DJERBA: Le 18e Sommet de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) qui se tient samedi et dimanche sur l'île de Djerba en Tunisie, a été précédé de la 43e session de la Conférence ministérielle de la francophonie qui s’est tenue vendredi à l’hôtel Palm Beach de Djerba. Une conférence à huis clos et qui a été l’occasion pour la secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, de présenter les actions menées par l’organisation mais aussi les ambitions de celle-ci.
Mme Mushikiwabo a déclaré à Arab News en français que la séance matinale de la Conférence ministérielle de la francophonie a porté sur la «Déclaration de Djerba». La deuxième partie de cette session a été consacrée à une «longue» discussion sur la langue française et les moyens permettant de la faire évoluer au sein de l'espace francophone et dans un monde multilingue.
Le français recule dans les organisations internationales
En réponse à la constatation d’un recul de la langue française dans certains pays, Louise Mushikiwabo a fait savoir que selon un dernier rapport de l'Observatoire de la langue française dans le monde, «la langue française dans son ensemble a avancé durant les quatre dernières années de 7% et le nombre de locuteurs a augmenté de 21 millions dans le monde». Toutefois, Mme Mushikiwado a nuancé ces données, soulignant que «cette augmentation est due à la démographie africaine, puisqu’une trentaine des pays africains sont membres de l’organisation, et que le fait que la jeunesse francophone augmente d’année en année fait qu'il y a plus de locuteurs de français».
La secrétaire générale a avoué au micro d'Arab News en français regretter le recul de la langue française dans l’espace européen. Dans les organisations internationales, il y a une tendance à aller vers l’anglais, la langue du monde, a-t-elle constaté.
Interrogée sur le fait de savoir si les récents mouvements anti-France pourraient entraîner un «désamour» de la langue française, Mme Mushikiwado a clairement dit qu’elle refuse tout amalgame. «La francophonie et la France sont deux entités différentes! Certes la France est le pays qui nous a donné la langue française qui est la base de notre organisation, mais la France n’est qu’un pays des 88 qui sont liés à la langue française. Il faut séparer les problèmes qui sont liés à la France et la politique française à travers le monde.»
De son côté, la ministre belge des Affaires étrangères s'est dit très satisfaite des discussions lors de la conférence ministérielle de la francophonie. Pour Habiba Lahbib, «plus qu'une langue partagée, ce sommet c'est aussi une façon de penser, de rêver et de se projeter dans l'avenir».
«Les Émirats arabes unis ont un lien étroit avec la Francophonie»
Zaki Nusseibeh, conseiller culturel du président des Émirats arabes unis (EAU), a insisté dans une interview avec Arab News en français sur l'importance de la participation des EAU au Sommet de la francophonie. «Nous partageons avec le monde francophone les mêmes valeurs, les mêmes principes et le même intérêt à promouvoir la paix, la stabilité et la sécurité dans le monde. Nous avons des liens très étroits avec la francophonie, avec notamment la présence dans les Émirats du Louvre d’Abu Dhabi et de l’université de la Sorbonne, et l’enseignement du français qui est une langue importante dans les EAU», a-t-il souligné, ajoutant: «Il est donc important pour nous de renforcer nos liens avec le monde francophone et surtout avec le continent africain.»
La présence du Maroc au Sommet de la francophonie n’était encore hier pas confirmé par le service communication de l’OIF, mais le Maroc est bel est bien représenté à ce grand rendez-vous.
Nadia el-Hnot, directrice de la Coopération et de l'action culturelle au ministère des Affaires étrangère du Maroc et représentante personnelle du chef du gouvernement auprès de l’OIF, conduit la délégation marocaine.
Certains médias et observateurs se questionnant sur la participation du Maroc au Sommet en Tunisie, faisant ainsi allusion à un malaise diplomatique entre Rabat et Tunis à la suite de l'accueil réservé en août dernier par le président tunisien Kaïs Saïed au chef du Polisario, Brahim Ghali, à la veille de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (Ticad).
Une non-participation du Maroc à ce sommet aurait été étonnante, le Maroc étant membre de l’OIF et fortement attaché à la francophonie.
Le français est une langue particulièrement utilisée dans le pays et coexiste avec la langue arabe dans l’administration et le monde des affaires. Selon des chiffres de l’OIF, 36% des Marocains utilisent le français dans leur quotidien.
Pour Nadia el-Hnot, il est évident que le Maroc participe au sommet: nous sommes membre de plein droit de l’OIF et c’est normal que nous participions au sommet comme nous participons à toutes les instances.
À la question relative à la perte de vitesse de la langue française au Maroc au profit de l'anglais, Mme El-Hnot a déclaré que le Maroc est pour la diversité linguistique et donc s’ouvre à toutes les langues.
Le Sommet de la francophonie qui s'ouvre ce 19 novembre célèbrera en outre les cinquante ans d'une organisation de 88 membres dont la Tunisie fut l'un des pays fondateurs, sous son président Habib Bourguiba, aux côtés du Sénégalais Léopold Sedar Senghor, du Nigérien Hamani Diori et du prince Norodom Sihanouk du Cambodge.
La Tunisie accueille cette rencontre après deux reports, le premier en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, le second à l'automne 2021 après le coup de force de M. Saïed qui a mis fin à une expérience démocratique unique dans le monde arabe.
Le sommet, prolongé par un Forum économique jusqu'à lundi, se tient sous le thème «La connectivité dans la diversité: le numérique vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone».
Rappelant que l'idée d'une «francophonie économique» avait été défendue dès 2014 au sommet de l'OIF de Dakar, la ministre sénégalaise à la francophonie, Penda Mbow, estime, quant à elle, qu'«on jugera les pays francophones sur leur capacité à réduire la fracture numérique au sein de leur société».
Au sommet de Djerba, un huis clos politique aura pour thème la «défiance citoyenne».