LONDRES: Plus de cent soixante-dix acteurs, écrivains et producteurs se sont élevés contre le retrait d'un prestigieux prix pour l'ensemble de sa carrière à la dramaturge britannique Caryl Churchill en raison de son soutien aux droits des Palestiniens.
Mme Churchill, 84 ans, est largement considérée comme l'une des dramaturges britanniques contemporaines les plus influentes. Sa pièce de dix minutes Sept Enfants juifs a été écrite en 2009 en réponse à la campagne militaire israélienne à Gaza, qui a tué au moins mille trois cent quatre-vingt-trois Palestiniens, dont trois cent trente-trois enfants, selon Amnesty International.
En avril, Caryl Churchill a reçu le Prix Europe pour le théâtre 2022 de la compagnie théâtrale allemande Schauspiel Stuttgart.
Toutefois, le prix de 75 000 euros, le plus important d'Europe, a été annulé en octobre en raison du soutien de la dramaturge au mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), dirigé par les Palestiniens.
Dans une déclaration, le jury nommé par Stuttgart a indiqué que Mme Churchill avait été sélectionnée pour le prix «en reconnaissance de l'œuvre de sa vie… Cependant, nous avons entre-temps pris connaissance des signatures de l'auteur en faveur du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions. La pièce Sept Enfants juifs peut également être considérée comme antisémite. C'est pourquoi, à notre grand regret, le jury a décidé de ne pas décerner le prix cette année.»
Petra Olschowski, secrétaire d'État allemande au ministère des Sciences, de la Recherche et des Arts, a soutenu cette décision, rapporte le journal The Guardian.
«En Allemagne, nous avons une responsabilité historique particulière. C'est pourquoi, en tant que pays, nous adoptons une position claire et non négociable contre toute forme d'antisémitisme. C'est une raison de plus pour laquelle un prix financé par l'État ne peut être attribué dans les circonstances actuelles», a-t-elle déclaré.
Harriet Walter, Stephen Daldry, Juliet Stevenson, Stephen Frears, Richard Eyre, Peter Kosminsky et Dominic Cooke figurent parmi les signataires d’une lettre ouverte, initiée par Artists for Palestine.
La lettre, publiée jeudi, indique : «Cette attaque contre la liberté de conscience n'est rien de moins que du maccarthysme moderne et soulève des questions urgentes sur un modèle d'intimidation et de réduction au silence.»
«Si les seules formes d'art jugées “sûres” pour les institutions sont celles qui n'ont rien à dire aux dépossédés et aux opprimés de cette Terre et qui restent silencieuses face à la répression validée par l'État, alors l'art et la culture sont vidés de leur sens et de leur valeur.»
Dominic Cooke, directeur associé du National Theatre du Royaume-Uni, ajoute: «L'indignation feinte à propos de la pièce de Caryl a été conçue pour détourner l'attention de ce fait et effrayer les éventuels critiques de cette pièce pour les réduire au silence, mais attirer l'attention sur les violations des droits de l'homme par Israël et son occupation illégale du territoire palestinien n'est pas antisémite, c'est une protestation légitime.»
Cette lettre a également reçu le soutien de Geoffrey Bindman KC, avocat spécialiste des droits de l'homme, selon The Guardian.
En réponse à l'annulation du prix, Caryl Churchill a déclaré qu'elle maintenait son soutien au mouvement BDS et aux Palestiniens, rapporte le journal.
«La pièce critique le traitement réservé par Israël aux Palestiniens; ce n'est pas une attaque contre tous les juifs, qui sont nombreux à critiquer également la politique israélienne. Il est faux de faire l'amalgame entre Israël et tous les juifs. Une pièce politique se fait des ennemis politiques, qui l'attaquent avec des accusations d’antisémitisme», souligne-t-elle.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com