PARIS : Deux vélos, une trottinette ou encore une tour Eiffel miniature sortis des eaux: Ludovic Franceschet, éboueur parisien qui sort son métier de l'ombre sur TikTok, part à la pêche au grappin dans la Seine.
Pendant un de ses jours de repos, il mène une opération improvisée de nettoyage du fleuve avec trois abonnés, un aimant au bout d'une robuste corde et des hameçons.
"On partage la même passion, la propreté de la planète, et on s'en donne les moyens", explique Ludovic.
Son efficace coup de balai dans les rues de la capitale est suivi par plus de 260 000 abonnés sur la plateforme de vidéos TikTok.
@ludovicf_off @Ludovicf_off #éboueurs #paris #pariscentre . Merci à tous
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Avec son bob noir et blanc aux motifs vache vissé sur la tête, son tee-shirt rouge siglé "Earth cleaner", et son ineffaçable sourire malgré la fine pluie, Ludovic n'hésite pas à donner de sa personne.
Face aux canettes, mégots et restes de repas abandonnés, "on pourrait se décourager, mais non, l'homme peut détruire, mais pas que!"
Et quand par malchance l'aimant se retrouve coincé contre un tuyau immergé dans la Seine, l'éboueur enfile ses cuissardes, tombe le tee-shirt et essaie de le récupérer, non sans grimaces, de l'eau jusqu'à la taille.
"Un aimant comme ça coûte 190 euros, précise Ludovic. Mais pour sauver la planète, ça n'a pas de prix".
Il faudra finalement que tous les pêcheurs tirent la corde avec l'aide d'un passant pour déloger l'aimant.
«Un trésor?»
La pêche matinale intrigue plus les touristes que la tour Eiffel. "Ils ont trouvé un trésor?", s'interroge une curieuse depuis le pont d'Iéna. Certains prennent même une photo à côté de la trottinette recouverte de vase.
"C'est le même problème, partout", peste un touriste dans un anglais teinté d'accent allemand.
Peu importe, à 47 ans, Ludovic garde son rire communicatif et masque son dégoût des incivilités qu'il rencontre au quotidien: "Je suis révolté..."
Mais s'essayer à la pêche au hameçon, "ça permet de calmer sa colère, de temporiser. Ça fait émotionnellement du bien".
Le partage de son quotidien sur les réseaux sociaux a commencé en 2019, alors qu'il était dans la cabine d'un camion poubelle, avec un collègue, en pleine collecte des déchets.
"On était dans les bouchons, et des personnes nous ont klaxonnés, raconte Ludovic. Ils nous ont insultés, j'ai dit +stop, on va se calmer+, puis j'ai dit à mon binôme: 'viens on va danser, on va applaudir, on va faire les fous'"
La scène est filmée et dépasse les 340 000 vues, se souvient l'éboueur.
«Fier d'être éboueur»
"J'ai eu un peu peur, je ne connaissais pas les réseaux sociaux", confesse Ludovic. Depuis, "je ne pourrais pas faire une journée sans live, sans TikTok". Il rappelle toujours qu'il est "fier d'être éboueur".
"Nous, les éboueurs, on est le commencement de toute la chaîne qu'un déchet peut suivre, explique-t-il à l'AFP. J'ai voulu montrer tout ça et l'importance de ce beau métier".
Ses vidéos ont même créé des vocations: "des personnes sont venues me voir et dire 'Ludovic, tu sais que c'est grâce à toi que je suis là? On a vu tes vidéos, on a eu envie de faire ce métier'".
Dans sa lutte acharnée contre les déchets, Ludovic s'adonne à des actions symboliques sur son temps libre: un tour des portes de Paris à pied pour ramasser des détritus, ou rattraper les auteurs des incivilités face caméra pour leur expliquer les conséquences de leur geste.
A terme, il espère que "d'autres personnes feront la même chose que nous". Et pas seulement lors de la journée mondiale du nettoyage de la planète, le 17 septembre, quand des milliers de bénévoles nettoieront les coins pollués du monde.
"Je conseille à toutes les personnes qui veulent donner du temps à la dépollution: faites-le, point barre! Il faut qu'on fasse barrage à toutes ces incivilités".