BEYROUTH: Après un arrêt de plus cinq mois, les magistrats libanais ont repris leur travail lundi. Ils revendiquent dans ce contexte une revalorisation de leurs salaires, qui se sont dépréciés sous le poids de l'effondrement économique que connaît le pays.
Lundi également a été donné le coup d'envoi des préparatifs logistiques pour accueillir dans le hall principal de la Cour de cassation des magistrats et enquêteurs européens venant de France, d'Allemagne et du Luxembourg.
Ces derniers enquêteront sur des malversations financières effectuées à partir du Liban vers des banques en France, en Allemagne et au Luxembourg par la Banque centrale et le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé.
L'objectif de ces enquêtes est de déterminer l'origine des fonds et de savoir dans quelle mesure ils sont associés à la corruption, au blanchiment d'argent et aux crimes financiers dans les pays européens.
Les réunions entre la délégation de magistrats européens et les procureurs libanais sont prévues à partir de mercredi. Elles seront suivies de séances au cours desquelles la délégation recueillera les témoignages de banquiers et des adjoints du gouverneur de la Banque centrale, anciens et actuels.
Lors d’un entretien avec Arab News, une source judiciaire a indiqué que les enquêteurs européens informeront les juges libanais des questions qu'ils poseront aux témoins et aux personnes convoquées.
La Direction centrale des enquêtes criminelles, qui, au Liban, relève du parquet de la Cour de cassation, a convoqué douze personnes qui seront interrogées lors des séances d'enquête, selon la source.
Selon la même source, la délégation française a demandé à la partie libanaise de lui soumettre un dossier relatif à l'évasion fiscale, à des détournements présumés de fonds publics, à l'enrichissement illégal, à la falsification et au recours à des faux-monnayeurs. La partie libanaise s'est prononcée en faveur de cette demande.
À ce stade, l'enquête ne portera pas sur M. Salamé.
Les autorités judiciaires libanaises et les représentants des trois pays européens sont convenus d'un protocole qui permet de préserver la souveraineté du Liban. Ainsi, les magistrats étrangers devront poser leurs questions aux citoyens libanais qui font l'objet de l'enquête par l'intermédiaire des magistrats libanais qui assisteront aux audiences.
En effet, aucune question ne sera adressée directement aux citoyens libanais, et les avocats de ces derniers auront le droit de participer aux séances.
La source judiciaire affirme que les magistrats européens n'ont pas le droit de déposer une plainte contre une personne pendant les sessions qui se tiennent à Beyrouth ni de prendre des mesures contre un Libanais au cours de l'audience.
Les plaintes déposées seront transmises au pays européen concerné, qui adressera ensuite au Liban une demande d'extradition, précise la source. La justice libanaise n'est pas en mesure de transférer un Libanais dans un autre pays pour qu’il y soit traduit en justice.
L'Observatoire européen pour l'intégrité du Liban a publié un communiqué dans lequel il souligne le point suivant: cette initiative est conforme à l’entraide judiciaire édictée par la Convention des nations unies contre la corruption et par l'Office des nations unies contre la drogue et le crime.
L'organisation s'attend à ce que l'initiative européenne incite le système judiciaire libanais à traiter avec sérieux les affaires liées à la corruption au Liban.
Elle affirme que le Liban, en tant qu'État signataire du traité de lutte contre la corruption, est tenu de supprimer tous les obstacles qui entraveraient les investigations qui portent sur les affaires de blanchiment d'argent, notamment ceux qui sont liés au secret bancaire.
Par ailleurs, les commissions parlementaires mixtes viennent d’achever un projet de loi relatif au contrôle des capitaux.
Le vice-président du Parlement libanais, Elias Bou Saab, a annoncé que les commissions cherchaient à permettre à chaque déposant de retirer un montant de 800 dollars (1 dollar = 0,93 euro), conformément à la loi. La première moitié de ce montant sera versée en dollars et la seconde en livres libanaises, selon le taux de change du marché.
L'économiste Nassib Ghobril suggère de son côté que si tous les déposants retirent 800 dollars par mois, la plupart des banques fermeront leurs portes deux mois après l’entrée en vigueur de la loi.
Les commissions parlementaires vont examiner la capacité des banques à se conformer à ces chiffres ainsi que la volonté et la faculté de la Banque du Liban d'y répondre, selon M. Ghobril.
L'approbation de la loi sur le contrôle des capitaux est destinée à prévenir le transfert de devises étrangères en dehors du pays, à encadrer les opérations de retrait à l'intérieur du Liban, et à protéger les réserves en devises de la Banque centrale ainsi que les liquidités que les banques commerciales possèdent encore auprès de banques correspondantes à l'étranger.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com