JERUSALEM : Le Premier ministre israélien Yaïr Lapid a salué dimanche la proposition du médiateur américain de démarcation de la frontière maritime entre le Liban et Israël, deux voisins officiellement en guerre qui cherchent à exploiter d'importants gisements gaziers en Méditerranée orientale.
Les deux pays négocient depuis plus de deux ans, par l'intermédiaire des Etats-Unis, la délimitation de leur frontière maritime afin de lever des obstacles à la prospection et l'exploitation de gisements offshore.
La présidence libanaise avait annoncé samedi avoir reçu une proposition formelle du médiateur américain, Amos Hochstein. Hassan Nasrallah, chef du mouvement armé Hezbollah qui domine la vie politique au Liban, a salué "une étape très importante", se félicitant qu'il y ait "désormais un texte écrit" et affirmant que "les jours à venir seraient cruciaux".
Dimanche, le Premier ministre israélien a affirmé avoir aussi reçu la proposition américaine et négocier "les derniers détails".
"Nous ne pouvons pas encore dire qu'il s'agit d'une affaire conclue, mais nous pouvons dire que, comme nous l'avions demandé dès le début, la proposition protège entièrement les intérêts sécuritaires, diplomatiques et économiques d'Israël", a déclaré M. Lapid en conseil des ministres.
"Depuis plus de dix ans, Israël tente d'arriver à cet accord. La sécurité du nord (du pays) sera renforcée. Le gisement de Karish va entrer en service (...) Nous ne nous opposons pas au développement d'un gisement de gaz supplémentaire par le Liban duquel nous recevrons notre juste part", a ajouté M. Lapid.
Les autorités libanaises et israéliennes n'ont pas dévoilé le texte de la médiation américaine mais selon le quotidien libanais L'Orient-Le Jour, le gisement controversé de Karish reste dans le giron israélien tandis que le Liban obtiendrait "la totalité du champ gazier de Cana" bien qu'une partie de ce dernier "dépasse" la future ligne de démarcation entre les deux pays.
Les autorités israéliennes ont indiqué vouloir lancer dès que possible la production de gaz à Karish, gisement offshore exploité par le groupe britannique Energean.
De son côté, le groupe français Total est pressenti pour prospecter et exploiter le gisement de Cana, ont indiqué à l'AFP de hauts responsables israéliens.
Netanyahu vs. Lapid
Israël, qui considère Téhéran comme son ennemi N.1, estime qu'un accord gazier pourra nourrir les coffres de l'Etat libanais et ainsi "réduire sa dépendance à l'égard de l'Iran", soutien clé du Hezbollah, a estimé M. Lapid.
La proposition américaine fait l'objet d'une "révision juridique" et sera ensuite soumise au ministre de la Défense Benny Gantz et au Premier ministre alternant Naftali Bennett pour "approbation", a insisté le centriste Lapid, en campagne électorale pour les législatives du 1er novembre qui pourraient consacrer le retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu.
"Lapid donne au Hezbollah un territoire souverain de l'Etat d'Israël comportant un énorme gisement de gaz qui vous appartient, à vous citoyens israéliens", a réagi dimanche M. Netanyahu dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, sans définir les contours de ce "territoire souverain" dans les eaux à la frontière des deux pays.
"Lapid n'a aucune légitimité pour donner à nos ennemis des territoires qui nous appartiennent (...) Il l'a fait sans débat à la Knesset (le Parlement) et sans référendum", a-t-il ajouté en menaçant de ne "pas respecter" cet éventuel accord.
Yaïr Lapid, qui compte sur l'entrée en production du gisement de Karish afin de doper les livraisons de gaz israélien à l'Europe qui cherche à diversifier ses approvisionnements, a fustigé les propos de son principal rival politique.
"Netanyahu, tu as échoué pendant dix ans à parvenir à un accord. La moindre des choses serait de ne pas miner les intérêts sécuritaire d'Israël et de ne pas aider le Hezbollah avec tes annonces irresponsables", a rétorqué le Premier ministre.
Le ministre Gantz, qui aspire à succéder à M. Lapid lors des élections prévues dans moins d'un mois, a pour sa part accusé Benjamin Netanyahu "d'attiser la propagande de Hassan Nasrallah", et affirmé qu'un éventuel accord serait soumis au Parlement.
Dimanche soir, le ministère de la Justice a affirmé qu'il examinait toujours la proposition américaine.
Selon un sondage commandé par la chaîne publique israélienne Kan et diffusé ce weekend, 43% des Israéliens sont favorables à un accord gazier avec le Liban, 16% défavorables et 41% n'ont pas d'avis sur la question.