L’Union européenne semble toujours déterminée à poursuivre la diplomatie avec la République islamique et à négocier avec les dirigeants iraniens afin de relancer l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien. Mais c’est le pire moment pour tenir des pourparlers avec les dirigeants iraniens et parvenir à un accord avec le régime théocratique pour plusieurs raisons.
Le mois dernier, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a rencontré le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, en Jordanie, soulignant que la relance de l’accord sur le nucléaire est une étape importante. Il déclare, selon Mehr News: «Je crois toujours qu’en matière de non-prolifération nucléaire, il n’y a pas de solution de rechange au Plan d’action global commun. Ceux qui pensent autrement se trompent tout simplement. Il ajoute qu’il «continuerait d’œuvrer à la restauration du plan sur la base des résultats des négociations de Vienne. Relancer l’accord sur le nucléaire ne se fait pas dans un vide stratégique. Il fait partie intégrante d’un tableau plus large».
Il est important de souligner que les négociations avec les dirigeants iraniens à ce moment bien critique est un coup dur pour le peuple iranien. Le régime continue de recourir à la force brutale pour réprimer les manifestants. Mais le peuple iranien proteste avec beaucoup de courage contre le régime des mollahs depuis près de quatre mois maintenant. Le soulèvement s’étend à plusieurs villes et semble toucher tous les secteurs de la société, y compris les lycéens, qui font preuve d’un courage et d’une conscience politique remarquables.
Tout accord dont le régime tire profit affaiblira probablement le soulèvement, qui a donné un réel sentiment d’autonomisation et d’optimisme au peuple iranien. Cela a renforcé l’idée que les jours du régime sont comptés et que son renversement est enfin à portée de main.
Le guide suprême Ali Khamenei a lancé son avertissement le plus audacieux à ce jour dans le but d’intimider la population pour qu’elle se plie à ses ordres. Mais les habitants de nombreuses villes, dont Téhéran, Karaj, Shiraz, Tabriz et Arak, ont défié la mise en garde de Khamenei et sont descendus dans la rue avec encore plus de férocité qu’auparavant. Des images du guide suprême ont été brûlées et des véhicules des forces de sécurité incendiés. Les affrontements entre manifestants et forces de sécurité sont désormais monnaie courante.
«Le monde devrait enfin laisser tomber cette politique qui amadoue les mollahs en Iran depuis quatre décennies, prolongeant inutilement leur règne de terreur.»- Dr Majid Rafizadeh
En tentant de parvenir à un accord avec les dirigeants iraniens, l’Occident véhicule également le message qu’il ignore la répression brutale du régime, ainsi que son bilan catastrophique en matière de droits de l’homme. Grâce à des décennies de résistance courageuse du peuple iranien, en particulier des femmes, de nombreux membres de la communauté internationale sont conscients que ces personnes ont le droit légitime de protester contre un régime cruel et tyrannique qui continue de massacrer son peuple –comme ce fut le cas en 1988, lorsque 30 000 prisonniers politiques ont été assassinés. Le monde devrait enfin laisser tomber cette politique qui amadoue les mollahs en Iran depuis quatre décennies, prolongeant inutilement leur règne de terreur.
En outre, l’Union européenne ne devrait prendre aucune mesure qui rendrait légitime l’oppression menée par le Corps des gardiens de la révolution islamique. Contrairement à certains récits, le CGRI est fortement impliqué dans la répression des manifestants. Mais ses forces semblent épuisées et démoralisées. Les ordres récemment annoncés par les hauts gradés du CGRI d’écraser rapidement les manifestations persistantes sont peut-être la meilleure illustration que l’appareil de répression tombe en panne.
Par ailleurs, l’Union européenne doit être consciente du fait que tout accord nucléaire qui lève les sanctions économiques contre le régime iranien lui permettra très probablement de continuer à soutenir la Russie dans le conflit ukrainien, en plus de poursuivre, avec plus de force, son propre aventurisme militaire et ses activités terroristes au Moyen-Orient. Le régime iranien continue de fournir à la Russie des drones militaires qui ont infligé des dégâts importants à l’Ukraine. C’est la première fois que des armes iraniennes sont déployées sur le sol européen. Selon le Wall Street Journal, «la Russie a infligé de graves dommages aux forces ukrainiennes avec des drones iraniens récemment introduits, lors de son premier déploiement à grande échelle d’un système d’armes étranger depuis le début de la guerre».
Alors que le régime iranien et la Russie renforcent leur coopération économique et militaire, les dirigeants iraniens ne voient malheureusement aucune conséquence négative à leurs actions. «Lorsque vous montrez votre puissance, vous avez la paix», disait le représentant américain Michael McCaul en septembre. «Lorsque vous montrez pareille faiblesse, comment un pays peut-il regarder une telle performance et ne pas penser à la faiblesse et peut-être même à l’incompétence?»
En bref, au moment où le peuple iranien continue de protester contre la tyrannie, ce n’est pas le moment pour l’Occident de négocier avec les dirigeants iraniens, de parvenir à un accord et de lever les sanctions contre Téhéran. Cela ne fera que légitimer les actions brutales du régime.
Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.
Twitter: @Dr_Rafizadeh
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com