Cap sur le G20 et «l'Indopacifique» dimanche pour Macron

Une rencontre bilatérale avec le président américain Joe Biden n'est "à ce stade pas formalisée". Mais M. Macron est attendu le 1er décembre à la Maison Blanche pour une visite d'Etat. (AFP).
Une rencontre bilatérale avec le président américain Joe Biden n'est "à ce stade pas formalisée". Mais M. Macron est attendu le 1er décembre à la Maison Blanche pour une visite d'Etat. (AFP).
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Publié le Samedi 12 novembre 2022

Cap sur le G20 et «l'Indopacifique» dimanche pour Macron

  • La France entend aussi être active dans la défense des fonds marins, la lutte contre la crise climatique et la biodiversité
  • En 2021, l'alliance de l'Australie avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni et l'annulation par Canberra d'un mégacontrat de sous-marins français a aussi porté un coup dur à la stratégie d'Emmanuel Macron dans la zone

PARIS: Le président français Emmanuel Macron s'envole dimanche pour un long périple en Asie, du sommet du G20 à Bali à celui de l'Apec à Bangkok, où sa présence illustrera l'ancrage et les ambitions stratégiques de la France en "Indopacifique".

Enchaînant les séquences internationales, après l'ONU à New York en septembre, M. Macron prend le large pour retrouver ses pairs des principales puissances économiques mondiales et d'Asie-Pacifique.

Il enchaînera samedi prochain avec le XVIIIe Sommet de la Francophonie à Djerba en Tunisie, l'occasion "d'échanger avec nos partenaires" sur les "avancées" et "des voies de coopération future" selon l'Elysée.

Avant cela, à Bali, en Indonésie, l'Ukraine sera au centre des discussions du G20, ou plutôt G19, mardi et mercredi, avec un grand absent, le président russe Vladimir Poutine qui, après un long suspense, a finalement déclaré forfait.

Paris attend un message clair du "club des 20" en direction de la Russie, qui doit entrer au plus vite dans "une logique de désescalade", a expliqué vendredi la présidence française.

Un certain nombre de pays du G20 comme la Chine et l'Inde sont restés jusqu'ici très prudents, refusant de condamner l'offensive russe en Ukraine ou émettant indirectement des réserves à mesure que le conflit s'installe dans la durée.

Le président français, qui arrivera lundi soir à Bali, s'en entretiendra avec le président chinois Xi Jinping mardi, ainsi qu'avec le Premier ministre indien Narendra Modi et le président indonésien Joko Widodo.

«Invitation historique»

Une rencontre bilatérale avec le président américain Joe Biden n'est "à ce stade pas formalisée". Mais M. Macron est attendu le 1er décembre à la Maison Blanche pour une visite d'Etat.

La présidence française n'a pas non plus précisé s'il échangerait avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, que Joe Biden a pour sa part exclu de rencontrer après une décision de l'Opep+ favorable à la Russie.

Emmanuel Macron se rendra ensuite à Bangkok pour un sommet du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (Apec), jeudi et vendredi, où la France sera le premier Etat européen invité.

L'Apec réunit 21 pays, de la Chine, la Corée du Sud, la Malaisie et du Vietnam au Canada, aux Etats-Unis et au Chili.

Cette invitation "historique" marque la "reconnaissance" par les pays de la zone de notre "agenda Indopacifique", estime la présidence française.

Emmanuel Macron a érigé en priorité stratégique cette vaste zone allant des côtes est-africaines aux côtes ouest-américaines et où la France compte de nombreux territoires et espaces maritimes.

Tous les yeux sont braqués sur ce centre névralgique du commerce mondial, théâtre d'une rivalité croissante entre Chine et Etats-Unis, qui abritera 60% de la population et du PIB mondial en 2030.

«Service minimum»

La France y détient la majeure partie de sa zone économique exclusive (ZEE), la deuxième du monde, autour de sept territoires, de la Réunion à la Nouvelle-Calédonie, où elle compte 1,65 million de ressortissants.

"Il s'agit, in fine, de préserver les intérêts et les marges de manœuvre de la France dans le contexte de l'affrontement des mastodontes chinois et américains", relève Céline Pajon, coordinatrice du programme Océanie et Centre Asie à l'Institut français de relations internationales (Ifri).

Pour ce faire, Paris joue sur plusieurs leviers, militaire, diplomatique, économique, et noue des relations privilégiées avec certains pays clés de la région: Inde, Japon, Indonésie.

La France entend aussi être active dans la défense des fonds marins, la lutte contre la crise climatique et la biodiversité.

Mais avec seulement 7 000 militaires dans une zone aussi vaste, elle reste aussi très contrainte dans ses moyens. "Elle est aujourd'hui dans une posture de service minimum", estime l'amiral Pascal Ausseur, directeur général de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES).

En 2021, l'alliance de l'Australie avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni et l'annulation par Canberra d'un mégacontrat de sous-marins français a aussi porté un coup dur à la stratégie d'Emmanuel Macron dans la zone.

Mais Paris travaille à retisser les liens depuis le changement de Premier ministre à Camberra en mai. Et pourrait bien être de nouveau sur les rangs pour la vente de sous-marins à l'Australie.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.