LE CAIRE: Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a plaidé l'apaisement dimanche au Caire, assurant le monde musulman du respect de la France, malgré des "divergences" avec l'institution sunnite Al-Azhar au sujet des caricatures du prophète Mahomet.
"J'ai rappelé et je rappelle ici le profond respect que nous avons pour l'islam", a dit le ministre français au cours d'une conférence de presse dans le cadre d'une visite d'apaisement et d'explication au sujet des caricatures.
"Ce que nous combattons c'est le terrorisme, c'est le détournement de la religion, c'est l'extrémisme", a-t-il ajouté en assurant qu'il venait "expliquer, si besoin était, ce combat" ainsi que "le combat (pour le) respect de la liberté de croire".
M. Le Drian s'est entretenu pendant deux heures et demie avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Il a ensuite tenu une réunion avec son homologue Sameh Choukry.
Sa visite intervient peu après le déclenchement d'une controverse sur la publication de caricatures du prophète Mahomet.
Le président français Emmanuel Macron avait défendu la liberté de caricaturer, promettant de ne pas "renoncer aux caricatures", lors d'un hommage national au professeur Samuel Paty, décapité par un islamiste le 16 octobre, pour avoir montré des caricatures du prophète.
Dans certains pays à majorité musulmane, des fidèles ont réagi avec colère aux propos de M. Macron dont des portraits ont été brûlés lors de manifestations et une campagne a été lancée pour boycotter les produits français.
M. Le Drian a également rencontré le grand imam d'Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, qui avait vivement critiqué la France peu après les propos de M. Macron, en assimilant la position de Paris à un "appel à la haine".
Début octobre déjà, Al-Azhar avait jugé "raciste" le discours de M. Macron contre le "séparatisme islamiste".
Dimanche, M. Tayeb a réitéré sa critique de la position française de défense de la liberté d'expression.
"Inacceptable"
"Insulter le prophète est complètement inacceptable et nous poursuivrons quiconque manque de respect envers notre prophète devant les tribunaux internationaux", a écrit l'institution religieuse dans un communiqué à l'occasion de la visite du ministre français.
Ce dernier a reconnu à l'issue de l'entretien avoir "constaté de nombreux points de divergences". "Le grand imam a proposé de travailler ensemble à cette convergence commune (...) car c'est ensemble que nous devons combattre le fanatisme", a-t-il ajouté.
Le président Sissi avait simplement défendu, dans un discours à l'occasion de l'anniversaire du prophète Mahomet le 28 octobre "les valeurs religieuses" rejetant les "insultes au prophète".
Par ailleurs, le ministre français a également évoqué le dossier libyen au cours de ses entretiens dimanche. "Les évolutions des dernières semaines vont dans le bon sens", a-t-il dit en référence à l'accord de cessez-le-feu en Libye signé le 23 octobre et l'organisation du dialogue politique inter-libyen.
"Nous avons les mêmes analyses et les mêmes exigences (que les Egyptiens)", a-t-il dit en citant la demande du départ des mercenaires étrangers et le respect de l'embargo sur les armes des Nations unies.
Le conflit israélo-palestinien et les tensions en Méditerranée orientale ont aussi été abordés.
Interrogé sur la présence de prisonniers de conscience en Egypte, M. Le Drian a répondu qu'il avait évoqué la question avec le président égyptien.
Son homologue Sameh Choukry a répondu qu'il "n'y a pas de détention arbitraire, il y a des détentions en application de la loi". "L'Egypte est un Etat de droit", a-t-il dit.
Selon des ONG de défense des droits humains, l'Egypte compte environ 60.000 prisonniers politiques.
Les relations sont au beau fixe entre Paris et Le Caire, où M. Le Drian effectue sa 19e visite ministérielle depuis 2012. Le ministre s'y est d'abord rendu comme ministre de la Défense, puis neuf fois comme chef de la diplomatie française.
M. Le Drian doit ensuite se rendre au Maroc, où il s'entretiendra lundi avec plusieurs hauts responsables du royaume.