A-t-on assisté à un retour de flamme dans la relation entre la France et le Maroc? C’est en tout cas l’impression qui se dégage au regard du bilan de la visite de la ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna, dans le Royaume chérifien. S’il y avait un seul titre à donner à cette visite, ce serait celui de la clarification de deux dossiers cruciaux: la crise des visas et l’affaire du Sahara.
Sur l’épineux dossier des visas, voilà, c’est fait! Cette crise, qui avait empoisonné les relations entre le Maroc et la France et avait mis à l’épreuve le partenariat entre Rabat et Paris, est désormais derrière nous. Elle s’est conclue par une décision souveraine de la France, qui est revenue sur sa position. C’est en tout cas l’une des annonces émises par Catherine Colonna à l’occasion de sa visite.
Cette décision était aussi logique qu’attendue. En effet, il était inimaginable pour la diplomatie française de dérouler un argumentaire sur la nécessité de donner un nouveau souffle au partenariat entre le Maroc et la France en maintenant cette incompréhensible sanction des visas à l’égard des Marocains. Un partenariat puissant, c’est d’abord une mobilité humaine accrue et des échanges intensifs à tous les niveaux.
L’autre sujet sur lequel Catherine Colonna était attendue est celui du positionnement de la France sur le Sahara. À raison, la ministre des Affaires étrangères française a rappelé que Paris avait toujours adopté une position favorable au Maroc. D’ailleurs, depuis 2007, date à laquelle le Maroc a proposé l’option de l’autonomie, la France a été un des premiers pays à en louer le sérieux et la crédibilité dans les principaux forums internationaux; c’est une réalité diplomatique que personne ne nie. Mais, au regard des grands changements qu’a connus l’environnement international de cette discorde – reconnaissance américaine, espagnole et allemande –, la position française est subitement apparue comme en décalage. D’autant que la qualité historique et économique de la relation entre la France et le Maroc imposait naturellement que Paris soit aux avant-gardes des pays qui reconnaissent la souveraineté du Maroc sur son Sahara.
Or, ne voulant pas prendre en considération, pour des raisons qui lui appartiennent, ces nouvelles données, la diplomatie française est restée sur ce dossier en retrait par rapport à la dynamique internationale. Ce qui a eu le don d’interpeller les Marocains – au point que le roi Mohammed VI a expressément demandé aux amis et aux alliés de sortir de cette zone grise et de trancher définitivement dans leurs choix.
Devant le déroulé de ce rappel diplomatique français favorable au Maroc, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a subtilement tenté de faire passer des messages aux autorités françaises pour construire un nouveau partenariat entre Rabat et Paris.
Le premier message est un commentaire indirect sur l’actuelle approche française sur le Sahara. Nasser Bourita utilise deux arguments qui, à ses yeux, auront fatalement un effet sur la perception française de cette crise régionale. Les ressorts et les dynamiques de la société marocaine ont profondément changé. Et l’environnement international, avec ses multiples équations régionales et ses nombreux rapports de force, a totalement mué vers le Maroc. Il est simplement demandé à la France de rénover et d’adapter sa vision à cette nouvelle donne et elle se retrouvera forcément du bon côté de la barrière des pays qui œuvrent pour la paix et la stabilité régionales.
Un autre message fort a été lancé par Nasser Bourita à son interlocutrice française: avec les multiples accords d’association et les partenariats que le Maroc, pays souverain, est en train de tisser avec d’autres alliés, il affirme que cette stratégie, loin d’être handicapante, peut s’avérer bénéfique au partenariat franco-marocain.
Ce message était destiné à lever les craintes françaises de voir la nouvelle stratégie de diversification des partenariats porter atteinte ou même diminuer la valeur de la relation entre Rabat et Paris.
Projections, convergences politiques sur de nombreuses thématiques, intérêts communs profondément imbriqués: telle était l’atmosphère qui entourait cette visite de Catherine Colonna au Maroc. Son but affiché est de préparer la première visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc. Cette visite a été annoncée par Paris pour le premier trimestre de 2023. Le fait qu’aucune date n’ait pas été arrêtée donne un indice sur le travail qui reste à faire. Ce dernier s’effectuera nécessairement en coulisse pour affiner les perceptions et, éventuellement, préparer des annonces. Il n’est pas impossible qu’Emmanuel Macron annonce des décisions historiques à l’occasion de sa visite, comme pour célébrer la relation si particulière qu’entretiennent Marocains et Français.
La relation entre ces deux pays ressemble aux liens d’une famille puissamment unie qui, dès qu’elle sent la menace d’une rupture, se reprend brusquement pour donner encore plus de tonus et de vivacité à un destin commun tissé au fil des années par des liens humains, culturels et économiques d’une grande force, qui semblent résister à toutes les crises.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
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NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.