PARIS : Cabinets de conseil mieux encadrés, aides aux voitures électriques reportées, impôt local maintenu: le Sénat, à majorité de droite, s'apprête à voter mardi le projet de budget de l'Etat pour 2023 qu'il a abondamment remanié, mais le gouvernement conserve la main.
Après le volet "recettes" le 24 novembre, les sénateurs doivent voter en fin d'après-midi l'ensemble du projet de loi de finances, à l'issue d'une vingtaine de jours d'examen en première lecture.
Les ajouts et modifications de la chambre haute risquent cependant de ne pas être retenus. L'exécutif peut en effet choisir sa copie finale via l'arme constitutionnelle du 49.3, qu'il ne peut toutefois déclencher que devant l'Assemblée nationale.
Le cap fixé par le gouvernement est de contenir le déficit public à 5% du PIB, malgré des mesures comme le "bouclier tarifaire" pour limiter à 15% les hausses des prix réglementés du gaz et de l'électricité, une augmentation des enseignants ou la création de plus de 10.000 postes de fonctionnaires, dont 3.000 policiers et gendarmes.
A maintes reprises, les sénateurs ont fait part de leurs préoccupations sur la trajectoire des finances publiques, renforcées par le récent appel du FMI qui demande au gouvernement d'assainir les comptes dès l'an prochain.
Le niveau de la dette publique (environ 113% fin juin 2022) est aussi un sérieux motif d'inquiétude pour la droite.
Le projet de loi de finances examiné au Sénat présentait la particularité d'avoir été frappé à l'Assemblée de l'article 49.3 de la Constitution, actionné déjà à deux reprises par le gouvernement sur ce texte.
Et il risque de l'être de nouveau, à deux reprises: d'abord à son retour devant les députés jeudi en nouvelle lecture, puis le 15 décembre, en vue de l'adoption définitive du texte par le Parlement.
Une perspective déplorée par les sénateurs de tous bords, mais qui ne les a pas empêchés de débattre longuement pour défendre leurs positions, tout en sachant qu'elles seraient certainement balayées dans le texte final.
Des économies et McKinsey
Lors des débats sur le volet "dépenses", les sénateurs ont ainsi voté plusieurs mesures d'économies contre l'avis du gouvernement.
La chambre haute a approuvé un amendement qui réduit de 500 millions d'euros les aides aux voitures électriques, en attendant que l'industrie automobile française rattrape son retard dans ce domaine. Il a aussi amputé de 200 millions l'aide au développement.
Coupure moins conséquente, mais symbolique: le Sénat a supprimé trois des cinq postes budgétisés pour le Conseil national de la refondation (CNR), voulu par Emmanuel Macron et dont les sénateurs ont dénoncé "l'inutilité".
A l'origine d'un rapport et d'une proposition de loi pour mieux encadrer les cabinets de conseil, dont l'Assemblée nationale n'a pas encore été saisie, le Sénat est revenu à la charge avec un amendement au budget.
Le parquet national financier a ouvert fin octobre deux informations judiciaires portant sur l'intervention de ces cabinets dans les campagnes de 2017 et 2022, après les nombreuses accusations qui ont visé Emmanuel Macron sur ses liens avec McKinsey.
La chambre haute a dans la nuit de lundi à mardi retranscrit la proposition de loi déjà adoptée à l'unanimité mi-octobre, "pour instaurer une véritable transparence sur les prestations de conseil".
Le Sénat a parfois tapé du poing sur la table, rejetant par exemple le projet de budget 2023 pour l'agriculture et la forêt, jugé pas à la hauteur.
Il s'est aussi prononcé - un classique - en faveur d'une réforme de l'aide médicale d'Etat (AME) couvrant les étrangers en situation irrégulière, afin de la recentrer sur les soins indispensables.
D'une manière générale, la majorité de la "chambre des territoires" a tenu sa ligne: soutenir les collectivités, prises à la gorge par la flambée des prix de l'énergie.
Sur la suppression prévue de la CVAE, un impôt local de production, le groupe LR s'est laissé dépasser par la gauche et les centristes, et la réforme a été rejetée au grand dam du gouvernement.
La composante centriste de la majorité sénatoriale a en revanche échoué, comme la gauche, à faire taxer les bénéfices exceptionnels de grandes entreprises.