Les Américains sont souvent décrits comme un peuple riche et nanti qui profite des avantages de la démocratie et de ses libertés, tels que des élections libres et le droit d’élire le dirigeant qu’ils souhaitent. En somme, nous Américains, avons tout ce que nous désirons.
Mais est-ce vraiment le cas ? La démocratie est-elle vraiment si satisfaisante ? Regardez donc ce que disent les faits sur l’élection – le cœur de la démocratie – qui a lieu aux États-Unis mardi.
La vérité, c’est que, pour de nombreux Américains, les élections ne sont pas vraiment des expériences très satisfaisantes, et généralement, les plus grands perdants d'une élection sont les électeurs eux-mêmes, peu importe pour qui ils ont voté.
Au cours des derniers mois, les Américains ont été bombardés de virulents messages publicitaires de campagne, émanant aussi bien des Républicains que des Démocrates. La bataille électorale bat son plein, aussi bien dans les petits bureaux que dans les hautes sphères du pays entre le président républicain, Donald Trump, et son rival démocrate, l'ancien vice-président Joe Biden. Certaines personnes voteront également pour nommer des juges.
Une avalanche de messages de campagne
Les boîtes mail et les réseaux sociaux des Américains, lorsqu'ils n’ont pas été piratés, ont été inondés d’appels aux dons des candidats, de messages d’intimidation de supporters, qui affirment que si nous les soutenons pas, leurs rivaux gagneront et détruiront nos maisons et l’économie, alimentant ainsi la violence, sapant la sécurité et niant nos droits fondamentaux.
Nos écrans de télévision ont été envahis de spots électoraux agressifs, accusant les candidats d'être racistes, misogynes, xénophobes et même, dans certains cas, coupables de crimes. Les pauses publicitaires qui sont légion dans les émissions de télévision américaine – et s’avèrent même parfois plus longues que les émissions elles-mêmes – ont permis de diffuser largement ces messages de campagne.
Au cours des quatre dernières semaines, j'ai vu l'ancien président Barack Obama à la télévision, dans des spots me demandant de soutenir Biden et le sénateur de l'Illinois Dick Durbin, autant de fois que je me rappelle l’avoir vu sur le petit écran pendant ses huit années de présidence.
Internet est piraté par les Russes, les Chinois, les Nord-Coréens et même les Iraniens, et chaque mail et publication sur les réseaux sociaux que l’on reçoit devient un défi pour votre santé mentale. Cela a de quoi rendre les Américains paranoïaques.
En plus de cet incessant lobbying, par téléphone, à la télévision ou sur Internet, qui se poursuit dans les commerces de détail, comme les épiceries, où des bénévoles vous bombardent de flyers, de propagande électorale et d’appels aux dons, il ne faut pas oublier le fardeau de la pandémie de Covid-19.
La pandémie elle-même est devenue l’enjeu des théories du complot, convaincues que la Covid-19 a été créée par les Chinois dans un laboratoire militaire secret, simplement pour mettre le chaos dans la vie des Américains, leur économie, et surtout nos esprits.
Certains demandent alors comment ne pas croire que les Chinois n’ont pas organisé cette pandémie pour rendre nos vies plus misérables, nous, les personnes les mieux loties de la planète… Les études démontrent que le revenu net médian annuel américain est de 52 700 dollars (44 600 euros) et la valeur médiane d’un logement 217 000 dollars (183 600 euros).
Une campagne sous haute tension
Alors pourquoi tant d'Américains se plaignent-ils de l’élection ? En fait, il faut dire que cette élection a été, semble-t-il, plus stressante que d'habitude. Selon un sondage réalisé par Harris, pour le compte de l'American Psychological Association, plus de 68% des personnes interrogées ont déclaré que la campagne électorale de 2020 avait représenté une source importante de stress dans leur vie, alors que seulement 52% des sondés ressentaient la même chose pendant l’élection de 2016.
Comment les Américains peuvent-ils choisir qui mérite de gagner avec toutes ces pressions et tous ces fardeaux qui pèsent sur nos épaules ?
Et pourtant, nous nous précipitons vers les urnes et nous votons, alors que de nombreuses personnes nous crient au visage – et continueront probablement de hurler même après le jour des élections.
Il y a aussi beaucoup de cris. Plus de 134 millions d'Américains ont voté en 2016, dont 129 millions de bulletins répartis entre Trump et Clinton. Cette année, les analystes s'attendent à ce que la participation soit encore bien plus forte.
En raison de la pandémie, de nombreux Américains ont voulu éviter de faire la queue le jour du scrutin et plus de 93 millions d'entre eux ont donc préféré l’option du vote anticipé et par correspondance, qui a été particulièrement élevé cette année.
Beaucoup d'Américains ne se soucient pas de savoir qui remportera les élections. Ils veulent juste que tout cela se termine pour pouvoir passer à autre chose et faire face ce qui en résultera.
Cela semble peut-être beaucoup, mais plus de 209 millions d'Américains âgés de plus de 18 ans ont le droit de voter – pourtant 70 millions d’entre eux s’enregistrent pour voter et ne prennent pas la peine de le faire, ou ne s'inscrivent pas du tout.
Tous les bulletins, qu’il agisse de votes dans les bureaux, par correspondance, ou encore lors d'un vote anticipé, doivent être comptés. Il convient toutefois de noter que si certains États comptent les bulletins de vote par correspondance à l’avance, d’autres ne le font pas. Certains acceptent également les bulletins de vote qui sont postés le jour de l'élection mais qui arrivent plus tard. Tout cela retardera certains résultats pour le Congrès et pourrait retarder le résultat final de la course présidentielle.
À présent, je parie que beaucoup d'Américains sont comme moi, et ne se soucient pas de savoir qui remportera les élections. Ils veulent juste que tout cela se termine pour pouvoir passer à autre chose et s’adapter à la nouvelle donne. Des impôts plus élevés? Des soins de santé médiocres? Une économie en chute libre? La détérioration de l’environnement? Une augmentation du taux de criminalité, des manifestations et de la violence?
Quelqu'un pense-t-il sincèrement que les élections changeront quelque chose?
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur à l'hôtel de ville de Chicago. Il est joignable sur son site web à l'adresse www.hanania.com.
Twitter: @RayHanania
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com