Terrorisme: mini-sommet pour muscler la réponse européenne sur initiative de Paris

Le président français recevra d'abord au palais de l'Elysée, le chancelier autrichien Sebastian Kurz pour un déjeuner de travail. (AFP)
Le président français recevra d'abord au palais de l'Elysée, le chancelier autrichien Sebastian Kurz pour un déjeuner de travail. (AFP)
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Publié le Mardi 10 novembre 2020

Terrorisme: mini-sommet pour muscler la réponse européenne sur initiative de Paris

  • Le président français recevra d'abord au palais de l'Elysée, le chancelier autrichien Sebastian Kurz pour un déjeuner de travail
  • Cette visioconférence, organisée une semaine après l'attentat jihadiste de Vienne et après celui de Nice et la décapitation de Samuel Paty en France en octobre, sera suivie d'une conférence de presse commune

PARIS : A l'initiative du président français Emmanuel Macron, la France, l'Autriche, l'Allemagne et l'Union européenne (UE) tiennent mardi un mini-sommet par visioconférence pour tenter de muscler la réponse européenne au terrorisme, qui a encore frappé récemment la France et l'Autriche.

Le président français recevra d'abord au palais de l'Elysée, le chancelier autrichien Sebastian Kurz pour un déjeuner de travail. Puis à 15H00 (14H00 GMT), les deux hommes tiendront un mini-sommet virtuel avec la chancelière Angela Merkel à Berlin ainsi que le président du Conseil européen Charles Michel et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à Bruxelles. 

Cette visioconférence, organisée une semaine après l'attentat djihadiste de Vienne et après celui de Nice et la décapitation de Samuel Paty en France en octobre, sera suivie d'une conférence de presse commune.

Lui-même menacé par des djihadistes, Emmanuel Macron veut mobiliser les Européens contre le terrorisme islamiste et compte présenter de premières propositions en ce sens au Conseil européen du 10 décembre, avec l'objectif « d'aboutir sous la présidence française » au premier semestre 2022.

Charles Michel et Clément Beaune, secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, en visite à Vienne lundi, ont dessiné quelques pistes pour une réponse européenne commune. 

« Nous considérons que cette menace terroriste est une menace fondamentale, grave, sérieuse contre les valeurs qui fondent le projet européen et nous n'avons pas l'intention de faire preuve de faiblesse, de laxisme », a déclaré M. Michel, au cours d'une conférence de presse aux côtés de Sebastian Kurz.

Il a cité des « échanges fluides » entre les différents services de renseignement, le principe de « pas d'impunité » pour les contenus terroristes sur internet, ou encore la lutte contre le financement du terrorisme. 

Le président du conseil européen a aussi préconisé la création d'un « Institut européen pour la formation des imams, pour s'assurer que les imams soient formés en Europe, pour s'assurer que la primauté de la loi civile est acceptée », étendant à l'Europe l'une des mesures envisagées en France. 

Les deux dirigeants ont aussi mentionné le sujet des combattants partis rejoindre les rangs des djihadistes et qui reviennent, pour lesquels il a souhaité « des stratégies communes de monitoring » (surveillance).

Clément Beaune a, pour sa part, réaffirmé l'objectif de porter les effectifs de l'agence européenne de contrôle des frontières extérieures de l'UE, Frontex, à 10.000 hommes contre 1.500 actuellement.

Prise de conscience européenne 

L'attaque de Vienne, la première de ce type depuis des décennies en Autriche, est intervenue dans un contexte de regain de menaces djihadistes depuis la republication en France par l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet.

Elle a suscité une prise de conscience européenne, a estimé Clément Beaune. « Il y avait encore un certain nombre d'Européens qui pensaient que c'était un sujet réservé à quelques pays, et principalement à la France » avec la laïcité. « Cela a été un grand choc pour tous de voir que (...) tout le modèle européen était ciblé », a-t-il ajouté.

Estimant que la lutte contre l'immigration clandestine fait partie de la lutte contre le terrorisme, Emmanuel Macron a annoncé jeudi vouloir doubler les forces de contrôles aux frontières françaises et a appelé à « refonder en profondeur » les règles régissant l'espace Schengen de libre circulation en Europe, 

Le président français s'est placé en première ligne de la lutte contre le terrorisme en présentant une loi contre le séparatisme islamiste en France, en désignant nommément « l'islam radical » comme l'ennemi ou en défendant le droit à caricaturer Mahomet au nom de la liberté d'expression.

« Nous ferons tout, en Européens, pour ensemble combattre ce fléau qu'est le terrorisme », avait assuré le chef de l'Etat français après l'attentat de Vienne, faisant écho aux propos d'Angela Merkel qui avait évoqué un « combat commun » face à une « attaque contre nos valeurs européennes ».

L'Allemagne, qui préside actuellement l'Union européenne, a également inscrit la lutte contre le terrorisme au menu d'une réunion des ministres de l'Intérieur des 27, le 13 novembre.

En Autriche, le parquet a annoncé que la police autrichienne avait effectué plus de 60 perquisitions en lien avec les mouvements islamistes des Frères musulmans et du Hamas, une opération sans lien avec l'attentat de Vienne mais qui veut « s'attaquer aux racines de l'islam politique ».

 


Un homme armé tentant de mettre le feu à une synagogue à Rouen tué par la police

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X. (Reuters).
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  • Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière
  • "L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier

PARIS: Un homme armé qui tentait vendredi matin de mettre le feu à une synagogue à Rouen, dans le nord-ouest de la France, a été tué par la police, a annoncé le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Les policiers sont "intervenus sur un signalement de dégagement de fumée près de la synagogue", a indiqué une source policière.

"L'homme était armé d'un couteau et d'une barre de fer, il s'est approché des policiers qui ont tiré, l'individu est décédé", a précisé à l'AFP une source proche du dossier.

"A Rouen, les policiers nationaux ont neutralisé tôt ce matin un individu armé souhaitant manifestement mettre le feu à la synagogue de la ville. Je les félicite pour leur réactivité et leur courage", écrit M. Darmanin sur X.


Des Français musulmans s'exilent à l'étranger, fuyant la « morosité ambiante »

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes". (AFP).
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  • Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ
  • Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre

PARIS: Après avoir échoué à 50 entretiens d'embauche pour un job de consultant, en dépit de ses qualifications et diplômes, Adam, Français de confession musulmane, a fait ses valises pour commencer une nouvelle vie à Dubaï.

"Je me sens beaucoup mieux ici qu'en France", estime désormais ce trentenaire d'origine nord-africaine.

"Ici on est tous égaux. On peut avoir comme patron une personne indienne, une personne arabe, un Français", témoigne-t-il à l'AFP, ajoutant que sa religion est "plus acceptée".

Une étude de sociologie publiée le mois dernier rapporte que des Français de culture musulmane, hautement qualifiés, souvent issus de l'immigration, quittent la France pour un nouveau départ dans des villes telles que Londres, New York, Montréal ou Dubaï.

Sur plus de 1.000 personnes répondant à un questionnaire relayé par l'intermédiaire de réseaux militants, 71% ont cité le racisme ou les discriminations pour expliquer ce choix, selon cette enquête, intitulée "La France, tu l'aimes mais tu la quittes".

En France, "vous devez faire deux fois plus d'efforts quand vous venez de certaines minorités", reprend Adam, qui ne donne pas son nom de famille, comme tous ceux interrogés par l'AFP.

Ses amis, sa famille, la culture française lui manquent, mais il raconte avoir fui "l'islamophobie" et le "racisme systémique" entraînant des contrôles policiers à répétition à son encontre.

'Plafond de verre'

La France, ancienne puissance coloniale et pays d'immigration, compte une importante population d'origine maghrébine et africaine.

Les enfants d'immigrés venus chercher une vie meilleure ou appelés à constituer une main d'oeuvre bon marché dans les années 60 sont Français. Mais nombre d'entre eux se sentent étrangers dans leur propre pays, considérés comme des "citoyens de seconde zone". En particulier depuis les attentats jihadistes de 2015 en France.

"Le climat en France s’est largement dégradé. En tant que musulman on est pointé du doigt", estime sous couvert de l'anonymat un banquier franco-algérien de trente ans, qui s'apprête à quitter son pays en juin, direction Dubaï.

Il évoque notamment certaines chaînes d'info et éditorialistes assimilant tous les musulmans à des extrémistes religieux ou des fauteurs de troubles.

Ce fils d'une femme de ménage algérienne, titulaire de deux masters, estime en outre s'être heurté à un "plafond de verre" dans son parcours professionnel en France.

En France, les statistiques ethniques et religieuses sont interdites. Mais de nombreuses enquêtes documentent depuis des années les discriminations frappant les personnes d'origine immigrée dans la recherche d'emploi, de logement, les contrôles policiers...

Un candidat au nom français a près de 50% de chances supplémentaires d’être rappelé par un employeur par rapport à un candidat au nom maghrébin, rappelle ainsi l'Observatoire des inégalités dans son rapport 2023.

'Morosité'

Le rapport très particulier de la France à la laïcité, les polémiques récurrentes sur le voile musulman, provoquent aussi le malaise chez certains.

"Il y a une vraie spécificité française sur cette question. Dans notre pays, une femme qui porte le voile est reléguée à la marge de la société et il lui est notamment très difficile de trouver un emploi. Des femmes portant le hidjab qui veulent travailler sont donc assez logiquement amenées à quitter la France", explique Olivier Esteves, l'un des auteurs de l'étude, au Monde.

"On étouffe en France", raconte à l'AFP un Français de 33 ans d'origine marocaine, qui s'apprête à émigrer en Asie du sud-est avec sa femme enceinte, "pour vivre dans une société plus apaisée et où les communautés savent vivre ensemble".

Cet employé dans la tech veut fuir "la morosité ambiante" et les "humiliations" du quotidien liées à son patronyme et ses origines.

"On me demande encore aujourd’hui ce que je fais dans ma résidence", où il vit depuis plusieurs années. "Et c’est pareil pour ma mère quand elle me visite. Mais ma femme qui est blanche de peau n’a jamais eu cette question", raconte-t-il.

"Cette humiliation constante est d’autant plus frustrante que je contribue net à cette société en faisant partie des hauts revenus qui paient plein pot", s'insurge-t-il.

Paradoxalement, la société française est pourtant "plus ouverte qu'il y a vingt ans" et "le racisme recule", souligne le dernier rapport annuel de l'Observatoire des inégalités, notant que 60% des Français déclarent n'être "pas du tout racistes", soit deux fois plus qu'il y a 20 ans.

Et la part de ceux qui pensent qu’il y a des "races supérieures à d’autres" a été divisée par trois, de 14% à 5%.


Les députés érigent l'agriculture en « intérêt général majeur »

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  • "La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux"
  • L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein

PARIS: Les députés ont approuvé jeudi un article du projet de loi agricole qui prévoit de conférer à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", une innovation juridique censée répondre à une demande des agriculteurs, mais dont les oppositions contestent la portée.

"La protection, la valorisation et le développement de l'agriculture et de la pêche sont d'intérêt général majeur en tant qu'ils garantissent la souveraineté agricole et alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux", énonce cet article-clé du projet de loi.

L'engagement avait été pris par Emmanuel Macron au salon de l'Agriculture, alors que la colère des agriculteurs battait son plein. "Sur le plan juridique, ça positionne l'agriculture en équilibre avec l'environnement", avait approuvé Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, premier syndicat agricole.

"Cela va venir produire, sur le long terme, des effets dans la manière dont vont pouvoir être pondérés différents objectifs de politiques publiques, et dans la manière dont, sur le terrain, des projets agricoles pourront être évalués, réalisés et développés", a affirmé le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Plusieurs députés -- à l'instar de juristes --, doutent cependant de sa portée.

La mesure "crée le fantasme d'une remise en cause de la charte de l'environnement" et "donne l'illusion au monde paysan qu'on a répondu de façon démagogique à toutes ces attentes d'être au-dessus du reste des normes, du droit", a fustigé Dominique Potier (PS).

Nicole Le Peih, rapporteure Renaissance, a admis qu'il s'agissait d'une "innovation juridique" qui ne "modifie pas la hiérarchie des normes".

"Il n'y a pas de remise en cause du principe constitutionnel de la protection de l'environnement" mais "lorsque plusieurs dispositions législatives seront en présence, voire seront contradictoires, l'agriculture fera désormais l'objet d'une attention spécifique", a-t-elle soutenu.

« Intentions »

L'article propose également une longue définition de la souveraineté alimentaire et agricole de la France, reposant notamment sur sa capacité à "produire, transformer et distribuer" les produits nécessaires à "une alimentation suffisante, saine (et) sûre".

Il pose aussi le principe "d'ici au 1er juillet 2025 puis tous les dix ans d'une programmation pluriannuelle de l'agriculture".

Le reste consiste surtout en une longue liste de bonnes pratiques que les politiques publiques sont censées suivre pour assurer cette "souveraineté alimentaire".

L'article a surtout permis à chaque groupe de faire valoir sa vision de l'agriculture, et au camp présidentiel de jouer la carte de la co-construction.

Il a intégré certains objectifs proposés par Les Républicains (justifier et évaluer les surtranspositions avant de les mettre en place, valoriser les agricultrices) ou la gauche (améliorer les conditions de travail des agriculteurs, développer la prévention sanitaire).

Mais l'article "n'a aucune valeur normative" et n'apporte "aucune contrainte", a déploré Sébastien Jumel (PCF). Aurélie Trouvé (LFI), a dénoncé l'absence de mesures pour des "prix planchers".

"C'est caricatural", a rétorqué Henri Alfandari (Horizons), estimant que les agriculteurs demandaient aussi de la clarté sur leurs missions. L'article pose des "intentions qui encouragent", pour Julien Dive (LR).

Les députés RN ont eux fustigé le manque de soutien à leurs amendements.

Les règles de la procédure parlementaire ont aussi donné lieu à une fin de séance kafkaïenne, les députés passant près d'une heure et demie à voter ou rejeter près de 560 amendements, dont certains avaient été débattus de nombreuses heures auparavant.

"C'était complètement dingue", soupirait une députée en sortant, mi-amusée, mi-fatiguée.