Pourquoi le Liban, l'Irak et la Jordanie figurent parmi les «pays les plus en colère du monde»

Trois pays du Moyen-Orient figurent parmi les pays les plus en colère du monde dans le dernier rapport annuel du cabinet Gallup (Photo fournie).
Trois pays du Moyen-Orient figurent parmi les pays les plus en colère du monde dans le dernier rapport annuel du cabinet Gallup (Photo fournie).
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Publié le Lundi 09 janvier 2023

Pourquoi le Liban, l'Irak et la Jordanie figurent parmi les «pays les plus en colère du monde»

  • Pour des millions de personnes dans le monde arabe, l'année 2022 aura été synonyme d'anxiété, de colère et de troubles violents
  • Un sondage Gallup souligne l'augmentation et la généralisation de la colère publique, un phénomène que les gouvernements doivent prendre au sérieux

DJEDDAH: Nombreux sont ceux qui ont poussé un soupir de soulagement lorsque l'année 2022 s'est achevée, marquant la fin de douze mois de fatigue liée à la pandémie de Covid-19, de tensions géopolitiques et d'instabilité économique mondiale, pour n'en citer que quelques-uns.

Cette volatilité et ces bouleversements ont engendré une colère généralisée dans les sociétés, fatiguées par des crises en série dont les solutions semblent échapper aux gouvernements et aux institutions mondiales.

Le monde arabe ne déroge pas à la tendance. Trois pays du Moyen-Orient figurent parmi les pays les plus en colère du monde dans le dernier rapport annuel du cabinet Gallup sur les émotions dans le monde, en grande partie à cause d'un mélange de pressions socio-économiques et de défaillances institutionnelles.

Des Jordaniens en colère manifestent dans la ville de Salt, le 13 mars 2021, contre la mort d'au moins six patients atteints de Covid-19 dans un hôpital ayant manqué d'oxygène (Photo, AFP).

L'économie mondiale semblait se remettre des confinements, des perturbations de la chaîne d'approvisionnement et des interdictions de voyage liés à la pandémie de Covid-19, mais la guerre en Ukraine a fait flamber l'inflation, entraînant une hausse des prix des denrées alimentaires et des carburants qui pèse lourdement sur les plus pauvres de la planète.

En ajoutant à cela les effets dévastateurs de l'instabilité politique, de la corruption et du changement climatique, il n'est pas surprenant de constater que l'année écoulée s'est avérée être une période d'anxiété, de colère et de troubles violents pour des millions de personnes dans le monde.

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, où la fluctuation des prix, les bouleversements climatiques et les crises politiques prolongées ont été durement ressentis, le sondage Gallup conclut que l'opinion publique est de plus en plus en colère, ce que les experts en développement estiment que les gouvernements régionaux devraient prendre au sérieux.

Gallup a commencé à étudier le malheur dans le monde en 2006 à travers une méthodologie basée sur des échantillons probabilistes représentatifs au niveau national de la population adulte âgée de 15 ans et plus, recueillis dans 122 pays.

L'enquête a révélé que les émotions négatives – qui incluent le stress, la tristesse, la colère, l'inquiétude et la douleur physique – ont atteint un niveau record l'année dernière, 41% des adultes dans le monde déclarant avoir été stressés la veille.

En outre, ces émotions négatives semblent se développer, l'année 2021 détrônant l'année 2020 comme l'année la plus stressante de l'histoire récente.

Au cours de la dernière décennie, le monde arabe a été secoué par des manifestations de masse, l'effondrement de régimes, la corruption, des scandales, des guerres et des migrations massives, perturbant les priorités régionales et les dynamiques internes.

Des Irakiens bloquent une route dans la ville de Nasiriyah, dans le sud du pays, le 11 décembre 2022, pour protester contre la mort d'autres manifestants lors d'affrontements avec les forces de sécurité (Photo, AFP).

Dans le dernier rapport de Gallup sur les émotions dans le monde, le Liban est arrivé en tête de liste en termes de personnes interrogées, 49%, ayant déclaré avoir ressenti de la colère la veille. 

Depuis 2019, le Liban est en proie à la pire crise financière de son histoire, qui l'a dépouillé de 95% de la valeur de sa monnaie et laissé une grande partie de sa population sous le seuil de pauvreté.

Avec son parlement paralysé et incapable d'élire un nouveau président, le pays n'a pas réussi à mettre en œuvre des réformes structurelles essentielles pour lutter contre la corruption institutionnelle et atténuer les souffrances de sa population.

Des militants et des proches de victimes de l'explosion du port de Beyrouth se heurtent à des agents de sécurité lors d'une manifestation le 29 septembre 2021 dans la capitale libanaise (Photo, AFP).

Des millions de Libanais, dont beaucoup sont encore traumatisés par l'explosion du port de Beyrouth d'août 2020, ont choisi de quitter le pays, y compris de nombreux jeunes et travailleurs qualifiés, excédés par les mauvaises conditions de vie et le manque d'opportunités.

L'Irak, qui a dû faire face à une année de paralysie politique à la suite de ses élections législatives d'octobre 2021, est arrivé en quatrième position dans le classement de Gallup sur la colère avec un taux de 46%, tandis que la Jordanie, elle-même en proie à une inflation persistante, est arrivée en sixième position avec 35%.

La Jordanie a connu plusieurs vagues de contestation ces dernières années en raison de l'augmentation du coût de la vie et des taux de chômage, aggravés par la pandémie de Covid-19 et l'inflation.

EN BREF

Le Liban se classe au 1er rang avec 49% des personnes interrogées qui ont déclaré avoir ressenti de la colère la veille. 

L'Irak, qui a dû faire face à une année de paralysie politique à la suite des élections de 2021, arrive en 4e position avec 46%.

La Jordanie, en proie à une inflation galopante et un chômage élevé, arrive en 6e position avec 35%. 

(Gallup Global Emotions Report)

Pour Julie Ray, directrice générale de Gallup World Poll News, il n'est pas surprenant que le Liban figure en tête de la liste de 2021, compte tenu de ses multiples crises.

«Le Liban était en plein effondrement politique et économique. Les gens se démenaient pour se nourrir et sont descendus dans la rue. La situation était si tendue que Gallup a constaté que 63% des adultes libanais, un chiffre record, ont déclaré qu'ils quitteraient le pays s'ils le pouvaient», a déclaré Julie Ray à Arab News.

«Actuellement, la présence d'un certain nombre de pays arabes en tête de la liste des “plus en colère” n'est pas non plus surprenante, étant donné que beaucoup de ces pays figurent sur la liste des pays “les plus négatifs du monde” presque chaque année», a-t-elle affirmé.

«L'Irak en est un exemple. Environ la moitié de la population (ou plus) en Irak s'est sentie en colère la veille, depuis 2010. Une majorité dans le pays a connu un fort taux de stress et d'inquiétude.»

Michael Young, du centre Carnegie Middle East à Beyrouth, affirme qu'il est compréhensible que de nombreux Libanais éprouvent de la colère et de la frustration car «le système ne fonctionne tout simplement pas, à tous les niveaux».

«Les gens ont le sentiment d'être constamment volés», a-t-il confié à Arab News. «Le système est complètement dominé par ces cartels. Si les citoyens ont besoin d'obtenir quelque chose auprès de l'État, l'État, la moitié du temps, ne fonctionne pas.»

«Les Libanais ont donc le sentiment d'être volés au quotidien. Ils paient beaucoup plus que les autres pays, et ils obtiennent des services bien plus médiocres que partout ailleurs dans le monde.»

«Depuis l'effondrement, de nombreux services ont reculé. Les hôpitaux, l'éducation et tout ce qui a trait à l'énergie. Naturellement, cela a créé beaucoup de frustration. Beaucoup de personnes qui appartenaient à la classe moyenne se sont soudainement retrouvées dans la pauvreté.»

«Pour couronner le tout, il y a eu l'explosion au port de Beyrouth en 2020, qui a fait plus de 200 morts et détruit la moitié de Beyrouth. Personne n'a été tenu responsable. Quand vous vivez dans cet environnement, il est tout à fait compréhensible que vous soyez en colère», a-t-il conclu.

Des Libanais bloquent une autoroute lors d'une manifestation à Beyrouth le 29 novembre 2021, alors que le pays traverse une grave crise économique (Photo, AFP).

Face à ces difficultés constantes, de nombreux Libanais se sentent frustrés. Toutefois, selon M. Young, les attentes ont un impact important sur le sentiment d'insatisfaction.

Comparez, par exemple, une nation comme le Liban – un pays à revenu intermédiaire dont les services et la stabilité politique ont subi un déclin soudain depuis 2019 – avec l'Afghanistan, un pays pauvre paralysé par la guerre depuis près d'un demi-siècle.

«Lorsque vous faites face à un pays comme l'Afghanistan, qui a été criblé de conflits sans fin et dont le niveau de vie a chuté depuis les années 1970, les faibles attentes sont compréhensibles», a expliqué M. Young à Arab News.

«Si vos attentes sont élevées et que la réalité est très éloignée de ces attentes, vous serez plus en colère que si vos attentes sont faibles et que ce que vous obtenez en retour est également relativement faible.»

«La question des attentes est l'une des principales sources de frustration des Libanais. Les Libanais étaient habitués à une vie qui s'est soudainement, d'une manière ou d'une autre, effondrée dans des conditions catastrophiques», a-t-il noté.

L'Afghanistan, qui figurait parmi les nations les plus corrompues du monde et qui a vu les talibans revenir au pouvoir en août 2021, se classe au cinquième rang des pays les plus en colère dans le sondage Gallup, avec un taux de 41%.

Les forces de sécurité talibanes débarquent lors d'une manifestation de femmes afghanes contre un attentat suicide qui a fait 20 morts dans une école de Kaboul le 1er octobre 2002 (Photo, AFP).

Au cours des dernières décennies, le taux d'émotions négatives déclarées n'a cessé d'augmenter dans les sondages Gallup. La pandémie de Covid-19 semble avoir accentué cette tendance. Mais, comme le souligne Mme Ray, «chaque pays est différent».

«Le point commun que nous avons tendance à voir dans les pays où les expériences négatives sont élevées est la crise. Ces populations vivent une forme de bouleversement, qu'il soit économique, politique ou social.»

La question qui se pose à partir de ces données est toutefois de savoir si les analystes et les gouvernements peuvent prédire la réaction des populations si leurs griefs ne sont pas pris en compte. Les populations en colère sont-elles plus susceptibles d'élire des leaders populistes, voire de se soulever contre leurs dirigeants? 

«Ces données ne permettent pas de prédire le comportement des gens, mais ce qu'ils ressentent influe certainement sur leur comportement», a déclaré Mme Ray.

«D'autres chercheurs n'appartenant pas à Gallup ont trouvé des liens entre les émotions négatives – comme la colère, l'inquiétude, le stress et la tristesse – et les troubles civils ou les croyances populistes et le vote.»

Les données montrent clairement que les gouvernements ne peuvent pas mesurer le bien-être de leurs sociétés en se basant uniquement sur le produit intérieur brut et les données du marché.

«Ce que les gens ressentent a de l'importance», a souligné Mme Ray. «Les dirigeants devraient être attentifs à ces données, ainsi qu'au PIB et aux autres mesures qu'ils surveillent.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël frappe à nouveau le sud du Liban, un an après le cessez-le-feu

L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
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  • L’armée israélienne a mené de nouvelles frappes dans le sud du Liban, ciblant des infrastructures et des sites d’armes du Hezbollah, malgré un cessez-le-feu en vigueur depuis un an
  • Le gouvernement libanais est accusé par Israël et les États-Unis de tarder à démanteler la présence militaire du Hezbollah dans la zone frontalière, tandis que Beyrouth dément toute faute et rejette les accusations israéliennes

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi avoir mené de nouvelles frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, au moment où elle intensifie ses attaques sur le territoire libanais malgré un cessez-le-feu avec le mouvement pro-iranien qu'elle accuse de chercher à se réarmer.

"Il y a peu, l'armée israélienne a frappé et démantelé des infrastructures terroristes du Hezbollah dans plusieurs zones dans le sud du Liban", écrit l'armée dans un communiqué.

"Dans le cadre de ces frappes, l'armée a visé plusieurs sites de lancement où des armes du Hezbollah étaient stockées", ajoute le communiqué, qui précise que les frappes ont également touché des "postes militaires utilisés par des membres du Hezbollah pour mener des attaques terroristes".

L'agence de presse d'Etat libanaise ANI a annoncé une série de "raids aériens israéliens sur Al-Mahmoudiya et Al-Jarmak dans la région de Jezzine."

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, signé il y a un an jour pour jour, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Mercredi, le ministre israélien de la Défense Israël Katz avait averti qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré M. Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

La Présidence libanaise a publié mercredi une déclaration du président Joseph Aoun qui "a rejeté les allégations israéliennes qui portent atteinte au rôle de l'armée et remettent en question son travail sur le terrain, notant que ces allégations ne reposent sur aucune preuve tangible."


Un an après le cessez-le-feu au Liban, la paix reste fragile alors que les violations israéliennes se multiplient

Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
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  • Le cessez-le-feu demeure extrêmement fragile : plus de 5 000 violations israéliennes, une frappe majeure à Beyrouth et un risque réel d’escalade malgré les appels internationaux à la retenue
  • Le Sud-Liban vit une crise humanitaire profonde, avec des villages détruits, jusqu’à 70 000 déplacés et une population abandonnée entre l’État libanais et le Hezbollah

BEYROUTH : Alors que le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah s'apprête à entrer dans sa deuxième année vendredi, les signaux d'alarme retentissent plus fort que jamais quant au risque d’une reprise du conflit au Liban.

L’assassinat dimanche dernier de Haytham Ali Tabatabai, chef militaire du Hezbollah et deuxième figure la plus puissante du mouvement après le secrétaire général Naim Qassem, lors d’une attaque audacieuse dans la banlieue sud de Beyrouth, a brisé les espoirs d’une stabilité durable.

La réponse du Hezbollah — qu’elle prenne la forme d’une action militaire ou d’un simple blâme diplomatique, comme certains cadres l’ont laissé entendre — pourrait déterminer si le cessez-le-feu survivra.

Cette frappe représente la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième menée sans avertissement préalable.

Les registres officiels font état de 5 350 violations israéliennes du cessez-le-feu en douze mois. Ces violations ont coûté la vie à plus de 340 personnes — principalement des combattants et commandants du Hezbollah, mais aussi des civils, dont des enfants et des femmes — et ont blessé plus de 650 autres.

Dans une escalade notable, les forces israéliennes ont frappé pour la première fois Aïn Al-Héloué, un camp de réfugiés palestiniens.

Les violations répertoriées comprennent 2 198 incursions terrestres, 2 983 opérations aériennes et 169 violations maritimes.

Les forces de maintien de la paix de l’ONU dressent un tableau encore plus sombre, rapportant plus de 7 500 violations aériennes et environ 2 500 violations terrestres au nord de la Ligne bleue depuis l’accord de l’an dernier, ainsi que la découverte et la saisie de plus de 360 caches d’armes abandonnées, remises à l’armée libanaise.

La stratégie d’Israël s’apparente à une campagne d’usure progressive contre le Hezbollah, visant à réduire systématiquement ses capacités tandis que l’armée libanaise s’emploie à désarmer le groupe au sud du fleuve Litani.

L’armée affirme avoir rempli plus de 80 % de ce mandat, avec une échéance fixée à la fin de l’année avant que les opérations ne s’étendent vers le nord — une zone dans laquelle le Hezbollah refuse catégoriquement de rendre ses armes, estimant que la décision revient aux dirigeants politiques libanais.

Le conflit lui-même a porté de lourds coups au Hezbollah, décimant ses rangs et infligeant des pertes catastrophiques à ses stocks d’armement. Mais le plus inquiétant est peut-être l’empiètement physique d’Israël sur le territoire libanais.

Les observateurs de l’ONU ont documenté la construction par l’armée israélienne de murs en T en béton près de la Ligne bleue. Des relevés confirment que ces barrières s’enfoncent dans le territoire libanais au sud-ouest de Yaroun, isolant plus de 4 000 m² de terres libanaises. Des constructions similaires sont apparues au sud-est de la même ville ces dernières semaines.

Plus largement, les forces israéliennes contrôlent cinq positions réparties sur 135 km de territoire libanais — des Fermes de Chebaa à Ras Al-Naqoura — situées 500 à 1 000 mètres au-delà de la Ligne bleue.

L’ONU a exigé des enquêtes rapides et impartiales sur les opérations militaires israéliennes, en particulier la frappe contre le camp de réfugiés palestiniens, évoquant des violations potentielles du droit international humanitaire et appelant à la reddition de comptes.

Vingt ressortissants libanais croupissent dans les prisons israéliennes, principalement à Ofer, parmi lesquels dix membres du Hezbollah capturés lors de combats près d’Aïta Al-Chaab, un officier de marine enlevé lors d’un raid commando, et neuf civils. Leurs familles n’ont reçu aucune information officielle du Comité international de la Croix-Rouge sur leurs conditions ou leur état de santé.

Une source officielle libanaise a estimé que « la libération des détenus fait partie des termes de l’accord de cessez-le-feu, tout comme le retrait des territoires occupés, et le Liban ne détient aucun prisonnier israélien en échange. »

La politique de la terre brûlée menée par Israël dans les villages frontaliers s’est poursuivie, les attaques visant toute tentative de reconstruction. La Banque mondiale estime le coût des travaux à environ 11 milliards de dollars.

« Entre 10 et 15 villages ont été complètement rayés de la carte », affirme Tarek Mazraani, ingénieur à Houla et coordinateur du « Rassemblement des villages frontaliers du Sud ».

Mazraani estime que 65 000 à 70 000 personnes restent déplacées de leurs maisons et de leurs villages détruits.

« Ceux qui sont revenus sont ceux qui ne peuvent littéralement aller nulle part ailleurs, principalement des personnes âgées vivant au milieu des décombres, exposées quotidiennement à l’horreur des bombardements et aux couvre-feux, sans aucun hôpital pour les soigner », a-t-il déclaré à Arab News.

Toute personne souhaitant enterrer un proche doit obtenir l’autorisation de la FINUL, qui informe ensuite Israël pour permettre l’inhumation.

« Malgré cela, l’armée israélienne bombarde à chaque fois les abords du cortège funéraire », ajoute Mazraani.

Il précise que les déplacés ont loué des logements à Nabatiyé, Tyr, Saïda, Iqlim Al-Kharroub, dans la banlieue sud de Beyrouth et au Mont-Liban. La plupart sont agriculteurs, mais on compte aussi des enseignants, des ingénieurs, des travailleurs indépendants et des membres des forces de sécurité.

« Depuis la fin de la guerre, ces gens sont laissés sans aucun soutien officiel ou partisan. L’un des habitants les plus riches de la région, qui a tout perdu, travaille désormais comme livreur », dit-il.

Les personnes déplacées sont prises entre l'État parallèle du Hezbollah et l'État libanais : « Tout le monde exploite leur tragédie, même au sein de notre propre communauté du sud. Les loyers sont extrêmement élevés et nous ne nous sentons jamais chez nous. »

L’un d’eux, qui souhaite rester anonyme, explique : « Ceux qui ne sont affiliés à aucun parti sont loin de la politique. Notre seule préoccupation est d’assurer notre subsistance et une couverture financière en cas d’hospitalisation. Nous nous sentons orphelins et abandonnés, surtout quand une institution du Hezbollah nous dit qu’elle n’a plus d’argent. »

Il ajoute : « Les habitants des zones détruites paient le prix fort. Certains en veulent au Hezbollah pour la guerre et les milliers de morts qu’elle a entraînés, tandis que d’autres craignent que l’autre camp se réjouisse de notre malheur sans jamais nous rassurer. »

Les attentes libanaises face aux menaces israéliennes de relancer la guerre — sapant l’accord de cessez-le-feu négocié par la France et les États-Unis et dont les termes ressemblent fortement aux points principaux de la résolution 1701 — restent contradictoires.

Certains observateurs politiques jugent ces menaces « exagérées », tandis que d’autres estiment qu’« une frappe est inévitable mais n’aboutira pas à une guerre totale ; elle vise à pousser le Liban à négocier ».

Plus tôt ce mois-ci, le président libanais Joseph Aoun a déclaré : « Le Liban n’a pas d’autre choix que de négocier, et le langage de la négociation est plus important que celui de la guerre. »

Le Premier ministre Nawaf Salam l’a confirmé, exprimant son espoir d’un « soutien américain à une solution diplomatique ».

Pour l’heure, cependant, des négociations directes entre le Liban et Israël restent totalement exclues.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël: le ministre de la Défense avertit qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays

Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
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  • Israël avertit qu’aucun calme ne reviendra au Liban tant que sa propre sécurité ne sera pas garantie, intensifiant ses frappes malgré la trêve et affirmant vouloir désarmer le Hezbollah
  • L’Égypte tente de désamorcer les tensions, tandis que l’application du cessez-le-feu reste bloquée : l’armée libanaise dit vouloir démanteler les positions du Hezbollah, mais Israël et les États-Unis accusent Beyrouth de traîner

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien a averti mercredi qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays, alors qu'Israël a intensifié ses opérations militaires au Liban ces dernières semaines, en dépit d'un accord de cessez-le-feu.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré Israël Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

"Il n'y aura pas de calme à Beyrouth ni d'ordre et de stabilité au Liban tant que la sécurité de l'Etat d'Israël ne sera pas garantie", a ajouté M. Katz en affirmant que son pays allait désarmer le Hezbollah.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères a déclaré mercredi que son pays oeuvrait à la désescalade des tensions entre Israël et le mouvement armé libanais soutenu par l'Iran.

"Nous craignons toute escalade et nous sommes inquiets pour la sécurité et la stabilité du Liban", a déclaré ce ministre, Badr Abdel Ati, après sa rencontre avec le président libanais Joseph Aoun à Beyrouth mercredi.

"Nous engageons des efforts considérables pour épargner au Liban tout risque, ou toute atteinte, concernant sa sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a frappé le Liban à plusieurs reprises malgré la trêve, affirmant régulièrement cibler les membres et les infrastructures du Hezbollah pour empêcher le groupe de se réarmer, ce qu'il nie être en train de faire.

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Ce dernier invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban, dont l'accord de cessez-le-feu stipule pourtant que l'armée israélienne doit se retirer.