PARIS: "Pas coupable". Le représentant d'Air France a maintenu jeudi devant le tribunal correctionnel de Paris que la compagnie n'avait pas commis de faute ayant conduit au crash du vol Rio-Paris en 2009, tout en refusant de charger les pilotes et son coprévenu Airbus.
Après les trois magistrats du tribunal mercredi, Pascal Weil, ancien chef pilote et instructeur, fait face jeudi aux questions des parties, à commencer par celles des parties civiles.
"Est-ce que Air France assume une part de responsabilité dans la survenance de ce drame ?" Me Alain Jakubowicz, avocat de l'association Entraide et Solidarité AF447, reformule, insiste.
"En regardant la chronologie des choses (...) nous avons fait ce que nous pensions devoir faire à l'époque", répond M. Weil qui, dans son costume sombre, s'exprime avec les mains et force détails.
"Nous plaidons que nous ne sommes pas coupables, le tribunal évidemment jugera", ajoute M. Weil. "Nous récusons très fermement toute faute, notre position a été constante".
Après le givrage soudain des sondes Pitot mesurant la vitesse de l'avion, les pilotes du vol AF447 reliant Rio de Janeiro à Paris ont perdu le contrôle de l'appareil, qui a heurté l'océan à 2h14 du matin (temps universel) le 1er juin 2009. 228 personnes sont mortes.
Air France est poursuivie pour ne pas avoir assez formé ses pilotes sur le gel des sondes et, surtout, sur ses conséquences dans le cockpit, alors que des pannes similaires s'étaient multipliées au cours des mois précédant la catastrophe.
Me Jakubowicz poursuit: Airbus, jugé avec Air France pour homicides involontaires, impute la catastrophe à des "erreurs de pilotage". Qu'en pense la compagnie ?
"Pour nous, ce qui amène l'équipage à agir tel qu'il a agi reste en grande partie mystérieux", estime M. Weil, détaillant les dernières minutes du vol. "Je ne peux pas les qualifier d'erreurs dans la mesure où je ne peux pas les expliquer".
"Alternative binaire"
"On est dans une alternative binaire", appuie Me Jakubowicz. "Soit les pilotes ont été mauvais", soit "il y a bien eu un trou dans la raquette dans leur formation".
"Je vous remercie de me mettre devant un choix impossible", déclare Pascal Weil, rejetant les "deux branches de l'alternative" pour une "troisième voie, celle du doute".
Pour lui, c'est le "modèle" de formation, tel qu'il existait dans toute l'industrie aéronautique, qui est en cause car il faisait "fi des facteurs humains, de la variabilité individuelle".
"Vous avez songé à faire de la politique ? C'est la question que m'inspire votre non-réponse", grince l'avocat, qui le questionne alors: si lui-même avait été aux commandes de l'AF447, "l'avion tombe ou il ne tombe pas ? Il y a ce procès ou pas ?"
"Je n'en sais rien, car je ne sais pas ce qui a amené les collègues à agir de cette façon", assure M. Weil.
Plusieurs avocats suivent, certains l'interpellent en creux sur la responsabilité d'Airbus, quant à la conception de l'avion ou le traitement des incidents. A chaque fois, M. Weil botte en touche, affirmant vouloir s'en tenir aux "faits" et non aux "théories".
Au fil des questions, il répète qu'Air France a "bien" formé ses pilotes, "au-delà" des standards. Qu'ils ont aussi été "informés" de cette panne via "six" canaux différents: casiers, affichage, session de contrôle des connaissances...
Pour lui, le risque a été correctement évalué au vu des connaissances de l'époque. Les neuf incidents rapportés au sein de l'entreprise ne "signalaient pas de perte de contrôle" et Air France n'était pas au courant des avaries du même type dans les autres compagnies.
Le parquet pose "quelques questions rapides et techniques", les avocats d'Air France une seule, en forme de précision. Arrive le tour des conseils d'Airbus: une poignée de questions, sans mettre en difficulté M. Weil.
Le représentant du constructeur est attendu lundi après-midi, à sa place.