DOHA: Comment décrire l’indescriptible? Suffit-il de le qualifier de «plus grand match de l'Histoire du football saoudien»? Faut-il y voir le plus bel exploit de l'Arabie saoudite? Aucun de ces qualificatifs ne rend justice à ce qui s'est passé au stade Lusail.
Est-ce la plus belle performance jamais accomplie par une nation arabe? Peut-être. Cependant, dans les instants qui ont suivi la victoire étonnante de l'Arabie saoudite sur l'Argentine et Lionel Messi, même ces mots paraissaient inappropriés.
Sur les chaînes de télévision, les experts ont lutté pour conserver une certaine cohérence. Ils avaient les larmes aux yeux. «Historique… Sensationnel… Impossible!»
Mais un seul mot pourrait bien suffire à qualifier cette performance exceptionnelle: la bravoure. On n'entend pas dans ce contexte la bravoure physique qui encourage les joueurs à se jeter dans les tacles ou à s'exposer au danger. Les héros saoudiens n'ont pourtant pas manqué de le faire. Il s'agit plutôt d'une bravoure tactique. Une bravoure inégalée dans le monde du football. La bravoure de concevoir une stratégie tactique et de la mettre en œuvre scrupuleusement. La bravoure de ne pas se laisser abattre par le penalty de Messi. La bravoure de remporter ce match face à l'une des meilleures équipes du monde, celle qui a le plus de chance de gagner la Coupe du monde. La bravoure de se racheter. En effet, l'équipe d'Hervé Renard a fait preuve mardi d’une bravoure exemplaire.
Le Qatar et dans une moindre mesure l'Iran ont dû ressentir de l'envie et du remords de ne pas avoir saisi la chance qui leur était offerte lors des premières rencontres de la Coupe du monde contre l'Équateur et l'Angleterre, respectivement. Ces matches se sont soldés par une défaite sans gloire.
L'Arabie saoudite ne pouvait pas se permettre de subir le même sort. Elle a ainsi offert à la Coupe du monde de la Fifa, Qatar 2022, son plus beau moment. L'Arabie saoudite a donné le coup d'envoi d'une Coupe du monde qui risquait de sombrer dans la confusion et la controverse qui sévissaient en dehors du terrain.
Cette performance a en outre inspiré la Tunisie, autre équipe arabe participant à la Coupe du monde; une heure plus tard, les Aigles de Carthage jouaient un match contre le Danemark. Leur performance a également été courageuse: ils ont obtenu un match nul contre les demi-finalistes du Championnat d'Europe 2020.
Le message ne prêtait pas à confusion: carpe diem.
À la première mi-temps, l’équipe saoudienne s'en est tenue à la stratégie définie: jouer une ligne de défense haute, une stratégie qui semblait parfois risquée. Cependant, les meneurs de jeu argentins ont peiné à effectuer la bonne passe et leurs attaquants se sont trouvés en position de hors-jeu (les Argentins ont terminé le match avec plus d'appels de hors-jeu que ceux reçus pendant toute la durée de la Coupe du monde de Russie en 2018).
Même lorsque l'Argentine a avancé grâce à un penalty de Messi, les Saoudiens ont conservé leur détermination et leur confiance dans leur plan.
L'équipe saoudienne a joué de nombreux matches amicaux au cours desquels elle a encaissé très peu de buts. Elle a passé des heures d'entraînement à peaufiner sa défense. Ces efforts ont porté leurs fruits.
Le moment le plus marquant du match est survenu lorsque Lautaro Martinez a apparemment donné une avance de deux buts à l'Argentine, mais l'intervention de l'Arbitre assistant vidéo (VAR) a permis de maintenir le score à 1-0.
Il fallait que l’équipe saoudienne tienne jusqu’à la pause sans subir d'autres dommages.
Ils ont joué la seconde mi-temps de la meilleure façon possible. L'Arabie saoudite a bel et bien anéanti ses adversaires. Ces derniers ne s'y attendaient pas…
À la 48e minute, Saleh al-Shehri menait seul l'attaque. Il a marqué un but grâce à une superbe volée du pied gauche qui a échappé à Emi Martinez. Ce but a remis les deux équipes à égalité. Les supporteurs saoudiens présents dans le stade se sont déchaînés. Rares sont les moments où un but marqué par une équipe arabe en Coupe du monde a suscité un tel enthousiasme.
Mais les choses ont pris une tournure étonnamment positive cinq minutes plus tard: la frappe enroulée de Salem al-Dawsari trompe Martinez et entre dans les annales comme l'un des plus beaux buts de Qatar 2022.
L'équipe saoudienne a donné une leçon de défense et de solidité pendant le reste du match. Face aux opportunités que l'Argentine réussissait à se créer, le gardien de but Mohammed al-Owais faisait preuve de la plus grande vigilance.
Près de cinquante minutes après le but d'Al-Dawsari et après d'innombrables tacles, dégagements et arrêts, l'arbitre a annoncé la fin du match.
Le but sensationnel marqué par Saeed al-Owairan contre la Belgique en 1994, lors de la Coupe du monde aux États-Unis, a longtemps constitué le moment le plus fort de l'Histoire du football saoudien. Mais les choses ont changé.
Avant que le tournoi ne commence, le meilleur espoir pour la sélection saoudienne de marquer des points était son deuxième match contre la Pologne; une confrontation certes ardue. Contre l'Argentine, personne ne croyait que les Saoudiens allaient gagner. Même la déclaration de M. Renard la veille du match laissait entendre qu'il fallait «donner une performance honorable» pour limiter les dégâts.
Nous l’avouons: nous avions tort de douter de lui et de son équipe. Il avait supervisé le courageux, mais infructueux parcours du Maroc, il y a quatre ans, face à l'Espagne, au Portugal et à l'Iran. Le sélectionneur se trouve aujourd'hui à trois points, voire à un seul, de mener l'Arabie saoudite en huitièmes de finale dans un groupe difficile.
Après avoir vaincu la redoutable Argentine, l'Arabie saoudite pourra-t-elle également battre la Pologne et le Mexique? Ne pas parier sur eux requiert un grand courage…
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.