Les États-Unis sont en proie à une grande polarisation et à une importante division. Le monde doit se demander si le pays peut oui ou non remplir son prétendu rôle de «leader du monde libre». Je ne sais vraiment plus ce que signifie exactement cette expression compte tenu des combats internes qui dominent ce pays.
Le président Joe Biden, un démocrate, a prononcé la semaine dernière un discours partisan qui accuse les républicains de tous les maux dont souffrent les États-Unis, creusant encore plus ce fossé. Il a notamment déclaré: «Ce qui se passe dans notre pays aujourd’hui n’est pas normal. Donald Trump et les républicains du Maga [Make America Great Again – “Rendre sa grandeur à l’Amérique”, NDLR] incarnent un extrémisme qui menace les fondements mêmes de notre république.»
Les profondes divisions du pays se manifestent dans toutes les circonscriptions électorales – et les Arabes américains ne font pas exception à la règle. Bien qu’ils soient préoccupés par le fait que Joe Biden ne soit pas parvenu à tenir ses promesses de campagne, ils ont également pointé du doigt l’ancien président Trump, l’attaquant personnellement, sans pour autant que cela fasse disparaître les problèmes. La représentante Rashida Tlaib, fille d’immigrants palestiniens, utilise la politique de la haine pour tenter de dynamiser les communautés arabo-américaines, musulmanes et progressistes, notamment lorsqu’elle a prononcé un discours grossier contre Donald Trump quelques heures après avoir prêté serment.
Certains pensent que la politique de la haine a commencé lorsque Donald Trump a fait son entrée sur la scène politique. Mais, en réalité, cette phase politique de division a commencé lorsqu’un ancien professeur d’histoire de Géorgie, Newt Gingrich, est arrivé au Congrès en 1979 après avoir transformé un district démocrate en un district républicain.
M. Gingrich a occupé le poste de président de la Chambre entre 1995 et 1999, période au cours de laquelle il a favorisé la politique axée sur la personnalité pour diaboliser les critiques plutôt que de se concentrer simplement sur les avantages et les inconvénients des problèmes et des programmes. S’en prendre à quelqu’un sur le plan personnel signifie généralement que l’attaquant n’est pas en mesure de résoudre les problèmes. Alors, on insulte les gens et on les accuse d’être à l’origine des tendances et des événements négatifs. On rabaisse les individus avant de véhiculer des stéréotypes ou d’attribuer des sobriquets négatifs.
M. Gingrich a lancé une vague de politique haineuse lorsqu’il a pris les commandes, se concentrant sur les démocrates en général et sur le président Bill Clinton en particulier. Il a fait adopter une prétendue législation de réforme de l’aide sociale qui a affaibli le soutien américain aux plus pauvres. Il a même favorisé l’adoption d’une politique de réduction de l’impôt sur les gains en capital qui a privilégié les riches.
Cependant, M. Gingrich est surtout connu pour avoir orchestré la fermeture du gouvernement américain à plusieurs reprises au cours de son règne et pour avoir guidé la destitution du président Clinton. Ce n’était pas que Bill Clinton ne méritait pas d’être destitué, mais, avant même que les questions clés ne puissent être débattues, M. Gingrich en a fait un champ de bataille sanglant porté par une politique axée sur la personnalité et la haine.
Personne n’a discuté du bien-fondé des questions; elles ont été écartées. Le pays était plutôt divisé entre ceux qui soutenaient M. Gingrich, c’est-à-dire les républicains et les conservateurs, et ceux qui soutenaient M. Clinton, les démocrates et les libéraux. Entre les deux se trouvaient des modérés, démocrates et républicains, qui étaient déconcertés par la rhétorique belliqueuse et l’environnement de confrontation. Mais ils étaient sans dirigeants.
Avant la montée en puissance de M. Gingrich, l’ancien président Ronald Reagan – qui a obtenu le soutien des républicains et des démocrates en créant ce que nous appelons aujourd’hui les «démocrates de Reagan» – avait expliqué que la politique ne devrait jamais salir l’image des personnes. S’exprimant en 1985 dans la bibliothèque présidentielle qui porte le nom de l’un de ses prédécesseurs, John F. Kennedy, assassiné en 1963, M. Reagan a fait l’éloge de ce dernier avant d’ajouter un commentaire important et révélateur d’un aspect de la politique américaine qui se perd aujourd’hui: «Cela ne veut pas dire que j’ai soutenu John Kennedy lorsqu’il s’est présenté à la présidence. Je ne l’ai pas fait. J’étais pour l’autre type. Mais une fois que la bataille se termine et que les tensions s’apaisent, eh bien, vous verrez à quel point le général adverse est vaillant.»
On ne retrouve plus ce genre de génie politique ici aux États-Unis. M. Gingrich a donné le ton, mais de nombreux républicains et démocrates ont depuis alimenté la politique de la haine.
Le président George W. Bush a utilisé la colère pour rassembler les gens dans les jours qui ont suivi l’attaque terroriste d’Al-Qaïda de 2001. Cette dernière a coûté la vie à près de 3 000 personnes à New York, à Washington et dans un champ de Pennsylvanie. M. Bush a déclaré sans ambiguïté aux dirigeants des nations étrangères et au peuple américain lui-même: «Avec le temps, les nations sauront qu’elles seront tenues responsables de leur inaction. Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes.»
Newt Gingrich a donné le ton, mais de nombreux républicains et démocrates ont depuis alimenté la politique de la haine.
Ray Hanania
Lors de sa campagne électorale pour la présidentielle de 2016 contre Donald Trump, Hillary Clinton, ancienne première dame et sénatrice de New York, a promis de mener une «campagne positive». Cependant, sa rhétorique a alimenté la colère et elle a qualifié de «déplorables» ceux qui soutenaient son adversaire.
Les candidats utilisent la politique de la haine pour rallier leurs partisans, mais aussi comme un moyen pour éviter une discussion respectueuse susceptible d’aborder les différents problèmes. Le pire, c’est que la haine est généralement ciblée contre une seule personne, et non sur ces problèmes, qui sont plus importants et pourraient avoir des répercussions sur la vie des gens.
C’est l’une des raisons pour lesquelles les Arabes et les musulmans américains ne sont pas en mesure de changer les politiques américaines – qu’elles soient républicaines ou démocrates – non seulement dans le but d’apporter justice et équité à leurs communautés aux États-Unis, mais également pour modifier les politiques injustes qui affectent le Moyen-Orient.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Il peut être contacté sur son site Internet personnel à l’adresse www.Hanania.com.
Twitter: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com