation, a-t-on indiqué à la cour.