PARIS : Ne pas priver les enfants, tout en recherchant les bonnes affaires: le pied du sapin devrait rester bien garni à Noël malgré l'inflation, les Français ne renonçant pas à la joie d'offrir des cadeaux.
"Les parents vont bien entendu acheter des cadeaux pour leurs enfants comme chaque année. Mais ils recherchent des promotions cette année encore plus que d'habitude", résume Frédérique Tutt, analyste monde pour NPD, cabinet qui fait référence pour le marché des jouets. "L'inflation va peser à la marge".
Lors de la semaine du Black Friday fin novembre, les ventes de jouets ont bondi de 31% par rapport à la semaine précédente, précise-t-elle à l'AFP.
"En temps de crise, on a toujours privilégié les enfants, le Père Noël ne connaît pas la crise, il ne connaît pas l'inflation", estime Franck Mathais, porte-parole de JouéClub.
Il affirme que le niveau de dépenses par client "est stable par rapport à l'an dernier, pour l'instant on n'a pas d'effet d'inflation". L'enseigne aux 290 magasins affirme avoir "limité la hausse des prix à 3,6%" contre 6,7% sur le marché: "pour un jouet de 30 euros ça fait 1,10 euro, ce n'est pas cela qui va changer la donne".
"Noël, c'est voir son enfant avec les yeux qui pétillent", renchérit Philippe Gueydon, directeur général de King Jouet (330 points de vente), qui table sur une "stabilité des ventes, mais en euros, et donc une baisse en quantité: il devrait y avoir un tout petit peu moins de jouets sous le sapin, les gens ne vont pas diviser par deux leurs achats mais sans doute arbitrer un peu différemment", selon lui.
Plus de sept Français sur dix envisagent de réduire leurs dépenses pour les fêtes de fin d'année "sur au moins un poste de dépenses par rapport à 2021. Même s'ils sont moins concernés, les cadeaux pour les enfants ne sont pas épargnés", selon une enquête du Crédoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie) réalisée auprès de 3 000 personnes.
Un tiers des personnes interrogées envisagent de réduire leurs dépenses en cadeaux pour enfants par rapport à 2021, particulièrement dans les catégories des ouvriers et employés ainsi que chez les 30-59 ans.
Recycler 100 000 tonnes de jouets par an en France: le lourd défi du secteur
Comment recycler ou réemployer les 100 000 tonnes de jouets jetés chaque année en France? Le défi est d'ampleur pour le secteur qui commence tout juste à collecter poupées, figurines et jeux cassés ou délaissés, majoritairement composés de plastique.
"On part de loin, mais c'est une vraie opportunité pour initier un cercle vertueux, accélérer certaines pratiques existantes et arriver à mieux maîtriser la vie des jouets", juge Philippe Gueydon, président de la Fédération des Commerces spécialistes des jouets et des produits de l'enfant.
Tout comme les articles de sport et le bricolage, les jouets sont devenus en janvier dernier une filière à "Responsabilité élargie du producteur" (REP). Sur ce principe du "pollueur-payeur", fabricants, importateurs et distributeurs commenceront en janvier 2023 à payer une écoparticipation pour chaque jouet introduit en France: 23 millions d'euros devraient ainsi être récoltés l'an prochain.
"Grosso modo, on a 100 000 tonnes de déchets au rebut" chaque année. "La moitié se retrouve dans les ordures ménagères, environ 45% est collecté en déchetteries publiques et moins de 5% est réemployé", résume à l'AFP Dominique Mignon, présidente d'EcoMaison (ex-Eco-Mobilier), organisme qui a été agréé par l'Etat pour prendre en charge la collecte, le réemploi et le recyclage des jeux et jouets.
"Particularité" par rapport à d'autres produits, "entre 72% et 75% des jouets sont composés de plastique, avec plusieurs types de résine; 20% de papier-carton et 10% de bois. Mais tous ces matériaux se recyclent parfaitement dès lors qu'on les trie", met en avant Mme Mignon.
En 2023, la priorité sera donnée à la mise en place de 6 000 points de collecte sur le territoire - déchetteries, associations, écoles, magasins de jouets - et à une campagne de communication pour "dire aux Français d'arrêter de jeter leurs jouets à la poubelle et (plutôt) de les amener dans un point de collecte pour être réemployés s'ils ne sont pas abimés outre mesure - et sinon de les porter en déchetterie".
Un des objectifs majeurs de la filière est d'optimiser le réemploi (via le don ou la revente) des jouets, en le triplant d'ici 2027 grâce à l'implication d'associations partenaires.
Plus de plastique recyclé
S'ils ne sont pas récupérables, les jouets en plastique seront séparés par type de résine utilisée puis "micronisés" afin de pouvoir être réinjectés dans de nouveaux produits: "les fabricants de jouets sont très intéressés par le fait d'étudier dès 2023 ce plastique recyclé, dans les jeux de plein air notamment", souligne Dominique Mignon.
Les matières plastiques recyclées sont encore peu présentes dans les jouets, en raison de leur aspect terne et donc peu ludique, mais aussi pour leur solidité souvent moindre alors que les normes de sécurité sont particulièrement exigeantes concernant les produits destinés aux enfants.
La Fédération française des industries Jouet-Puériculture, qui représente les fabricants, estime cependant que leur utilisation est "amenée à se développer".
Son directeur général Christophe Drevet évoque des "premiers pas", citant en exemples "Lego qui a présenté en 2021 sa première brique en matière recyclée, et Playmobil qui a lancé sa gamme 'Wiltopia' faite à partir de matières recyclées. En plus, avec la raréfaction de la matière (plastique issu du pétrole NDLR), c'est à la fois un choix environnemental et un choix économique" d'avoir recours à des matières premières issues du recyclage, selon lui.
Globber, fabricant de trottinettes qui en vend près de 250 000 par an en France, intégrera l'an prochain du plastique recyclé dans l'essentiel de ses modèles et vise même le 100% recyclé d'ici 2025.
"La structure d'une trottinette enfant à 3 roues est soumise à beaucoup de sollicitations mécaniques et doit supporter jusqu'à 50 kg. Les premières générations de plastiques recyclés ne répondaient pas à ces critères; depuis cette année, nous avons des matériaux qui y répondent", explique Pascal Chaillou, directeur général de la marque.
Outre le plastique recyclé, certaines trottinettes Globber intégreront, à hauteur de 10%, de la paille de blé, soit "la tige qui reste une fois que les grains sont récoltés". "C'est un 'déchet' de l'agriculture, qui en plus est robuste", souligne-t-il.
«Des baskets sur Vinted»
Pour ses achats, Julie Métayer, 45 ans, mise beaucoup sur la seconde main et les promotions: "mon fils de 14 ans voulait absolument des baskets de marque, on a trouvé le modèle qu'il voulait à moitié prix sur Vinted. Celui qui a 12 ans adore la photo, je suis tombée sur une offre Black Friday pour un appareil photo à -15%. Et pour mon plus jeune fils ce sera sûrement un vaisseau Star Wars d'occasion".
Côté tendances, les grosses franchises - Pokemon, Star Wars, Pat'Patrouille, Harry Potter ou encore Barbie - continuent de tirer le marché et "n'ont jamais été aussi fortes" avec 24% du chiffre d'affaires, souligne NPD.
Sans oublier que les jouets ne sont pas réservés aux enfants: "28% des achats, ce sont les adultes qui les font pour eux-mêmes, pendant toute l'année, contre 20% l'an dernier", indique Franck Mathais pour JouéClub.
Si pendant la pandémie les ventes avaient accéléré en ligne, les magasins ont depuis retrouvé de la vigueur et représentent plus de 70% des achats de jouets. L'offre émanant de marques françaises est elle estimée entre 15% et 20% selon les enseignes, un chiffre à diviser par deux lorsqu'on s'en tient plus strictement au Made in France ou au fabriqué français.
Une donnée reste cependant inconnue: "On n'a jamais eu de Coupe du monde de football en hiver, donc quel va être son impact" parmi les jouets au pied du sapin, via les cartes Panini ou les produits à l'effigie des Bleus? s'interroge Frédérique Tutt (NPD).
Le Mondial au Qatar se terminant le 18 décembre, "on sait que si l'équipe de France va loin on va en vendre beaucoup, mais sinon des produits vont se retrouver à -50% en rayon juste avant Noël...", indique-t-elle.
Les petites voitures, incontournables sur le marché du jouet
Ludiques, immortelles, pas chères, les petites voitures restent incontournables pour de nombreux enfants, même si elles sont de plus en plus sophistiquées et s'adressent aussi aux plus grands.
Chez Nil et Sun, 3 et 5 ans, à Paris, il y a des véhicules jusque dans la salle de bains, où l'on peut nettoyer les roues avec sa brosse à dent. Leur préféré était la voiture de police, vite remplacée par le camion-poubelle, le bus, le TGV et enfin la dépanneuse, explique la mère des deux garçons, Yulia Amosova.
"Comme beaucoup d'autres jouets, les petites voitures répliquent ce que les adultes aiment et utilisent", analyse Doris Bergen, professeure de psychologie à l'université de Miami. Et "elles peuvent procurer le même plaisir que conduire une voiture. Elles donnent l'impression aux enfants d'être puissants et de faire des choses importantes".
Nil et Sun valident l'analyse: "Leur jeu préféré c'est... les embouteillages, et klaxonner le plus fort possible", explique leur mère. "On a commencé par en acheter, puis il y a eu les cadeaux et les voitures des cousins, celles du papa, et un camion Tut Tut Bolides ramassé dans la rue. On a arrêté, on n'a plus de place".
Petit cadeau
"Le véhicule de tous les jours, c'est celui qui tient dans la poche", explique Franck Mathais, porte-parole de la chaîne de magasins JouéClub. "Ce sont des achats d’impulsion: on fait une visite au magasin, le bonhomme ou la petite fille réclame quelque chose, et on est plus enclins à faire ce petit cadeau (de quelques euros) sans discuter".
Mais à l'approche de Noël, dans les magasins de la coopérative française, ce sont surtout les garages extravagants qui trônent.
Les voitures radiocommandées constituent aussi "un très beau cadeau, avec des cascades, des capacités plus ou moins évoluées en fonction de la tranche d'âge", explique M. Mathais.
Les voitures sont un "pilier du marché des jouets" (5,7% du marché français en 2021), plus déconnectées des modes que les figurines par exemple, explique Frédérique Tutt, analyste pour le cabinet NPD.
Le marché des véhicules représentait 3,7 milliards d’euros en 2021 dans les 12 grands pays suivis par le cabinet (hors Asie). A côté des Mercedes et des Porsche, les voitures inspirées des films "Cars" de Pixar ou des jeux "Mario Kart" de Nintendo poussent aussi les ventes.
Les «kidultes»
Chez l'Américain Mattel, N°1 mondial avec les marques Matchbox (réalistes) et Hot Wheels (typées course), la catégorie des véhicules a enregistré un chiffre d'affaires record de plus de 1,2 milliard de dollars de ventes en 2021 (en hausse de 13% sur un an).
"Nous suivons constamment les tendances automobiles pour avoir des designs innovants, mais aussi pour rester fidèles à la culture automobile d'aujourd'hui", souligne Roberto Stanichi, vice-président de Hot Wheels, qui propose des Tesla dans ses collections.
Hot Wheels a annoncé début décembre une extension de sa plus grande usine, en Malaisie, qui produit déjà neuf millions de voitures par semaine et devrait bientôt compter 4.300 salariés.
"Il y a une accélération post-Covid", confirme Mathieu Humbert, chef de produit chez Majorette (propriété du géant allemand du jouet Simba Dickie).
Les voitures, fabriquées en Thaïlande, sont composées d'un alliage de métaux appelé "zamak", recouvert de peinture puis de décorations. Les normes veulent qu'elles soient assez solides pour être sévèrement maltraitées.
Les clients pourraient-ils préférer des matériaux plus durables? Il y a déjà une offre de jouets en bois, souligne Frédérique Tutt: les fabricants vont plutôt faire des efforts sur la fabrication du plastique, comme Lego, qui veut développer des biomatériaux pour le remplacer d'ici 2030, et dont l'offre de véhicules a aussi explosé.
Par ailleurs, "le marché a vraiment évolué vers un marché +kidulte+", note la directrice marketing de Majorette, Eve Wasserman. "Les jeunes adultes jusqu’à 35 ans, n’ont pas du tout honte d’acheter des jouets", penchant du côté des collectionneurs.
Dans ses deux livraisons annuelles, la marque propose de plus en plus de véhicules directement pensés pour les grands, comme un combo Volkswagen Golf I et Kombi, ou une Citroën 2CV.
Hot Wheels, de son côté, a lancé des NFT, des jetons numériques représentant ses voitures: les plus rares sont déjà proposés à la revente à plus d'un million de dollars.