Tunisie : la corruption progresse, la lutte pas vraiment

Le ministre d'Etat britannique pour la région MENA Alistair Burt lors de la signature d'un memorandum d'accord et d'audit ainsi que de bonne gouvernance avec le ministre tunisien du Service Civil, Kamel Ayadi, en 2017. (AFP).
Le ministre d'Etat britannique pour la région MENA Alistair Burt lors de la signature d'un memorandum d'accord et d'audit ainsi que de bonne gouvernance avec le ministre tunisien du Service Civil, Kamel Ayadi, en 2017. (AFP).
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Publié le Jeudi 12 novembre 2020

Tunisie : la corruption progresse, la lutte pas vraiment

  • Le travail de l’instance chargée d’établir les faits de corruption sous le régime de Ben Ali a été entravé en raison d’un «environnement hostile»
  • Sur les 486 dossiers complets transmis à la justice n’ont abouti à des jugements que ceux concernant l’ancien président, sa famille et celle de sa femme

TUNIS: En novembre 2011, une «Commission nationale d’établissement des faits sur les affaires de malversation et de corruption», la première dans l’histoire de la Tunisie, publiait un rapport de 500 pages concernant la corruption sous le régime Ben Ali. Rapport qui, rappelle Ezzeddine Saïdane, ancien membre de cette instance, n’a été ni facile à produire ni à se traduire dans les faits. La preuve: neuf ans après, la plupart de ses 486 dossiers transmis à la justice n’ont pas encore été jugés.

Les Tunisiens en avaient l’intime conviction avant le 14 janvier 2011; ils en ont eu la preuve irréfutable après : le régime Ben Ali était corrompu jusqu’à la moelle. La démonstration en a été faite dans un rapport de 500 pages de la «Commission nationale d’établissement des faits sur les affaires de malversation et de corruption» créée trois jours après la chute du régime par Mohamed Ghannouchi, le dernier Premier ministre de l’ancien président.

Présidée par le juriste Abdelfattah Amor (décédé depuis), ladite commission a interrogé des dizaines ‒ une centaine, selon Ezzeddine Saïdane, ancien banquier qui en a fait partie ‒ d’anciens responsables politiques et économiques et d’hommes d’affaires qui ont servi comme facilitateurs de la corruption. La plupart d’entre eux «ont profité» des services qu’ils ont rendus, assure notre interlocuteur. Sous diverses formes: terrains, argent, promotions, voyages, etc.

Environnement hostile

La commission a-t-elle pu, durant les dix mois qu’a duré sa mission, tout comprendre et dévoiler de la corruption sous l’ancien régime? «Nous avons pu cerner le problème», admet avec modestie Ezzeddine Saïdane. D’ailleurs, le travail de cette instance est loin d’avoir été facile en raison d’un environnement hostile à la lutte contre la corruption, assure l’ex-banquier.

Cette hostilité s’est exprimée de diverses manières. «Il y a eu des pressions énormes de la part des avocats, des juges… Notamment pour augmenter le nombre des membres de la commission afin d’en influencer le travail, voire de s’en débarrasser. Abdelfattah Amor a manœuvré de façon intelligente. Il a accepté la création de commissions consultatives dont les membres siégeaient au sein de la commission-mère, mais sans avoir un accès aux dossiers».

Ensuite, le gouvernement a lui-même refusé d’accéder aux requêtes de la commission pour faire avancer certains dossiers. «On lui a demandé par exemple d’obliger certaines organismes et administrations à coopérer avec nous. Comme la Banque centrale. Dont nous sommes allés voir le gouverneur (2) pour le convaincre, Abdelfattah Amor et moi. En vain.»

Enfin, la justice, à laquelle les dossiers des affaires de corruption avaient été transmis, n’a pas eu une meilleure attitude. «Les juges d’instruction ont essayé de nous intimider. Ils ne nous convoquaient pas une fois, mais deux, trois, voire quatre fois, pour nous écœurer. Nous avions rendez-vous à huit heures du matin, mais ils ne nous recevaient qu’à une heure de l’après-midi. Nous attendions debout des heures durant. Les membres de la commission étaient aussi interrogés de manière humiliante par les juges d’instruction sur les dossiers qu’ils avaient instruits et transmis à la justice. Et on ne pouvait rien contre cela. Feu Abdelfattah Amor nous disait: “Qu’est-ce que je peux faire? Rien. Si un juge d’instruction vous convoque, vous y allez”», raconte Ezzeddine Saïdane.

De ce fait, il n’est guère étonné que «sur les 486 dossiers complets transmis à la justice certains d’entre eux concernent non pas une personne mais plusieurs n’ont abouti à des jugements que ceux concernant l’ancien président, sa famille et celle de sa femme».

Pis, neuf ans après la publication du rapport de la commission, la corruption, loin de reculer, s’est aggravée dans le pays, estime l’ancien banquier et expert financier. Tandis que la lutte contre ce phénomène, outre qu’elle s’avère «sélective», n’est pas menée de la manière appropriée, selon lui: «Elle ne peut être conduite par des salariés jouissant d’avantages. Elle doit l’être par des bénévoles, qui peuvent résister aux pressions.»

(1) https://www.iwatch.tn/ar/uploads/rapport_arabe.pdf

(2) Mustapha Kamel Nabli.


Pour l'Iran, le mandat d'arrêt de la CPI contre Netanyahu signifie «la mort politique» d'Israël

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  • Dans cette première réaction officielle de l'Iran, M. Salami a qualifié les mandats d'arrêt de la CPI de "mesure bienvenue"
  • Israël et des pays alliés ont critiqué la décision de la CPI d'émettre jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de M. Netanyahu et de son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant

TEHERAN: Le chef des Gardiens de la Révolution iraniens a estimé vendredi que les mandats d'arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et son ancien ministre de la Défense signifiaient la "mort politique" d'Israël.

"Cela signifie la fin et la mort politique du régime sioniste, un régime qui vit aujourd'hui dans un isolement politique absolu dans le monde et dont les responsables ne peuvent plus se rendre dans d'autres pays", a déclaré le général Hossein Salami, chef des Gardiens de la Révolution, armée idéologique de la République islamique, dans un discours diffusé par la télévision d'Etat.

Dans cette première réaction officielle de l'Iran, M. Salami a qualifié les mandats d'arrêt de la CPI de "mesure bienvenue" et de "grande victoire pour les mouvements de résistance palestinien et libanais", respectivement le Hamas et le Hezbollah, tous deux soutenus par la République islamique.

Israël et des pays alliés ont critiqué la décision de la CPI d'émettre jeudi des mandats d'arrêt à l'encontre de M. Netanyahu et de son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, "pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024".

La CPI a aussi émis un mandat d'arrêt contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du mouvement islamiste palestinien Hamas, pour les mêmes chefs, "sur le territoire de l'Etat d'Israël et de l'Etat de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023", jour de l'attaque sans précédent du Hamas en Israel, qui a déclenché la guerre en cours dans la bande de Gaza.

L'Iran fait du soutien à la cause palestinienne un des piliers de sa politique étrangère depuis l'instauration de la République islamique en 1979, et ne reconnaît pas l'Etat d'Israël.

La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de M. Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire.

 


L'aviation israélienne pilonne la banlieue sud de Beyrouth, 22 morts dans l'est du Liban

Un Palestinien marche à côté des débris d'un bâtiment à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 21 novembre 2024, alors que la guerre entre Israël et les militants palestiniens du Hamas se poursuit. (AFP)
Un Palestinien marche à côté des débris d'un bâtiment à Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, le 21 novembre 2024, alors que la guerre entre Israël et les militants palestiniens du Hamas se poursuit. (AFP)
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  • L'aviation israélienne a pilonné tout au long de la journée de jeudi la banlieue sud de Beyrouth ainsi que l'est du Liban, où 22 personnes ont été tuées selon les autorités
  • L'Agence nationale d'information (ANI, officielle), a recensé 12 frappes sur la banlieue sud, certaines "très violentes", l'armée israélienne disant avoir attaqué des centres de commandement et des infrastructures du Hezbollah

BEYROUTH: L'aviation israélienne a pilonné tout au long de la journée de jeudi la banlieue sud de Beyrouth ainsi que l'est du Liban, où 22 personnes ont été tuées selon les autorités, le Hezbollah revendiquant sa frappe la plus profonde en Israël depuis plus d'un an d'hostilités.

L'Agence nationale d'information (ANI, officielle), a recensé 12 frappes sur la banlieue sud, certaines "très violentes", l'armée israélienne disant avoir attaqué des centres de commandement et des infrastructures du Hezbollah.

Les raids ont été précédés par des appels de l'armée israélienne à évacuer certains quartiers.

Les images de l'AFPTV montraient d'épaisses colonnes de fumée sur la banlieue sud de la capitale libanaise, désertée par une grande partie de ses habitants en raison des frappes quotidiennes qui la visent depuis fin septembre.

Les frappes, qui s'étaient arrêtées mardi, ont repris au lendemain du départ de l'émissaire américain Amos Hochstein, qui tente d'arracher un accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah pro-iranien.

Après Beyrouth, il devait rencontrer jeudi le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.

Des frappes israéliennes ont également visé jeudi l'est et le sud du Liban, bastions du Hezbollah, selon l'ANI.

Les frappes de "l'ennemi israélien" sur cinq zones de la région de Baalbeck (est) ont coûté le vie à 22 personnes, a indiqué le ministère de la Santé.

L'ANI a précisé qu'une frappe sur le village de Makneh dans cette région avait entraîné la mort d'au moins quatre membres d'une même famille.

La coordinatrice spéciale de l'ONU pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert s'est rendue sur le site de Baalbeck, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, qui a annoncé lundi placer sous "protection renforcée provisoire" 34 sites culturels au Liban menacés par les bombardements israéliens, et octroyer une assistance financière d'urgence pour sauver le patrimoine de ce pays.

- Khiam -

Pour sa part, la formation islamiste a annoncé jeudi avoir lancé des missiles sur une base aérienne près de la ville d'Ashdod, dans sa première attaque contre le sud d'Israël.

Dans un communiqué, le Hezbollah a précisé que cette base à l'est d'Ashdod se trouvait "à 150 km de la frontière" israélo-libanaise.

C'est la première fois que le Hezbollah annonce viser un objectif aussi éloigné de la frontière depuis plus d'un an d'affrontements.

La formation pro-iranienne a également revendiqué des tirs contre le nord d'Israël, où les secours ont annoncé qu'un homme était mort après avoir été blessé à la suite de tirs de projectiles en Galilée.

Dans le sud du Liban frontalier d'Israël, le Hezbollah a fait état dans neuf communiqués distincts d'attaques menées par le mouvement contre des soldats israéliens dans et autour du village de Khiam.

Les médias officiels libanais ont affirmé que l'armée israélienne dynamitait des maisons et bâtiments dans cette localité proche de la frontière israélienne.

Les violences entre Israël et le Hezbollah, initiées par ce dernier au début de la guerre dans la bande de Gaza, ont fait plus de 3.583 morts depuis octobre 2023 au Liban.

La plupart des victimes ont été tuées depuis que l'armée israélienne a déclenché fin septembre dernier une campagne massive de bombardements visant notamment les bastions du Hezbollah, suivie d'une offensive terrestre dans le sud du Liban.


La CPI émet des mandats d'arrêt contre Netanyahu, Gallant et Deif

"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye. (AFP)
"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye. (AFP)
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  • La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire
  • Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir "perdu toute légitimité" avec ses mandats d'arrêt "absurdes"

LA HAYE: La Cour pénale internationale a émis jeudi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant et le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire.

Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir "perdu toute légitimité" avec ses mandats d'arrêt "absurdes".

"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye.

Dans un autre communiqué, elle émet un mandat d'arrêt contre Mohammed Deif, également pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

La cour "a émis à l'unanimité un mandat d'arrêt contre M. Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, communément appelé +Deif+, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'État d'Israël et de l'État de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023".

Classés "secrets" 

Les mandats d'arrêt ont été classés "secrets", afin de protéger les témoins et de garantir la conduite des enquêtes, a déclaré la cour.

Mais la CPI "considère qu'il est dans l'intérêt des victimes et de leurs familles qu'elles soient informées de l'existence des mandats".

Le procureur de la CPI, Karim Khan, a demandé en mai à la cour de délivrer des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant (qui a été limogé début novembre par le Premier ministre israélien) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés à Gaza.

M. Khan a également demandé des mandats d'arrêt contre de hauts dirigeant du Hamas, dont Mohammed Deif, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité.

Selon Israël, Deif a été tué par une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza, bien que le Hamas nie sa mort.

Le procureur a depuis abandonné la demande de mandats d'arrêt contre le chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et le chef du Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinouar, dont les morts ont été confirmées.

Le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza a annoncé jeudi un nouveau bilan de 44.056 morts dans le territoire palestinien depuis le début de la guerre avec Israël il y a plus d'un an.

Au moins 71 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures, a-t-il indiqué dans un communiqué, ajoutant que 104.268 personnes avaient été blessées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.