PARIS : Régulièrement battu par les oppositions à l'Assemblée, le gouvernement peut également être contrarié par ses propres troupes, des exigeants alliés du MoDem et d'Horizons jusqu'au sein du groupe Renaissance dont une partie n'hésite plus à voter contre l'avis du gouvernement.
Modem, suite du feuilleton
Comme attendu, la majorité présidentielle relative a subi plusieurs revers en cette première semaine de séance budgétaire. Mais pas uniquement à l'initiative des oppositions. «On a des groupes qui ont bien compris qu’ils avaient un nouveau poids. Tout a changé. Tout a un prix», résume un connaisseur des échanges.
En témoigne cet amendement du patron des députés MoDem Jean-Paul Mattei sur les «super-dividendes», largement adopté mercredi soir avec les voix de la gauche et du Rassemblement national. Les députés Horizons se sont abstenus, et le groupe Renaissance s'est quelque peu divisé: 74 contre, 5 abstentions et 19 votes favorables dont celui du suppléant de la Première ministre, Freddy Sertin.
«Pas un coup politique» mais «un coup parlementaire» sur «un sujet de fond», a expliqué M. Mattei. Mais également une nouvelle preuve d'indépendance du parti de François Bayrou, qui avait déjà animé la rentrée en s'opposant à un «passage en force» sur les retraites. Et pas sur un sujet anodin: la taxation de bénéfices et revenus exceptionnels, qui poursuit l'exécutif depuis plusieurs mois.
Un élu d'opposition voit ainsi au travers de ce nouvel épisode «un affrontement Macron-Bayrou». «Car Mattei, c’est Bayrou en direct», assure ce vieux routier.
Comme de coutume, la majorité s'efforce de relativiser. «Ca n'a pas généré beaucoup d'émoi. C'est une connerie de la part de Mattei de matérialiser les différences d'appréciation, en plus avec les oppositions, via cet amendement qui en plus ne passera pas, puisqu'il y aura un 49.3 et qu'il sera évidemment retoqué», pronostique un député Renaissance.
2027 a l'horizon
Le cas de l'ancien Premier ministre Edouard Philippe et de ses troupes semble plus épineux pour Renaissance où l'on distingue volontiers «l'allié historique» MoDem et le parti créé fin 2021 par le maire du Havre, dont nul ne doute de la stratégie présidentielle en vue de 2027.
«J’ai compris qu’en 2024, Renaissance choisirait la façon de déterminer son candidat. Le moment venu, Horizons aussi, et je pense que chez nous, il n’y aura pas de primaire», a d'ailleurs glissé Édouard Philippe au Parisien.
Contrairement à François Bayrou, M. Philippe avait affiché son soutien à Élisabeth Borne quel que soit le calendrier retenu sur la réforme des retraites. Mais ses récentes déclarations --âge de départ à «65, 66, 67 ans», critiques sur la trajectoire française en matière de déficit--, si elles ne sont pas nouvelles, ont été mal reçues au sein du parti Renaissance et du groupe majoritaire, alors que s'engageait la bataille budgétaire.
Et au Palais Bourbon, après le vote par les députés Horizons d'un amendement cet été sur les collectivités contre l'avis du gouvernement, d'autres «cartes postales» sont redoutées.
«L’existence d’Horizons dérange beaucoup de gens», balaye un cadre philippiste pour qui les contempteurs chez Renaissance sont «mal placés, surtout au moment où ils ont 19 personnes qui ont voté l’amendement Mattei».
Renaissance et émancipation
Dans le parti présidentiel, tous l'affirment: il n'y a «pas de frondeurs», cette référence au quinquennat de François Hollande, anti-modèle absolu pour Emmanuel Macron.
Frondeuse ? «Jamais. Non. Mais je ne lâche rien sur les sujets sociaux et écolos», explique la députée de l'aile gauche Stella Dupont, qui a notamment voté l'amendement MoDem sur les «superdividendes» ou encore celui en faveur d'un crédit d'impôt pour le reste à charge de tous les résidents en Ehpad, là aussi sans l'aval du gouvernement.
La perspective du 49.3 pour forcer l'adoption du projet de budget pourrait expliquer en partie ces votes dissidents. «C’est un exercice compliqué pour tout le monde, y compris pour la majorité» car «on perd la main», explique la députée.
«Le Parlement est assez divisé comme ça pour qu’on ne se divise pas entre nous», se lamente-t-on chez Renaissance. Le président de la Commission des Finances, l'Insoumis Éric Coquerel, se frotte lui les mains: «Ce gouvernement, il est de plus en plus minoritaire».