TUNIS: Les Journées cinématographiques de Carthage (JCC), le plus ancien des trente-cinq festivals arabes et africains du cinéma, est encore au rendez-vous cette année. En dépit de la crise politique, économique, financière, et sociale – peut-être la plus grave de son Histoire – que vit le pays depuis plus d’un an.
Avec cinquante-six ans et trente-deux sessions (*) déjà au compteur, les JCC animeront pendant une semaine (25 octobre-5 novembre 2022) les salles de la capitale Tunis et d’autres villes du pays.
C’est la première fois que les JCC se tiennent alors que le pays vit depuis près d’un an et demi une grave crise. Les organisateurs ont-ils subi le contrecoup? On pouvait d’autant plus le craindre que l’événement avait déjà été fortement impacté en 2020 par une autre crise: la pandémie de Covid-19. Cette année-là, l’ambition et l’ampleur des JCC avaient été revues à la baisse. Le budget avait chuté de près de 4 millions à 1,8 million de dinars (1 dinar tunisien = 0,31 euro); d’une semaine, la durée de l’événement avait été ramenée à cinq jours, et de près de quatre cents en 2019, le nombre des invités avait été baissé à cinquante.
Un budget à nouveau en hausse
En 2021, le budget augmentait à 2,2 millions de dinars. Cette année, il va s’établir à 3,170 millions de dinars, indique Khaled Azek, directeur général par intérim du Centre national du cinéma et de l'image (CNCI) – qui, depuis 2015, supervise l’organisation des JCC –, mercredi 12 octobre, lors d’une conférence de presse.
Cette enveloppe provient aux trois quarts d’une dotation du ministère de la Culture et le reste est fourni par une trentaine de sponsors. Ce qui signifie que la grave crise financière dans laquelle se débat l’État n’a pas eu d’impact sur cet événement et permet toutefois au festival de retrouver son niveau d’activité d’avant 2020.
Lors de cette trente-troisième édition, cinq cent soixante-six films seront projetés, dont cent neuf films tunisiens. Deux pays vont occuper une place de choix. D’abord, le Maroc puisque c’est un film marocain – Fatema, la sultane inoubliable, un hommage à l’universitaire et féministe Fatma Mernissi – de Mohamed Abderrahmane Tazi, qui sera projeté pour la séance d’ouverture, en avant-première mondiale. Ce qui a fait dire à un journaliste que «la culture va peut-être réparer ce que la politique a endommagé entre la Tunisie et le Maroc».
L’Arabie saoudite, invité d’honneur
Ensuite, l’Arabie saoudite sera le pays invité d’honneur de cette édition. Comme l’a voulu leur fondateur, le réalisateur Tahar Cheriaa, les JCC restent fidèles à leur positionnement traditionnel, insiste la directrice générale, Sonia Chamkhi: au service du cinéma, africain et arabe, mais ouvert sur celui du reste du monde.
Cet événement continuera, d’après cette réalisatrice, à être «une rampe de lancement pour les nouveaux talents et leurs premiers films». C’est ici que des réalisateurs comme le Sénégalais Ousmane Sembène et l’Égyptien Youssef Chahine ont pris leur envol.
Enfin, en raison «du moment difficile» traversé par la Tunisie, Samir Belhaj Yahia, le directeur exécutif du festival, voudrait que les JCC soient, comme dans le passé et sans doute plus encore aujourd’hui, «des jours de détente et de joie» pour les deux cent cinquante mille Tunisiens qui, tous les ans, prennent d’assaut les salles de projection de la capitale et de l’intérieur du pays.
Poursuivant le même objectif, Khaled Azek souhaite que cette trente-troisième édition, qui a pour slogan «Ouvre la voie», «alimente l’espoir qu’un meilleur lendemain est possible».
(*) Bisannuel jusqu’en 2014, le festival se tient depuis tous les ans.