Procès de l'attentat de Nice: quand les victimes s'adressent aux accusés

Des portraits des victimes sont affichés sur un mémorial en marge d'une cérémonie marquant le 5e anniversaire de l'attaque d'un camion djihadiste, qui a tué 86 personnes sur la Promenade des Anglais, dans la ville côtière française de Nice, le 14 juillet 2021. (Photo, AFP)
Des portraits des victimes sont affichés sur un mémorial en marge d'une cérémonie marquant le 5e anniversaire de l'attaque d'un camion djihadiste, qui a tué 86 personnes sur la Promenade des Anglais, dans la ville côtière française de Nice, le 14 juillet 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 22 octobre 2022

Procès de l'attentat de Nice: quand les victimes s'adressent aux accusés

  • « Il y a une disproportion manifeste entre l'immensité d'une douleur, parfaitement compréhensible, et les faits précis» pour lesquels les accusés sont jugés
  • Environ 260 victimes ont pris la parole au procès

PARIS: Pendant cinq semaines, les victimes ont raconté l'horreur de l'attentat de Nice et détaillé leurs douleurs depuis. Certains ont aussi exprimé leur "haine" aux accusés, même si la justice ne leur reproche que des liens ténus avec les faits.

"Il y a une disproportion manifeste entre l'immensité d'une douleur, parfaitement compréhensible, et les faits précis" pour lesquels les accusés sont jugés, a observé auprès de l'AFP Clémence Cottineau, avocate de l'un d'entre eux.

Pour Sophie Hébert-Marchal, conseil de parties civiles, ce "décalage" n'est pas lié à "l'absence de l'auteur" de l'attentat. "Que l'auteur ait été là ou non, les victimes auraient réagi de la même manière", estime-t-elle.

Sept hommes (dont un absent) et une femme sont jugés depuis le 5 septembre devant la cour d'assises spéciales de Paris. Mais pas Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qui avait fait 86 morts au volant d'un camion-bélier le 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais avant d'être abattu par la police.

Trois membres de son entourage sont renvoyés pour association de malfaiteurs terroriste (AMT), accusés notamment d'avoir eu connaissance de sa radicalisation, cinq pour trafic d'armes, sans qualification terroriste.

Environ 260 victimes ont pris la parole au procès. La plupart ont centré leur récit sur la soirée du 14 juillet et leur vie détruite, se contentant de la formule consacrée "que justice soit faite" pour résumer ce qu'elles attendent du procès.

Certains ont toutefois tenu à s'adresser aux accusés.

«Ceux qui ont fait ça»

Parmi eux Julia, dont le père est mort dans l'attentat: "je suis venue pour dire aux accusés que même s'ils ne sont pas la personne qui a détruit nos vies, j'estime qu'ils doivent être confrontés aux conséquences de ce drame".

La plupart des parties civiles ont évoqués les accusés par une formule générale: "ceux qui ont fait ça", "ceux qui ont commis cet attentat", réclamant parfois "la perpétuité", "parce que c'est impardonnable ce qu'ils ont fait".

Seul l'un des accusés, Ramzi Arefa, en état de récidive légale, encourt cette peine. Les autres risquent entre cinq et vingt ans d'emprisonnement.

"Il n'y a pas de complices parmi les accusés", a rappelé vendredi le président de la cour, Laurent Raviot, "ils ne sont pas jugés pour ça".

"On parle de +seconds couteaux+, mais il y en a quand même trois qui sont là pour AMT, et beaucoup de parties civiles sont convaincues qu'ils ont aidé à la préparation de l'attentat", a analysé Me Hébert-Marchal.

"Les ingrédients qui ont composé notre gâteau plein de sang, c'est tous ces gens-là", a estimé Carolina, une Niçoise d'origine argentine,  doigt pointé vers les accusés.

Sans eux, "le conducteur n'aurait pas eu l'intelligence (...) pour y arriver tout seul", a-t-elle poursuivi, demandant un jugement "à la hauteur du mal qu'ils ont fait".

D'autres ont laissé déborder leur colère, comme Alain, dont la petite-fille de 2 ans a été fauchée, qui a réclamé "les travaux forcés" pour les accusés.

«Difficile de canaliser»

"C'est difficile de canaliser des victimes qui ont vu la mort de près" ou qui ont perdu des proches, a souligné Me Hébert-Marchal.

La cour a malgré tout recadré certains débordements.

"Vous avez le droit de ressentir de la haine, mais elle n'a pas sa place dans une enceinte judiciaire", a répliqué Laurent Raviot à Stéphane Erbs, coprésident de l'association Promenade des anges, qui venait de dire que la haine était "la seule chose" qu'il pouvait "tendre" aux accusés.

Une juge assesseur a aussi rappelé que ce serait "le travail de la cour" de déterminer "la culpabilité des accusés", et qu'ils seraient jugés "en fonction des règles applicables, avec les droits qui s'y attachent", alors qu'une victime avait regretté que "les droits de l'Homme" limitent la peine encourue.

L'un des principaux accusés, Mohamed Ghraieb, "comprend la colère de certaines parties civiles, mais le fait qu'elle soit parfois dirigée contre lui ne peut qu'être le fruit d'une confusion", a estimé l'un de ses avocats, Vincent Brengarth.

Un autre accusé, Maksim Celaj, s'est dit "très touché" par les victimes. "C'est douloureux pour lui d'être associé à cet acte odieux", a souligné Me Cottineau, rappelant qu'il était reproché à son client d'avoir transporté une kalachnikov qui n'a pas été utilisée dans l'attentat.

A partir de mardi, la cour examinera le parcours de l'assaillant, puis la personnalité de chaque accusé et leur rôle dans les faits.


La manifestation de soutien à Le Pen "n'est pas un coup de force", dit Bardella

La présidente du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), l'eurodéputé Jordan Bardella (G) et la présidente du groupe parlementaire du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, quittent le palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 26 août 2024, après leur rencontre avec le président français. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
La présidente du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), l'eurodéputé Jordan Bardella (G) et la présidente du groupe parlementaire du parti d'extrême droite français Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, quittent le palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 26 août 2024, après leur rencontre avec le président français. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
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  • « Ce n'est pas un coup de force, c'est au contraire une défense très claire et très profonde de l'État de droit et de la démocratie française.
  • « Cela nous semblait nécessaire que nous puissions nous exprimer directement aux Français.

STRASBOURG : La manifestation de soutien à Marine Le Pen prévue dimanche à Paris « n'est pas un coup de force », mais une mobilisation « pour la démocratie », a assuré mercredi Jordan Bardella, président du Rassemblement national, à des journalistes au Parlement européen à Strasbourg.

« Ce n'est pas un coup de force, c'est au contraire une défense très claire et très profonde de l'État de droit et de la démocratie française. C'est une mobilisation en réalité, non pas contre, mais pour la démocratie française », a déclaré l'eurodéputé au sujet de ce rassemblement annoncé par le RN après la condamnation de la triple candidate à la présidentielle à une peine d'inéligibilité immédiate.

« Cela nous semblait nécessaire (...) que nous puissions nous exprimer directement aux Français par l'intermédiaire de ces discours qui seront prononcés dimanche avec l'ensemble de nos cadres, de nos parlementaires et de nos militants », a-t-il ajouté.

Cette condamnation, que le RN qualifie de « scandale démocratique », compromet grandement ses chances de concourir une quatrième fois à la fonction suprême en 2027.

Pour Jordan Bardella, cela ne change « absolument rien » à sa relation avec Marine Le Pen, « si ce n'est qu'elle est peut-être encore plus forte qu'elle ne l'a été par le passé ».

« Je suis à ses côtés, je vais continuer à l'être (...) Nous allons évidemment mener le combat », a assuré l'eurodéputé qui faisait son retour au Parlement européen après avoir manqué les deux premiers jours de la session.

Il a qualifié de « bonne nouvelle » l'annonce de la justice qu'une décision en appel devrait être rendue « à l'été 2026 », donc bien avant la présidentielle.


Condamnation de Marine Le Pen: Macron rappelle au gouvernement l'indépendance de la justice

Le président français Emmanuel Macron (Photo AFP)
Le président français Emmanuel Macron (Photo AFP)
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  • Le président français Emmanuel Macron a « rappelé » que l'autorité judiciaire est indépendante et que les magistrats doivent être protégés
  • Le chef de l'État a également affirmé que « tous les justiciables ont droit au recours ».

PARIS : Mercredi en Conseil des ministres, le président français Emmanuel Macron a « rappelé » que l'autorité judiciaire est indépendante et que les magistrats doivent être protégés, après la condamnation de la cheffe de l'extrême droite Marine Le Pen qui a suscité des attaques contre les juges, ont rapporté des participants.

Le chef de l'État a également affirmé que « tous les justiciables ont droit au recours », selon ces sources. La justice a déjà fait savoir qu'un nouveau procès en appel pourrait se tenir dans des délais qui laissent une porte ouverte à une éventuelle candidature présidentielle en 2027 de la leader du Rassemblement national (RN), principale formation d'extrême droite française. 

Devant la presse, à l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a rapporté mercredi les propos du chef de l'État.

« La première chose qu'il a rappelée, a poursuivi Mme Primas, est que la justice est évidemment indépendante et prend ses décisions en toute indépendance, et qu'il faut donc la respecter comme l'un des piliers de notre démocratie. La première, a-t-elle dit, est que la justice est indépendante et qu'elle prend ses décisions en toute indépendance et qu'il faut donc la respecter comme un pilier de notre démocratie.

« La troisième chose, pour rappeler que les menaces qui sont faites à l'encontre des magistrats sont absolument insupportables et intolérables, puisque nous sommes encore une fois dans une démocratie. Et la justice est tout à fait indépendante et doit être respectée », a-t-elle ajouté.

« Et la troisième chose, pour rappeler que chacun a le droit à une justice équivalente et que le droit est le même pour tous. »


Bac: l'épreuve de maths en première se précise pour l'an prochain

La ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Elisabeth Borne, lors d'une conférence de presse à l'issue d'une visite à l'école élémentaire Claude-Monnet à Rueil-Malmaison, en banlieue parisienne, le 28 mars 2025. (Photo Thomas SAMSON / AFP)
La ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Elisabeth Borne, lors d'une conférence de presse à l'issue d'une visite à l'école élémentaire Claude-Monnet à Rueil-Malmaison, en banlieue parisienne, le 28 mars 2025. (Photo Thomas SAMSON / AFP)
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  • Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE, qui rassemble syndicats, associations de parents, collectivités, etc.) a majoritairement voté contre le projet de décret et d'arrêté
  • L'ex-ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, avait annoncé en décembre 2023 la création de cet examen sur le modèle de l'épreuve anticipée de français pour le baccalauréat en fin de première,

PARIS : Le projet d'épreuve de mathématiques en classe de première pour l'an prochain, qui vise à mettre en œuvre le « choc des savoirs » annoncé par l'ex-ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal, a été présenté mardi devant une instance consultative de l'Éducation nationale, étape-clé avant sa publication.

Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE, qui rassemble syndicats, associations de parents, collectivités, etc.) a majoritairement voté contre le projet de décret et d'arrêté instaurant cette « épreuve terminale de culture mathématique aux baccalauréats général et technologique ».

Ils ont recueilli 0 voix pour, 27 contre, 31 abstentions et 4 refus de prendre part au vote (l'administration ne votant pas dans cette instance), un vote indicatif qui n'empêche pas la mise en œuvre de la réforme, selon des sources syndicales.

Cette épreuve écrite d'une durée de deux heures, qui entrera en vigueur au printemps 2026, sera « affectée d'un coefficient 2 » (points pris sur l’épreuve du Grand oral en terminale), selon ces textes, consultés par l'AFP.

L'ex-ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, avait annoncé en décembre 2023 la création de cet examen sur le modèle de l'épreuve anticipée de français pour le baccalauréat en fin de première, un projet confirmé en novembre 2024 par sa successeure, Anne Genetet.

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat du second degré (collèges et lycées), qualifie auprès de l'AFP la mesure de « rafistolage supplémentaire du bac Blanquer », décidé en 2019 par l'ex-ministre Jean-Michel Blanquer.

Pour Jérôme Fournier, secrétaire national du SE Unsa, la nouvelle épreuve « alourdit la fin de l'année pour les élèves et les correcteurs ».

La première partie, qui est commune à tous les élèves, sera sous forme de QCM et pourrait être corrigée automatiquement, ce à quoi « de nombreuses organisations syndicales sont opposées », a-t-il ajouté, tandis que la deuxième partie devrait consister en des résolutions de problèmes.

Des projets de textes ont par ailleurs été votés au CSE relatif à « la mise en place du +parcours renforcé+ en classe de seconde générale et technologique » ou professionnelle à partir de la rentrée 2026, avec trois votes pour, 45 contre et 13 abstentions.

Mis en place par la ministre Élisabeth Borne, ce parcours est destiné aux élèves n’ayant pas obtenu le diplôme du brevet. Son organisation relèvera « de l’autonomie de l’établissement sur la base indicative de deux heures hebdomadaires sur tout ou partie de l’année », selon le projet d'arrêté.

Sophie Vénétitay déplore « une coquille vide » tandis que Tristan Brams (CFDT Éducation) regrette l'absence de « moyens supplémentaires ».