PARIS : Fin du suspense en vue. Le gouvernement devrait appuyer mercredi sur le bouton du 49.3 pour abréger les âpres débats sur la première partie du budget pour 2023, qui ont éprouvé le camp présidentiel et frustré les oppositions.
Après avoir accusé mardi ces dernières de "blocage", la Première ministre Elisabeth Borne devrait y recourir en se rendant dans la journée à l'Assemblée nationale, théâtre de défaites en série pour les macronistes sur des votes d'amendements budgétaires.
Les échanges à l'Assemblée doivent reprendre à 15H00 par un débat autour du "prélèvement sur recettes au profit de l'UE". L'intervention de la cheffe du gouvernement, qui doit être au Sénat en début d'après-midi, ne pourrait avoir lieu qu'après. "Une fenêtre s'ouvre à partir de 17H00", glisse une source gouvernementale.
Ce déclenchement mercredi est "probable", avait indiqué mardi le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, après huit jours de débats parfois houleux. Mercredi, il a annoncé que le Conseil des ministres avait autorisé l'utilisation de ce même outil, si nécessaire, pour le budget de la Sécurité sociale, dont l'examen à l'Assemblée doit commencer jeudi.
L'article 49.3 de la Constitution permet au gouvernement de faire passer un texte sans vote, à moins qu'une motion de censure ne soit adoptée.
Rien de "scandaleux" dans son usage, a tenté de désamorcer sur France Inter le patron du MoDem François Bayrou, estimant que grâce à "ce mécanisme" constitutionnel, "le gouvernement a les moyens de forcer l'adoption d'un texte quand les oppositions en réalité s'en accommodent".
Les esprits se sont encore échauffés dans la nuit de mardi à mercredi au Palais Bourbon, quand des députés de la Nupes ont reproché au camp présidentiel de "faire semblant" de débattre "en attendant le 49.3".
Pour le vice-président RN de l'Assemblée nationale Sébastien Chenu aussi, le gouvernement est "assez hypocrite puisqu'il nous fait débattre" alors que "tout ce que nous votons la nuit à l'Assemblée nationale, il va le déconstruire".
49.3 attendu: LFI renvoie le gouvernement à sa «minorité» à l'Assemblée
Deux députées LFI, Mathilde Panot et Danièle Obono, ont renvoyé mercredi le gouvernement à une "minorité" "autoritaire" et "fébrile" quelques heures avant que celui-ci n'actionne le 49.3 pour faire adopter sans vote la première partie du projet de budget.
Citant sur France 2 le ministre des Finances Bruno Le Maire, qui avait estimé à propos de la CGT de TotalEnergie que "dans une démocratie, ce n'est pas une minorité qui dicte sa loi à la majorité", la présidente du groupe LFI Mathilde Panot a déclaré: "C'est exactement ce qu'ils sont en train de faire à l'Assemblée nationale !".
Elle a regretté que "nous votions à la majorité des amendements et qu'à la fin il y ait une brutalisation des débats" avec le recours à l'article 49.3 de la Constitution qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote.
Pour Danièle Obono, la "Macronie" a "un problème dans le fait de reconnaître que, sur un certain nombre de votes, elle puisse être mise en minorité".
"C'est une minorité présidentielle puisque elle fait montre de sa fébrilité, de sa faiblesse" alors que "les débats ont eu lieu pendant plusieurs heures et ont été de bonne tenue", a-t-elle rappelé sur le plateau de franceinfo.
Quant à la centaine d'amendements votés que le gouvernement pourrait décider de conserver dans le texte final, elle s'est emportée. "Mais attendez, pourquoi alors s'encombrer d'un Parlement ? Pourquoi passer du temps à faire des élections, à élire des personnes si c'est en fait le gouvernement qui choisit de manière complètement arbitraire quelles sont les mesures qu'ils vont garder ?".
A l'autre bout du spectre politique de l'opposition, le député RN Sébastien Chenu a estimé sur RTL que "ce gouvernement, de toute façon, n'a pas de majorité aujourd'hui" et l'a jugé "assez hypocrite puisqu'il nous fait débattre alors qu'il sait très bien que tout ce que nous votons la nuit à l'Assemblée nationale, il va le déconstruire".
"Tout texte difficile ne pouvant pas être adopté par les oppositions en même temps que par la majorité va entraîner ce mécanisme pensé par la Constitution et qui après tout n'est pas scandaleux", a répliqué sur France Inter le patron du Modem François Bayrou.
Grâce au 49.3, selon lui, "le gouvernement a les moyens de forcer l'adoption d'un texte quand les oppositions en réalité s'en accommodent".
2 000 amendements
Il reste près de 2.000 amendements à examiner, et certains sujets sensibles, comme la taxation des "superprofits" n'ont pas encore été abordés.
Les oppositions pointent du doigt une contradiction avec la volonté de "dialogue" affichée par l'exécutif, qui réfute de son côté tout "passage en force", s'estimant contraint par la majorité seulement relative dont il dispose.
Les députés de la Nupes (LFI, PS, EELV, PCF) et du RN sont dans les starting-blocks pour dégainer leurs motions de censure dès que la procédure sera actionnée. Mais elles n'ont quasi aucune chance de faire tomber le gouvernement, les élus RN ayant exclu "a priori" de voter pour un texte de la Nupes, et vice versa.
La motion de la gauche, qui sera présentée par la présidente des députés écolos Cyrielle Chatelain, sera "très ouverte" pour rallier au maximum, a assuré Danièle Obono (LFI).
La première lecture de la partie recettes du projet de budget va s'achever, mais quels amendements le gouvernement va-t-il inclure dans le texte soumis au 49.3 ? Les derniers arbitrages sont en cours, sachant qu'il peut retenir ou écarter à sa guise ceux qui ont été votés ou rejetés, et même ceux qui n'ont pas encore été examinés.
Face aux députés Renaissance, Mme Borne a souligné mardi qu'il y avait eu "des propositions intéressantes dont on tiendra compte dans le texte final".
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a lui veillé à ne pas susciter trop d'espoirs: "ce sera sans moi" si le texte final devait faire déraper les finances publiques, a-t-il lancé lundi en réunion à Matignon selon un participant.
«Faute politique»
Selon un cadre de la majorité, l'exécutif a donné son feu vert à une centaine d'amendements, émanant de la majorité pour la plupart et des oppositions pour certains, pour un coût entre 700 et 800 millions d'euros.
Il s'agit notamment de renforcer le crédit d'impôt pour garde d'enfants, réduire l'impôt pour les plus petites entreprises ou encore supprimer un avantage fiscal dont bénéficiaient les jets privés.
Mais pas question d'inclure l'amendement MoDem sur la taxation des superdividendes, pourtant adopté avec le soutien de la gauche, du RN et même d'une vingtaine de députés Renaissance. Une "faute politique", a jugé sur LCI le numéro un de la CFDT Laurent Berger.
C'est également non à une proposition PS, adoptée en séance, pour l'instauration d'un crédit d'impôt pour le reste à charge de tous les résidents en Ehpad, jugé trop coûteux.