BEYROUTH: L'État libanais continue de fonctionner malgré l'absence de président et les services de sécurité maintiendront l'ordre quoi qu'il arrive, tel a été ce mardi le message du ministre de l'Intérieur par intérim du pays.
À l'issue d'une réunion avec le Conseil central de sécurité intérieure, le ministre intérimaire, Bassam Mawlawi, a affirmé que la sécurité est primordiale pour tous les Libanais et que « le devoir des services de sécurité est de la maintenir en utilisant tous les moyens disponibles ».
Il a indiqué que le nombre de crimes demeure « faible par rapport à la même période l'année dernière » et que « la situation dans les camps de réfugiés syriens est parfaitement maîtrisée ». Des membres de huit cellules terroristes ont été arrêtés cette année, a-t-il ajouté.
Parallèlement, le commandement de l'armée libanaise a annoncé que certaines unités « ont effectué des manœuvres militaires simulant la gestion de manifestations, l’organisation de raids et l'arrestation de personnes recherchées à Amchit, Tripoli, Jbeil, Beyrouth et Sidon ».
Ces manœuvres militaires « font partie de la formation selon le concept des opérations de contre-terrorisme Sofex 2022, mis en œuvre avec la participation d'équipes d'entraînement américaines et britanniques », a précisé le commandement. Une manœuvre militaire dans la ville côtière de Jounieh a simulé la gestion d'un incident de sécurité à l'intérieur d'une banque et l'arrestation des auteurs. Ces dernières semaines, alors que les clients des banques sont de plus en plus frustrés par l’interdiction d’accéder à leurs économies, plusieurs d'entre eux, dont certains armés, ont pris d'assaut les banques afin de réclamer leur propre argent.
Le chef de l'armée, Joseph Aoun, a déclaré que « cette période de vide présidentiel que connaît le pays sur fond de tensions politiques entre les partis pourrait s'accompagner de tentatives d'exploiter la situation de manière à compromettre la sécurité. »
Le vide présidentiel faisant suite à l’expiration du mandat du président Michel Aoun fin octobre, sans la conclusion d’un accord entre les partis pour le remplacer, a entamé mardi sa deuxième semaine. L’élection d’un nouveau président jeudi lors d'une cinquième session parlementaire convoquée par le président du Parlement, Nabih Berri, semble également peu probable.
Pendant ce temps, le Premier ministre intérimaire, Najib Mikati, participe à la Conférence des Nations unies sur le changement climatique, COP27, à Charm el-Cheikh. En marge de l'événement, il a rencontré mardi le président français, Emmanuel Macron, qui a souligné la nécessité « prioritaire de mener à bien les élections présidentielles libanaises, afin de parvenir à un fonctionnement régulier des institutions », selon le bureau médiatique de Mikati.
Le Hezbollah et ses alliés n'ont pas encore adoubé de candidat à la présidence. Les blocs parlementaires qui s'opposent au groupe ont désigné le député Michel Mouawad, tandis que les députés indépendants ont désigné l'académicien Issam Khalifeh.
Aoun, le commandant en chef de l’armée, a souligné que ses troupes ne sont pas impliquées dans les conflits politiques et ne prendront aucun parti.
« Ce qui compte pour l'armée, avant tout, c'est de maintenir la stabilité et la paix civile », a-t-il assuré. « Nous ne laisserons personne profiter de la situation et faire de notre pays une arène propice aux incidents de sécurité et aux mouvements suspects. La perturbation de la sécurité n’est pas autorisée. Cela a toujours été l'une des constantes fondamentales de l'armée et le restera. »
Rami Rayyes, un conseiller du chef du Parti socialiste progressiste, a expliqué à Arab News que « plus l’exposition politique au Liban est grande, plus le risque de détérioration économique et sécuritaire est élevé, surtout en l'absence d'autorités constitutionnelles efficaces. »
Il a avisé que la composition du Parlement ne permet pas à un parti d'exercer unilatéralement le pouvoir, « par conséquent, la consultation mutuelle est inévitable ».
Entre-temps, Barbara A. Leaf, secrétaire d'État adjointe américaine chargée des affaires proche-orientales, a averti que « le Liban est ouvert à tous les scénarios, en particulier à une désintégration complète de l'État. Les forces de sécurité intérieure et les forces armées libanaises pourraient perdre le contrôle et une immigration massive pourrait avoir lieu ».
Elle s'exprimait lors d'un événement consacré à la politique américaine au Liban, organisé par le Wilson Center et animé par David Hale, ancien ambassadeur américain au Liban.
« Je crois que les diplomates eux-mêmes vont faire leurs bagages et se déplacer en Europe », a déclaré Leaf. « Ce n'est pas le devoir des diplomates étrangers d'aller au Parlement et de faire pression sur le Conseil des ministres pour qu'il élise un président.
« Nous faisons pression sur les dirigeants politiques pour qu'ils effectuent leur travail ; cependant, rien n'aura le même impact que la pression publique et, tôt ou tard, elle remontera », a-t-elle prévenu.
Leaf a souligné que le Liban doit de toute urgence élire un président et nommer un Premier ministre, puis former un gouvernement ayant toute l'autorité nécessaire pour prendre des décisions importantes, notamment des réformes fondamentales et l'approbation des prêts du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale pour le financement des accords énergétiques.
Elle a soutenu que Washington était prêt à collaborer avec le gouvernement pour faire en sorte que le Liban dispose d'une administration dotée de toute l'autorité nécessaire pour prendre des mesures officielles afin de mettre en œuvre les réformes économiques requises.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com