TUNIS: S’ils n’ont pas définitivement enterré l’idée d’ajouter la Tunisie à la liste des pays arabes accueillant un établissement universitaire germanique, les Allemands y renoncent pour l’instant.
«Le projet de l’université tuniso-allemande n’est pas abandonné. Il est toujours à l’ordre du jour.» Cette phrase revient comme un leitmotiv dans la bouche des responsables tunisiens. Mais ces propos sont-ils aujourd’hui fondés?
On peut se poser la question, car cela fait plus de sept ans que les gouvernements tunisien et allemand ont décidé de créer cette université en Tunisie. Évoqué pour la première fois en 2013, cet établissement aurait déjà dû avoir démarré ses activités depuis longtemps. En tout cas, bien avant l’autre projet – forcément concurrent –, soit l’université franco-tunisienne pour l'Afrique et la Méditerranée (Uftam), dont la création a été annoncée par le président français, Emmanuel Macron, en Tunisie, en janvier 2018, et qui n’a mis que dix-huit mois pour voir le jour.
En raison de cette situation, Slim Khalbous, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de 2016 à 2019, a été accusé – notamment par l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC) qui avait, en août 2021, transmis le dossier à la justice – d’avoir favorisé le projet français au détriment du projet allemand pour servir ses intérêts personnels. L’ancien ministre, qui occupe depuis décembre 2019 le poste de recteur de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), réfute cette accusation.
Les Allemands n’ont cependant pas voulu renoncer à leur projet, du moins jusqu’en 2020. L’ouverture en septembre de la même année d’une université allemande au Maroc leur a donné l’occasion de démentir qu’il s’agissait – comme l’ont interprété certains en Tunisie – du transfert dans ce pays de leur projet tunisien et donc de réitérer leur volonté d’ajouter la Tunisie à la liste des pays arabes (Égypte, Jordanie, Oman, et Qatar) accueillant une université allemande.
Une source proche du dossier assure que les Allemands ont perdu tout espoir «depuis des années» de voir le projet se réaliser
Dans la foulée, l’ambassadeur d’Allemagne à Tunis, Andreas Reinecke, obtient en octobre 2020 du ministère tunisien de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique la création d’une commission mixte «afin de trouver des mécanismes à même d’accélérer la concrétisation du projet d’université tuniso-allemande en Tunisie».
Plus de deux ans après, où en est-on? Le projet attend toujours d’être concrétisé, alors que l’Allemagne lui a consacré un financement de plus de 50 millions d’euros et que la Tunisie lui a alloué un terrain de 53 hectares à Mornag, une ville au sud-est de Tunis.
Par ailleurs, la simple évocation du projet semble embarrasser au plus haut point tant les Tunisiens que les Allemands. À tel point que lorsqu’on lui demande si la commission mixte a été créée et s’il existe une date pour la construction de l’université tuniso-allemande, le ministère répond «ne pas être en mesure de commenter» cette affaire «car il n’y a rien de nouveau».
Du côté de l’Office allemand d'échanges universitaires (Daad) et de l’ambassade d’Allemagne à Tunis, les questions sur ce projet ne suscitent aucune réaction.
Une source proche du dossier assure que les Allemands ont perdu tout espoir «depuis des années» de voir le projet se réaliser, du moins pour l’instant, car ils n’excluent pas d’étudier ce dossier de nouveau s’il est un jour remis sur la table. Toutefois, un ancien ambassadeur allemand a averti que le cas échéant, «il faudrait au moins six ans pour que le projet soit validé par le chancelier et le Bundestag (Parlement), pour trouver des partenaires et recruter des professeurs dans les universités allemandes».