NEW YORK: Salman Rushdie va un peu mieux selon ses proches, deux jours après que l'écrivain des « Versets sataniques », menacé de mort depuis 1989 par une fatwa de l'Iran, eut été poignardé au moins dix fois par un Américain d'origine libanaise, dans le nord des Etats-Unis.
Cette attaque vendredi matin sur la scène d'un amphithéâtre du centre culturel de la ville tranquille de Chautauqua, près du lac Erié dans le nord de l'Etat de New York, a choqué en Occident mais a été saluée par des extrémistes musulmans.
L'intellectuel britannique et américain de 75 ans n'est plus sous assistance respiratoire et « la voie du rétablissement a commencé », s'est félicité son agent Andrew Wylie dans un communiqué transmis au Washington Post.
« Les blessures sont graves, mais son état évolue dans la bonne direction », a ajouté ce proche de l'écrivain à la renommée mondiale, poignardé une dizaine de fois au cou et à l'abdomen. Un homme de 24 ans, Hadi Matar, s'était précipité sur l'estrade avant que M. Rushdie ne prenne la parole au centre culturel de Chautauqua.
« Humour intact »
Zafar Rushdie, son fils, a confirmé sur Twitter que son père « avait pu dire quelques mots » et qu'il avait « conservé intact son sens de l'humour ». La famille s'est dite « extrêmement soulagée ».
Salman Rushdie reste hospitalisé à Erié, en Pennsylvanie, au bord du lac qui sépare les Etats-Unis du Canada.
Si les nouvelles de dimanche sont rassurantes, l'agent Wylie avait été alarmiste vendredi en parlant de blessures graves au bras et au foie et la perte possible d'un œil.
L'animateur de la conférence, Henry Reese, 73 ans, qui a été légèrement touché au visage, a raconté sur CNN que l'attaque « ressemblait à une sorte de mauvaise blague (qui) n'avait pas l'air réel. Quand il y a eu du sang derrière lui, c'est devenu réel ».
Leur agresseur, Hadi Matar, né aux Etats-Unis, vivant dans le New Jersey et dont les parents sont d'un village du sud du Liban, a été inculpé de « tentative de meurtre et agression ».
En tenue rayée noire et blanche de détenu, menotté et masqué, il n'a pas dit un mot samedi soir devant le tribunal de Chautauqua et a plaidé »non coupable » par la voix de son avocat.
Il doit comparaître de nouveau le 19 août.
Préméditée
Sans donner de mobile, les procureurs ont qualifié l'attaque de préméditée.
L'attentat a provoqué une onde de choc, particulièrement en Occident: le président américain Joe Biden a rendu hommage à M. Rushdie pour son « refus d'être intimidé et réduit au silence ».
Vivant à New York depuis vingt ans, naturalisé américain en 2016, Salman Rushdie avait repris une vie publique à peu près normale tout en continuant de défendre, dans ses livres, la satire et l'irrévérence.
Coïncidence, le magazine allemand Stern l'avait interviewé quelques jours avant l'attaque: « Depuis que je vis aux Etats Unis, je n'ai plus de problème (...) Ma vie est de nouveau normale », assure l'écrivain, dans cet entretien à paraître le 18 août, en se disant « optimiste » malgré « les menaces de mort quotidiennes ».
Salman Rushdie, né en 1947 en Inde dans une famille d'intellectuels musulmans non pratiquants, avait embrasé une partie du monde islamique avec la publication en 1988 des « Versets sataniques », jugés par les musulmans les plus rigoristes comme blasphématoires à l’égard du Coran et du prophète Mahomet, et conduisant l'ayatollah iranien Rouhollah Khomeiny à émettre la fatwa réclamant son assassinat.
La fatwa n'a de fait jamais été levée et beaucoup de ses traducteurs ont subi des attaques.
Combat « universel »
« Son combat est le nôtre, universel », avait lancé le président Emmanuel Macron, tandis que le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'était déclaré « horrifié ».
Le chef du gouvernement israélien Yair Lapid -- dont le pays est l'ennemi de l'Iran -- a dénoncé « le résultat de décennies d'incitation au meurtre par le régime extrémiste iranien ».
Mais dans des pays musulmans, l'attaque a été saluée par des extrémistes.
En Iran, le quotidien ultraconservateur Kayhan a félicité « cet homme courageux et conscient de son devoir qui a attaqué l'apostat et le vicieux Salman Rushdie » et le journal Javan écrit dimanche qu'il s'agit d'un complot des Etats-Unis qui « veulent probablement propager l'islamophobie dans le monde ».
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a déclaré dimanche que des médias d'Etat iraniens « jubilaient » après l'agression de l'intellectuel. « C'est abject », a-t-il observé dans un communiqué.
Au Pakistan, le parti Tehreek-e-Labbaik Pakistan -- réputé pour sa violence contre ce qu'il considère comme du blasphème antimusulman -- a jugé que Rushdie « méritait d'être tué ».
Au Royaume-Uni, la police enquête sur une menace dont l'autrice de Harry Potter, J.K. Rowling, dit être la cible sur Twitter, après avoir exprimé son soutien à Salman Rushdie.
L'Académie Goncourt apporte «son soutien et sa solidarité» à Rushdie
L'Académie Goncourt, qui décerne chaque année le plus prestigieux prix littéraire francophone, a exprimé dimanche "son soutien et sa solidarité inconditionnels" à l'écrivain Salman Rushdie, hospitalisé dans un état grave après avoir été poignardé aux Etats-Unis vendredi.
"Devenu malgré lui un symbole inébranlable de la résistance face au totalitarisme et à l'obscurantisme islamistes, il s'est toujours plu à souligner que cette violence à son endroit avait pour origine une oeuvre de fiction et qu'elle avait paradoxalement pour effet de confirmer la puissance de la littérature", écrit l'Académie Goncourt dans un communiqué.
Menacé de mort depuis une "fatwa" de l'Iran de 1989, un an après la publication de son livre "Les versets sataniques", l'écrivain britannique naturalisé américain a été poignardé une dizaine de fois vendredi dans l'Etat de New York (nord-est des Etats-Unis).
Depuis "l'appel au meurtre" lancé par l'Iran contre Salman Rushdie en 1989, "des éditeurs et des traducteurs de son livre ont été attaqués, tués, blessés un peu partout dans le monde faute de pouvoir en atteindre l'auteur", rappelle l'Académie Goncourt.