PARIS: Jugée pour homicides involontaires au côté d'Airbus, Air France conteste comme l'avionneur toute responsabilité: le tribunal de Paris interroge mercredi un représentant de la compagnie aérienne au procès du crash du Rio-Paris en 2009.
A la barre, Pascal Weil, ancien chef pilote et instructeur, a commencé à détailler, à la demande du tribunal, une partie de l'organigramme de la compagnie au moment des faits, ainsi que l'organisation de la formation de ses pilotes.
Il doit être questionné jusqu'à jeudi par la 31e chambre correctionnelle, qui examine l'affaire depuis le 10 octobre.
L'interrogatoire du représentant d'Airbus est prévu lundi et mardi.
Le 1er juin 2009, le vol AF447 a heurté l'océan l'Atlantique au large du Brésil en pleine nuit, emportant la vie des 216 passagers et 12 membres d'équipage partis quelques heures plus tôt de Rio de Janeiro pour rejoindre la capitale française.
L'A330 traversait le Front intertropical (FIT), une zone météorologique difficile autour de l'équateur, quand trois sondes situées à l'extérieur de l'appareil, les sondes Pitot, ont givré, entraînant la perte des indications de vitesse.
Dans le cockpit, cette panne a provoqué une déconnexion du pilote automatique, un basculement en mode de pilotage dégradé et fait retentir de nombreuses alarmes. Déstabilisés, les pilotes ont adopté une trajectoire ascendante avant de perdre le contrôle de l'appareil.
L'avion s'est abimé 4 minutes 23 secondes après le gel des sondes.
Plus de treize ans après l'accident, la compagnie Air France est soupçonnée de ne pas avoir mis en place une formation adaptée de ses équipages et de ne pas les avoir informés suffisamment de cette panne et de ses conséquences, alors que des incidents similaires s'étaient multipliés les mois précédents.
Airbus, qui a construit l'avion immatriculé F-GZCP, est poursuivi pour avoir sous-estimé la gravité du givrage des sondes et ses répercussions sur les pilotes et pour ne pas avoir informé assez vite les compagnies afin qu'elles forment efficacement leurs navigants.
«Actions inappropriées»
Après un mois d'audience, "les débats n'ont rien révélé de nouveau qui permettrait de penser à une éventuelle responsabilité d'Airbus", a estimé auprès de l'AFP Me Simon Ndiaye, l'un des avocats du groupe.
Pour lui, l'interrogatoire des 14 et 15 novembre "sera l'occasion d'exposer plus en détail des éléments techniques qui nous paraissent importants".
"L'accident est dû à des actions inappropriées de l'équipage, c'est dit de façon unanime par le BEA et les experts judiciaires", a-t-il fait valoir. "L'équipage disposait de tous les éléments en termes de paramètres pour gérer la situation et donc ce n'est pas l'avion qui a conduit à ce drame, ni les procédures Airbus."
La voix du constructeur sera portée par Christophe Cail, pilote d'essai et représentant légal d'Airbus.
Au premier jour du procès, le tribunal a donné la parole au président exécutif d'Airbus et à la directrice générale d'Air France. Ils ont exprimé leur "compassion" pour les victimes tout en contestant toute faute pénale. Des propos qui ont suscité la colère de certaines parties civiles.
Depuis, le tribunal a entendu près de trente témoins: gendarmes, experts aéronautiques, ex-responsables des autorités de sécurité aérienne, anciens cadres des entreprises prévenues, pilotes d'Air France et d'autres compagnies...
Pour la première fois, les parties ont écouté, le 17 octobre à huis clos, le cockpit voice recorder (CVR), l'enregistrement des voix des pilotes et des bruits du cockpit avant le crash, issu des boîtes noires repêchées en 2011 après des mois de recherches.
Les avocats de la défense ont jusqu'ici posé relativement peu de questions. Des divergences ont commencé à se dessiner entre les deux prévenus et leurs conseils se sont ouvertement opposés fin octobre autour de la "partialité" supposée d'une expertise.
A l'issue des interrogatoires, des légistes et experts en identification seront entendus avant que les proches des victimes ne témoignent du 23 au 30 novembre.
Le procès doit se terminer le 8 décembre et la décision sera mise en délibéré à plusieurs mois