PARIS: L'Assemblée a adopté vendredi en première lecture plusieurs amendements au budget 2023 contre l'avis du gouvernement, lors d'une séance tendue sur la fin, la gauche accusant l'exécutif de tout faire pour éviter l'examen d'amendements sur l'ISF et de prévoir un 49.3 lundi.
Autour de 23h50, alors que la séance devait se terminer à minuit, plusieurs députés de gauche ont interpellé le ministre des Comptes publics Gabriel Attal, lui reprochant de faire sciemment durer une intervention sur un amendement sur les ventes de monuments historiques.
Leur grief ? Il ne restait qu'un amendement après celui-ci avant d'examiner des propositions de rétablissement de l'ISF. "On parle de l'attractivité des territoires ruraux", s'est défendu le ministre.
Également dans le viseur des députés Nupes, deux suspensions de séance préalables, une à l'initiative de Renaissance, l'autre à celle du rapporteur général Jean-René Caezeneuve (Renaissance).
"Il est quand même bizarre que juste avant l'amendement ISF il y ait deux suspensions de séance et des prises de paroles interminables de la minorité présidentielle et des ministres, d'autant qu'un bruit court d'un 49.3 dès lundi", a dénoncé la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot lors d'un rappel au règlement, demandant une prolongation de séance pour examiner les amendements ISF. Une requête soutenue par son homologue PS Boris Vallaud face à des "manœuvres dilatoires".
"On a fait réécrire un amendement mal positionné et mal écrit", a répondu le député Renaissance Sylvain Maillard, pour justifier des interruptions de séance.
"Ils ont eu peur d'être mis en minorité par les RN qui veulent un rétablissement de l'ISF", a tancé un député LFI sortant de l'Hémicycle.
Le recours par le gouvernement à l'article 49.3 de la Constitution, attendu en raison de l'absence de majorité absolue, interromprait l'examen du texte qui serait alors adopté sans vote, sauf adoption d'une motion de censure.
Dans la confusion le chef de file des députés MoDem Jean-Paul Mattei a à son tour demandé une suspension, avant que la présidente Renaissance de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet ne mette finalement fin aux débats, environ 5 minutes avant la fin prévue, annonçant qu'ils reprendraient lundi après-midi.
Les amendements votés
Avant cette fin houleuse, les députés ont adopté une série d'amendements, dont certains contre l'avis du gouvernement.
Un amendement LR pour "corriger les ratés" du dispositif "MaPrimeRenov' de rénovation énergétique de logements via un crédit d'impôt a été voté d'une courte tête (92 pour, 88 contre), soutenu par la Nupes (LFI, PS, EELV, PCF), et le RN.
Il demande au gouvernement de "revoir le dispositif", pour qu'il finance davantage de rénovations globales plutôt que de petits travaux. Il prévoit la création d'un crédit d'impôt, sans fixer de seuil ni de taux.
L'Assemblée a également adopté un amendement concernant les bénévoles, contre l'avis de l'exécutif. Il vise à transformer en crédit d'impôt une réduction d'impôt existante pour leurs frais kilométriques dans le cadre de leur engagement associatif.
Elle a également adopté contre l'avis du gouvernement un amendement...Renaissance. Déposé par Sophie Panonacle, il prévoit une taxe sur des transactions immobilières, de 0,01%, pour verser quelque 35 millions d'euros par an dans un fonds pour les communes touchées par l'érosion du littoral.
Le gouvernement, qui a subi une série de défaites dans la semaine faute de majorité absolue, aura tout loisir d'inclure ou non ces amendements dans le budget s'il devait le soumettre la semaine prochaine à la procédure du 49.3.
En revanche, avec l'aval du gouvernement, les députés ont porté à 3 500 euros par enfant à charge le plafond du crédit d’impôt pour frais de garde des moins de six ans, contre 2 300 euros aujourd’hui.
Ils ont également adopté un amendement MoDem/Renaissance qui fait monter le plafond de l'exonération à 75% lors de la donation ou succesion de biens ruraux. Il passerait à 500 000 euros contre 300 000 aujourd'hui.
L'Assemblée a aussi rejeté, suivant l'avis du gouvernement, des amendements prévoyant une déductibilité des intérêts d'emprunt de primo-acquérants d'un logement, dès lors que celui-ci répondait aux exigences de construction environnementale.
Les députés ont aussi tenu un long débat sur la réforme des droits de succession, le président de la Commission des Finances Eric Coquerel (LFI) annonçant le lancement d'une mission d'information, "probablement l'année prochaine".